En ce moment, faire de la bibliographie me rend grognon (cf. l'article précédent) et donc je ne suis pas très motivée pour bosser, alors que, outre cela, j'ai aussi les plans des récits sur Tibère, Claude et Néron à faire, ainsi que mes énooooooormes recherches lexicographiques que je n'ai pas commencées (en même temps, il faut d'abord que je fasse le plan, en en profitant pour repérer tous les termes). Par conséquent, en attendant de Retrouver le Feu Sacré, il me paraît temps de raconter mon fameux colloque de décembre, surtout que j'ai une intervention à la fac de Bologne qui se profile pour le 27 avril prochain, ce qui me fera un deuxième sujet de post (non, ne me remerciez pas de tant de bonheur).
Ledit colloque de décembre était très large chronologiquement (de l'Antiquité à nos jours) et géographiquement parlant (trois intervenants ont abordé ce qui se passait en Afrique, ce qui permet de parler de colloque international : la classe), mais, surtout, il était organisé par des historiens. Chers gens qui ne connaissez pas les historiens, laissez-moi vous les présenter (en faisant des généralisations abusives et absurdes, bien sûr, d'autant que c'était mon premier colloque avec des historiens) :
1) les historiens sont cools : là où nous autres, lettres classiques, sommes souvent "prout" et protocolaires, eux sont détendus du bulbe et se la pètent rarement ; d'ailleurs, vestimentairement, ça se voit : on trouve nettement plus de "néo-babas" chez eux que chez nous et le Taux de Cravates est assez bas.
2) les historiens transcendent les disciplines : comme la leur est divisée en quatre périodes, ils ont l'habitude d'aller voir ce que les autres font dans des domaines très différents du leur, histoire de voir si ça ne peut pas les aider pour leur propre pratique (chez nous (i.e. en France ; les Anglo-Saxons sont beaucoup plus détendus avec ça), c'est "tu fais du grec ? reste chez les Grecs ; tu fais du latin ? reste chez les Latins") ; ils ne trouvent donc pas absolument saugrenu que vous disiez penser à aller voir du côté de la sociologie ou de la narratologie pour voir comment ça fonctionne là-bas (toute ressemblance avec un cas connu...).
3) les historiens ne sont pas perturbés outre mesure par la nouveauté : comme leur discipline a beaucoup évolué (détachement d'une conception "littéraire" ; confrontation avec la sociologie ; Ecole de Annales ; structuralisme ; ego-histoire ; etc.), leur rapport à la tradition est, là aussi, nettement moins pesant ; chez nous aussi, on est très intéressé par les nouveautés, mais la réaction "instinctive" est souvent de commencer par freiner des quatre fers (cf. ce qui est arrivé à Vernant, Vidal-Naquet et consorts).
4) les historiens sont conviviaux : parfois un peu trop, même ; souvent, pour nous caricaturer, j'explique que les hellénistes mangent des sushis, tandis que les latinistes sont plutôt pâté-cornichons (en règle générale, les gens comprennent très bien ce que je veux dire, c'est marrant...) ; les historiens, eux, toujours pour caricaturer, c'est refaisons le monde autour d'une bouteille (ou deux, ou trois) jusqu'au bout de la nuit (selon une Légende Urbaine Universitaire, la palme reviendrait aux archéologues) ; mais, comme ils sont cools, ils sont quand même debout à huit heures, droits comme des i et sans gueule de bois apparente, pour écouter attentivement les premières communications de la matinée (là où, vous, si vous pouviez vous allonger sous les chaises pour roupiller, vous le feriez sans hésiter et ce alors que vous êtes allée vous coucher à 22h30 parce que vous étiez claquée, quand eux sont rentrés vers 2h du matin).
Ça, c'est donc pour le contact colloquiesque avec la population historienne. En ce qui concerne ma propre prestation, je retiendrai quelques points importants pour l'Avenir :
1) Chef a raison (comme d'habitude), une lecture qui dure pile vingt minutes chez moi ne donne pas vingt minutes devant un parterre de chercheurs ; il doit y avoir une faille temporelle, un ralentissement induit du cerveau, mais il a fallu que je fasse du trapèze volant pour ma troisième partie. Point positif : mes capacités en trapèze volant se sont améliorées. Point négatif : le président de séance a quand même été gentil et m'a laissée dépasser de dix minutes. Point réconfortant ; je n'étais pas la seule. Point moins réconfortant : est-ce que ça veut dire que ça ne s'améliore pas avec l'Expérience ?
2) les talons et le chignon, ça marche sans doute sur les étudiants, mais, dans un colloque, ça ne cache absolument pas que vous êtes une Bleue (et puis ça vous tatoue sur le front "je suis en lettres classiques"). Point négatif : ben.. euh... deux jours à avoir l'impression très nette d'être une schroumpfette (surtout quand, à table, ça parle publication de thèse, postes de maîtres de conf' et dents du premier gamin). Point positif : quand vous faites du trapèze volant en bout de 18 min 30, le président de séance est gentil avec vous et, au premier rang, les organisateurs vous font la mine du prof encourageant un étudiant méritant.
3) changer une présentation NéoOffice à l'arrache en Powerpoint vous expose à des surprises (Microchiottes de merde !). En l'occurrence, mon texte ne s'adaptait plus à la taille de mon écran, ce qui fait que mes derniers exemples présentés avec amour sont passés à la trappe en pleine intervention. Point positif : gestion du stress (presque) nickel. Point négatif : début du trapèze volant accéléré.
4) tant qu'on y est, TOUJOURS vérifier AVANT l'intervention que tout est ok avec powerpoint et ordinateur : cela permet de faire buguer le système à la pause et pas juste avant de passer. Point positif : le président de séance vous aime bien d'avoir été prévoyante et est plus indulgent sur le temps. Point négatif : vous passez pour une grosse snob à gueuler pendant une demi-heure sur ces PC de m*****, en répétant frénétiquement que tout allait bien sur votre Mac.
5) éviter d'énoncer des lapalissades, même en transition rapide, sinon on se fout ensuite gentiment de votre gueule en résumant votre intervention. Point négatif : vous confirmez votre statut de noob à tous ceux pour qui ce n'était pas encore évident. Point positif : comme vous avez bugué genre "c'est du lard ou du cochon ?" en entendant ça, vous pouvez espérer vous attirer l'indulgence du public.
Pour le reste, j'ai vraiment eu de la chance : c'était extrêmement bien organisé, très sympa, enrichissant, tout remboursé et j'ai connu beaucoup de gens très intéressants, dont une prof d'histoire romaine qui a poussé la gentillesse jusqu'à m'envoyer des remarques et relire la version écrite de ma communication.
Il reste à voir si j'aurai retenu quelque chose, dans trois semaines, à Bologne.