... that is la question.
Vraiment.
La campagne d'ATER pour l'an prochain a commencé et les annonces publiées ou à venir s'entassent petit à petit sur Altaïr. Cette année, je suis nettement moins stressée qu'il y a un an. Je suis déjà passée par là et c'est ma dernière année de thèse : l'objectif étant de soutenir en décembre pour les qualifications de janvier, je dois rendre en septembre ; cela signifie que, si tout va bien (et tout va encore relativement bien), j'aurai fini ou presque fini ma thèse à la rentrée, qu'elle soit scolaire ou universitaire. C'est donc moins "grave" si je pars dans le secondaire, ce qui fait que je suis beaucoup moins fébrile : je n'ai, par exemple, pas candidaté à Toulouse, alors que je l'avais fait l'année dernière.
Certaines annonces parues en ligne mériteraient d'ores et déjà de figurer dans un bêtisier : latin-philo temps plein "Santé, société, humanité" pour une faculté de médecine (bien que ce ne soit pas du tout idiot) ou encore grec "Sciences de l'agriculture". Soit ce sont des blagues, soit ça sent le poste à moutache à plein nez.
[Parenthèse explicative pour les gens normaux : un poste à moustache est un poste pour lequel une annonce est publiée (c'est un obligation légale, du moins pour ceux de maîtres de conférence et de professeurs), alors que l'université en question sait déjà, à l'avance, qui elle va prendre. Parfois, l'intitulé du poste est très large ("Littérature latine"), parfois, au contraire, il est si précis qu'il ne peut correspondre qu'à une seule personne... qui se trouve comme par hasard être celle que l'université avait déjà en tête : la vie est bien faite, non ? C'est comme si l'intitulé était : "Nous cherchons quelqu'un qui ait des moustaches d'une douzaine de centimètres de long, blondes, bien fournies et tombant en pointe juste sous la ligne de mâchoire."]
(Astérix, candidat idéal à ce poste à moustache)
Parmi ces annonces, une de l'ENS de Lyon, pour un poste en latin, dont on ne sait ni s'il est vacant (c'est-à-dire ouvert sans aucun doute en septembre) ou non, ni s'il est plein ou demi (le double d'heures, mais aussi un salaire substantiellement plus élevé).
Je suis restée en arrêt. Pas parce que mes oreilles se dressaient, mais parce que, tout à coup, je me suis demandé si j'avais envie d'enseigner là. À Lyon ou dans une ENS en général, d'ailleurs. C'est d'autant plus paradoxal que je suis moi-même ulmienne.
Je ne connais rien à l'ENS Lyon, à part que leur concours recrute des gens qui sont déjà spécialisés (là où celui d'Ulm est beaucoup plus généraliste, même si c'est moins le cas que lorsque je l'ai passé, il y a presque dix ans). Des échos que j'en ai, j'imagine une structure dynamique, sympathique, dans un cadre agréable, avec des conditions d'enseignement optimales. Un peu comme Ulm, donc.
Enseigner à des gens qui ont déjà un bon, voire un très bon niveau de latin, qui sont déjà relativement familiarisés avec la culture, la littérature, l'histoire et la mentalité latines, c'est un luxe.
Pouvoir parler des dernières avancées de la recherche sur l'Antiquité, voire même présenter en détail mon domaine de recherche à ceux qui seront très probablement mes collègues dans quelques années, c'est un rêve.
Cela montrerait aussi que je suis capable d'un enseignement de pointe, dans un CV contenant de nombreuses interventions de "vulgarisation".
Mais en réalité, la question, c'est : est-ce à ce genre de public que je veux enseigner ?
J'aime l'idée d'une fac avec un enseignement de latin ouvert à tout le monde, les bons comme les mauvais, les débutants comme les aguerris ; une fac que les étudiants des Grandes Écoles fréquentent, de toute façon (du moins, en lettres).
J'aime aussi me creuser la tête pour adapter mon propos au niveau des étudiants que j'aurai en face de moi, chercher comment expliquer simplement et de manière compréhensible des choses compliquées et/ou à la pointe de la recherche (cette année, dans Fac n°2, alors que j'avais devant moi des étudiants qui n'étaient absolument pas des spécialistes, je n'ai en aucun cas fait un enseignement "low cost" et ça n'a pas posé problème).
Par ailleurs, je me demande aussi si c'est une bonne stratégie pour avoir un poste plus tard. D'abord, si ce poste est effectivement ouvert, il y a de fortes chances pour que ce soit quelqu'un de Lyon, qu'ils connaissent, qui soit privilégié (c'est souvent comme cela que les choses se passent, au moins au niveau ATER). Ensuite, les ENS sont sans aucun doute ouvertes sur les universités, mais elles représentent aussi quand même un monde à part. Être ATER dans une fac "normale" (sans mauvais jeu de mots), c'est aussi rester pleinement dans l'université ; je me demande si un poste en ENS ne risque pas d'être "contre-productif" pour s'y insérer, malgré l'élite, le prestige et le haut niveau des cours dispensés. Pour un étudiant, oui, sans aucun doute ; mais pour une apprentie-chercheuse telle que moi, qui voudrait décrocher ensuite un poste de maître de conférence et continuer dans la recherche...?
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