Aujourd'hui, demain et vendredi, je suis une formation sur la rédaction de thèse. Je m'y suis inscrite évidemment parce que c'est le moment et c'est aussi l'argument que j'ai mis en avant lorsqu'on m'a mise sur liste d'attente : c'est maintenant ou jamais ; plus tard, ça me sera à peu près aussi utile que de me mettre au kung-fu.
La première journée m'a donné l'idée de faire une petite "typologie" des personnes qui assistent à ces formations, parce c'est franchement assez sciant. Tous les croisements sont possibles et la liste n'est pas exhaustive, bien sûr.
Type 1 : les insupportables fantômes (dits aussi "les gros bâââââââtaaaaards").
Ils s'inscrivent, souvent au quart de tour (je me suis retrouvée sur liste d'attente en ayant répondu dix minutes après avoir reçu le mail du service de formation doctorale ; en d'autres circonstances, j'aurais appelé ça "sauter sur l'occasion", mais, vu le résultat, je suis franchement une petite joueuse) ; le principe étant "premier inscrit, premier servi", ils se voient donc attribuer une place, en sachant que les effectifs ne sont pas illimités et que les gens s'inscrivant trop tard seront mis sur liste d'attente ; ils restent muets tout le temps qui passe entre leur inscription et leur formation et, au final, ... ils ne viennent pas. Sans prévenir, évidemment.
Selon les formations, ça va de la moitié aux deux tiers des inscrits. Aujourd'hui, on était plutôt à 50 % et une seule personne s'est officiellement désistée (et le responsable des formations avait relancé tout le monde après que j'ai fait valoir mes arguments) : de quoi énerver tous ceux qui, honnêtes, n'ont pas osé venir malgré l'étiquette "full up" accollée au séminaire. Ça m'est arrivé une fois, je vous garantis que ça fout les boules avant (parce qu'on sait que la moitié des inscrits ne viendra pas), pendant (parce qu'on pèse le temps de trajet potentiellement perdu si on venait pour rien et qu'on y renonce tout en sachant qu'il y aura en fait de la place) et après (quand on apprend par un pote qu'ils étaient cinq au lieu de vingt). Aujourd'hui, une fille avait tenté le coup : bingo, bienvenue parmi nous.
("Salut ! c'est moi qui ai pris la place que tu aurais pu avoir dans cette formation ! Et je n'y suis finalement même pas allé !")
Type 2 : l'analphabète.
Pris d'un réflexe compulsif (qui explique aussi peut-être l'absence des fantômes), il s'est inscrit sans même lire le descriptif de la formation. Laisse ensuite passer le temps entre son inscription et la formation SANS avoir l'idée d'aller jeter un coup d'oeil audit descriptif. Et révèle sa vraie nature le premier jour, en règle générale durant la première demi-heure, par des phrases telles que :
- « Ah, il fallait amener son ordinateur ? Mince, alors, je ne savais pas ! » (à une formation sur l'utilisation optimale du traitement de texte, c'est franchement bien joué)
- « Ah bon, c'est destiné aux étudiants à partir de la deuxième année et plutôt en troisième ou quatrième année ? Je croyais que c'était ouvert à tout le monde ! » (celui-là est aussi un bâââââtard, mais involontaire)
- « Nooon, c'est vrai ? ça dure trois jours ? Je croyais que c'était trois journées au choix ! » (Mmmm... Et le fait qu'on ne te demande pas tes préférences, ça ne t'a pas mis la puce à l'oreille ?)
Type 3 : le génie.
Lui, non seulement il n'a pas lu le descriptif, mais il n'a même pas lu l'intitulé de la formation. Il est donc là, mais il n'a pas la moindre idée de ce qu'il vient faire ici, ce qui donne, généralement au bout de cinq minutes, voire même avant le début : « Ah bon ? c'est une formation sur la rédaction ? Mais je suis en tout début de première année, je n'ai même pas encore assez de matière pour rédiger un topo présentant mes sources ou ma biblio ! »
Ça se passe de commentaire.
Variante : celui qui a raté la moitié de la formation, mais qui veut quand même raccrocher les wagons, parce que « franchement, ça peut pas être si grave de ne pas avoir été là pendant que vous expliquiez les bases, non ? Pardon ? évidemment que je ne connais rien au sujet, sinon je ne me serais pas inscrit à cette formation ! »
Ça me rappelle cette étudiante qui ne voulait suivre qu'une demi-heure (sur deux heures prévues) de cours de latin (très) grands débutants, alors qu'en plus elle n'en avait jamais fait de sa vie.
Type 4 : les pas gênés aux horaires archi souples.
Ils vont, ils viennent, ils sont là, ils ne sont pas là, parce qu'ils ont une montre ou un portable et qu'ils ne l'utilisent pas ou que leur cerveau buggue dès qu'il entend ou lit "La formation débute à telle heure", "On reprend à telle heure" ou encore "On fait une pause de X minutes". On les repère très vite, ceux-là aussi : ils arrivent, tout sourire et neuf fois sur dix sans s'excuser, avec vingt minutes, quarante minutes, une heure, voire une heure et demie de retard. Leurs neurones ont dû faire un noeud en lisant "de 10h à 17h" et comprendre que c'était la plage horaire pour arriver.
Et puis il y a l'inverse : ceux qui profitent, une bonne heure avant la fin, que le formateur est allé chercher des documents ou occupé avec quelqu'un, pour s'esquiver tout en classe et en délicatesse, sans avoir même tenté de donner un prétexte bidon.
Type 5 : les pas gênés à l'agenda archi souple.
Contrairement à l'analphabète, ils ont tout à fait compris que la formation était sur trois jours. Oui, mais voilà : en fait, ils ne peuvent être là qu'un jour sur trois ou un et demi et ils n'ont quand même pas voulu attendre de voir les dates de la deuxième session, des fois que ça tombe sur trois jours où ils n'auraient absolument rien de prévu. « Mais c'est pas grave ! Vous me ferez quand même le certificat pour l'ensemble des vingt-et-une heures, hein ! »
Type 6 : les boulets adolescents attardés.
Ils savaient où ils mettaient les pieds. Ils savaient ce qu'on allait leur demander. Ils savaient combien de temps ça allait durer. Mais ils n'ont pas pour autant envie de faire quoi que ce soit. Donc, pendant que la formatrice parle, cachés derrière leur écran d'ordinateur, ils consultent Facebook, s'achètent des billets de train, rédigent un bout de thèse, lisent un article, voire commentent en direct en chattant avec des copains.
Variante : pendant un exercice, alors que la formatrice est à l'autre bout de la salle, ils sortent de leur sac une revue de foot, qu'ils lisent très commodément en la posant sur leurs genoux, dissimulée sous la table. WTF ???!!! o_O
Type 7 : les doctorants anonymes.
« Bonjour, je m'appelle Lina et je... cette année, j'ai perdu la moitié de mon groupe de TD... »
« Alors ! On va tous se chauffer la voix en criant "fromage" à pleins poumons !!! - (moment d'hésitation ; échanges de regards mal assurés) Fromaaaage. - J'ai dit "FROMAGE" ! - FROMAAAAAAAGE !!!! »
« Donc, si j'ai bien compris, une pensée PIC, c'est "Je hais Proust, je hais Proust, je hais Proust", alors qu'une pensée POC, c'est "Je hais Proust et je vais démontrer en quoi j'ai raison" ? »
« Alors ! On va tous se chauffer la voix en criant "fromage" à pleins poumons !!! - (moment d'hésitation ; échanges de regards mal assurés) Fromaaaage. - J'ai dit "FROMAGE" ! - FROMAAAAAAAGE !!!! »
« Donc, si j'ai bien compris, une pensée PIC, c'est "Je hais Proust, je hais Proust, je hais Proust", alors qu'une pensée POC, c'est "Je hais Proust et je vais démontrer en quoi j'ai raison" ? »
Les doctorants anonymes, ce sont ceux qui se sont levés aux aurores et ont affronté le RER aux heures de pointes pour assister à la formation et qui n'entrent donc dans aucun des six types énoncés ci-dessus. Ou pas tout le temps. Ou pas complètement. Et qui essaient tant bien que mal de jouer le jeu, malgré la flemme, l'appel de la thèse (« Mon précccccccieux !») et, il faut bien le dire, parfois, un certain scepticisme.
Bref, c'est 90% des gens, quoi, étant donné que les autres (hors fantômes) ne sont généralement pas plus de deux par groupe.