mercredi 6 novembre 2013

Petite typologie des doctorants en formation

Aujourd'hui, demain et vendredi, je suis une formation sur la rédaction de thèse. Je m'y suis inscrite évidemment parce que c'est le moment et c'est aussi l'argument que j'ai mis en avant lorsqu'on m'a mise sur liste d'attente : c'est maintenant ou jamais ; plus tard, ça me sera à peu près aussi utile que de me mettre au kung-fu.

La première journée m'a donné l'idée de faire une petite "typologie" des personnes qui assistent à ces formations, parce c'est franchement assez sciant. Tous les croisements sont possibles et la liste n'est pas exhaustive, bien sûr.


Type 1 : les insupportables fantômes (dits aussi "les gros bâââââââtaaaaards"). 

Ils s'inscrivent, souvent au quart de tour (je me suis retrouvée sur liste d'attente en ayant répondu dix minutes après avoir reçu le mail du service de formation doctorale ; en d'autres circonstances, j'aurais appelé ça "sauter sur l'occasion", mais, vu le résultat, je suis franchement une petite joueuse) ; le principe étant "premier inscrit, premier servi", ils se voient donc attribuer une place, en sachant que les effectifs ne sont pas illimités et que les gens s'inscrivant trop tard seront mis sur liste d'attente ; ils restent muets tout le temps qui passe entre leur inscription et leur formation et, au final, ... ils ne viennent pas. Sans prévenir, évidemment.

Selon les formations, ça va de la moitié aux deux tiers des inscrits. Aujourd'hui, on était plutôt à 50 % et une seule personne s'est officiellement désistée (et le responsable des formations avait relancé tout le monde après que j'ai fait valoir mes arguments) : de quoi énerver tous ceux qui, honnêtes, n'ont pas osé venir malgré l'étiquette "full up" accollée au séminaire. Ça m'est arrivé une fois, je vous garantis que ça fout les boules avant (parce qu'on sait que la moitié des inscrits ne viendra pas), pendant (parce qu'on pèse le temps de trajet potentiellement perdu si on venait pour rien et qu'on y renonce tout en sachant qu'il y aura en fait de la place) et après (quand on apprend par un pote qu'ils étaient cinq au lieu de vingt). Aujourd'hui, une fille avait tenté le coup : bingo, bienvenue parmi nous.


("Salut ! c'est moi qui ai pris la place que tu aurais pu avoir dans cette formation ! Et je n'y suis finalement même pas allé !")



Type 2 : l'analphabète.

Pris d'un réflexe compulsif (qui explique aussi peut-être l'absence des fantômes), il s'est inscrit sans même lire le descriptif de la formation. Laisse ensuite passer le temps entre son inscription et la formation SANS avoir l'idée d'aller jeter un coup d'oeil audit descriptif. Et révèle sa vraie nature le premier jour, en règle générale durant la première demi-heure, par des phrases telles que :
  • « Ah, il fallait amener son ordinateur ? Mince, alors, je ne savais pas ! » (à une formation sur l'utilisation optimale du traitement de texte, c'est franchement bien joué)
  • « Ah bon, c'est destiné aux étudiants à partir de la deuxième année et plutôt en troisième ou quatrième année ? Je croyais que c'était ouvert à tout le monde ! » (celui-là est aussi un bâââââtard, mais involontaire)
  • « Nooon, c'est vrai ? ça dure trois jours ? Je croyais que c'était trois journées au choix ! » (Mmmm... Et le fait qu'on ne te demande pas tes préférences, ça ne t'a pas mis la puce à l'oreille ?)

 Type 3 : le génie.

Lui, non seulement il n'a pas lu le descriptif, mais il n'a même pas lu l'intitulé de la formation. Il est donc là, mais il n'a pas la moindre idée de ce qu'il vient faire ici, ce qui donne, généralement au bout de cinq minutes, voire même avant le début : « Ah bon ? c'est une formation sur la rédaction ? Mais je suis en tout début de première année, je n'ai même pas encore assez de matière pour rédiger un topo présentant mes sources ou ma biblio ! »

Ça se passe de commentaire.

Variante : celui qui a raté la moitié de la formation, mais qui veut quand même raccrocher les wagons, parce que « franchement, ça peut pas être si grave de ne pas avoir été là pendant que vous expliquiez les bases, non ? Pardon ? évidemment que je ne connais rien au sujet, sinon je ne me serais pas inscrit à cette formation ! » 

Ça me rappelle cette étudiante qui ne voulait suivre qu'une demi-heure (sur deux heures prévues) de cours de latin (très) grands débutants, alors qu'en plus elle n'en avait jamais fait de sa vie.




Type 4 : les pas gênés aux horaires archi souples.

 Ils vont, ils viennent, ils sont là, ils ne sont pas là, parce qu'ils ont une montre ou un portable et qu'ils ne l'utilisent pas ou que leur cerveau buggue dès qu'il entend ou lit "La formation débute à telle heure", "On reprend à telle heure" ou encore "On fait une pause de X minutes". On les repère très vite, ceux-là aussi : ils arrivent, tout sourire et neuf fois sur dix sans s'excuser, avec vingt minutes, quarante minutes, une heure, voire une heure et demie de retard. Leurs neurones ont dû faire un noeud en lisant "de 10h à 17h" et comprendre que c'était la plage horaire pour arriver.

Et puis il y a l'inverse : ceux qui profitent, une bonne heure avant la fin, que le formateur est allé chercher des documents ou occupé avec quelqu'un, pour s'esquiver tout en classe et en délicatesse, sans avoir même tenté de donner un prétexte bidon.


Type 5 : les pas gênés à l'agenda archi souple.

Contrairement à l'analphabète, ils ont tout à fait compris que la formation était sur trois jours. Oui, mais voilà : en fait, ils ne peuvent être là qu'un jour sur trois ou un et demi et ils n'ont quand même pas voulu attendre de voir les dates de la deuxième session, des fois que ça tombe sur trois jours où ils n'auraient absolument rien de prévu. « Mais c'est pas grave ! Vous me ferez quand même le certificat pour l'ensemble des vingt-et-une heures, hein ! »


Type 6 : les boulets adolescents attardés.

Ils savaient où ils mettaient les pieds. Ils savaient ce qu'on allait leur demander. Ils savaient combien de temps ça allait durer. Mais ils n'ont pas pour autant envie de faire quoi que ce soit. Donc, pendant que la formatrice parle, cachés derrière leur écran d'ordinateur, ils consultent Facebook, s'achètent des billets de train, rédigent un bout de thèse, lisent un article, voire commentent en direct en chattant avec des copains.

Variante : pendant un exercice, alors que la formatrice est à l'autre bout de la salle, ils sortent de leur sac une revue de foot, qu'ils lisent très commodément en la posant sur leurs genoux, dissimulée sous la table. WTF ???!!! o_O




Type 7 : les doctorants anonymes.

 « Bonjour, je m'appelle Lina et je... cette année, j'ai perdu la moitié de mon groupe de TD... »

« Alors ! On va tous se chauffer la voix en criant "fromage" à pleins poumons !!! - (moment d'hésitation ; échanges de regards mal assurés) Fromaaaage. - J'ai dit "FROMAGE" ! - FROMAAAAAAAGE !!!! »

« Donc, si j'ai bien compris, une pensée PIC, c'est "Je hais Proust, je hais Proust, je hais Proust", alors qu'une pensée POC, c'est "Je hais Proust et je vais démontrer en quoi j'ai raison" ? »

Les doctorants anonymes, ce sont ceux qui se sont levés aux aurores et ont affronté le RER aux heures de pointes pour assister à la formation et qui n'entrent donc dans aucun des six types énoncés ci-dessus. Ou pas tout le temps. Ou pas complètement. Et qui essaient tant bien que mal de jouer le jeu, malgré la flemme, l'appel de la thèse (« Mon précccccccieux !») et, il faut bien le dire, parfois, un certain scepticisme.

Bref, c'est 90% des gens, quoi, étant donné que les autres (hors fantômes) ne sont généralement pas plus de deux par groupe.

samedi 2 novembre 2013

Questions de chronologie

En ce moment, je suis en plein dans la rédaction de mon chapitre 3. Il va me servir à essayer de faire la part des choses entre les choix qui relèvent du genre que mes auteurs ont adopté (malgré les nombreuses raisons qui font qu'une comparaison entre Tacite et Suétone est tout à fait valable et légitime, il n'en demeure pas moins que le premier écrit des ouvrages d'histoire et le second des biographies) et ceux qui n'en relèvent pas.

J'ai d'ailleurs été un peu coincée, parce que j'avais fait un plan, puis commencé à mettre en ordre mon matériau pour la première sous-partie, sauf qu'entre temps j'ai oublié que ce n'était qu'une sous-partie et je me disais "Ça va être vite fait, c'est cool ! un chapitre rapide !" Quand je me suis rendue compte de mon erreur (à peu près au moment de commencer à rédiger ladite sous-partie), j'ai félicité mon moi d'une semaine auparavant d'avoir en fait prévu quelque chose d'aussi complet, mais ça m'a quand même un peu coupé les jambes.

Et donc, en ce moment, je couche par écrit tout ce que j'ai creusé côté ordre chronologique ou catégoriel. Il faut savoir que, si Tacite procède grosso modo chronologiquement, Suétone, lui, une fois que son empereur a pris le pouvoir, utilise les premières mesures de son règne pour procéder par catégories : mesures politiques, mesures judiciaires, comportement civile, femmes, vices, etc. Et ce qui m'amuse, c'est que Tacite ne procède absolument pas comme on pourrait s'y attendre de la part d'un historien.

 (Détail des Fastes de Préneste ; photo prise par Bibi, au Palazzo Massimo, à Rome)

Je n'ai pas fait d'études d'histoire. Tout ce que je sais de la méthode historique, c'est ce que j'en ai pratiqué en prépa et ce que j'en ai vu en assistant à des séminaires d'histoire ancienne ou en entendant des copains préparer l'agrèg'. Je me rappelle que quand je passais une colle ou faisais une dissertation, mon obsession, c'était la périodisation : trouver des périodes, justifier le début et la fin de la chronologie et essayer de me mettre dans la tête toutes ces dates, alors que mon cerveau refuse obstinément de retenir tout ce qui ressemble de près ou de loin à un chiffre (si vous me donnez votre adresse postale, je me souviendrai sans problème du nom de la rue et de la ville, mais ce sera le néant pour le numéro de maison et le code postal).

Je savais bien que la science des dates est une science des cons ; d'ailleurs je retenais bien mieux les évolutions et ce qui était arrivé avant ou après quoi, que les détails du genre "quelle était la date de naissance de Poincaré ?". Les réac' (je n'ose pas les appeler "historiens réac'", ce serait trop d'honneur, leur travail n'est pas celui d'historiens - et ce quel que soit leur formation de départ et le contenu de ce qu'ils disent) qui râlent sur "la perte de repères historiques", ce qui veut dire pour eux la fin de l'histoire comme une succession d'hommes providentiels et de dates à ânonner avec une stupidité mécanique sans y rien comprendre, me font donc franchement râler.


 (Détail des Fastes d'Antium ; photo prise par Bibi, au Palazzo Massimo, à Rome)

Ce qui m'amuse le plus, dans leur discours, c'est qu'ils donnent l'impression que, de tout temps, l'homme s'est posé la question de la poésie le "véritable" enseignement de l'histoire a été l'apprentissage par coeur de séries de dates, le fait de s'agripper solidement à une chronologie rigide en ne s'intéressant qu'à cela, pour avancer à travers les siècles. Et bien figurez-vous que Tacite, la chronologie, dans les Annales, il s'en fout.

Je ne parle pas de la succession chronologique : Tacite ne raconte pas les événements dans l'ordre qu'il veut, au petit bonheur la chance ; en vérité, il suit même attentivement l'ordre de sa source principale, qui est, en particulier dans les six premiers livres, les acta senatus (qui devaient être des sortes de compte-rendus des séances du Sénat). Par contre, il ne donne aucune date à part l'entrée en fonction des consuls ; quelques morts sont éventuellement signalées comme ayant eu lieu fine anno ("à la fin de l'année" ; et encore, la dimension catégorielle entre en compte là dedans : ce sera ma deuxième sous-partie), mais pour le reste, c'est dehinc ("ensuite"), sub idem tempus ("à peu près au même moment") ou encore eodem anno ("la même année").

Un peu vague, non ? On imagine les commentaires d'un prof d'histoire d'aujourd'hui lisant une copie où tout s'enchaînerait de cette manière...

Une telle pratique veut dire deux choses.

D'abord, que le cadre chronologique n'était pas, pour Tacite, quelque chose de rigide qu'il lui fallait toujours mentionner très précisément. Apparemment, du moment que chaque événement était dans la bonne année et se trouvait plus ou moins à sa place dans la succession temporelle (plus ou moins, parce que, s'il les cite à la place où il les a trouvés dans les acta senatus, cela signifie qu'ils apparaissent dans son oeuvre au moment où le Sénat en prend connaissance et non, stricto sensu, au moment où ils adviennent), cela suffisait. De fait, mon Menhir Bibliographique a montré qu'il a construit cette oeuvre comme une succession et un enchaînement de thèmes (par exemple la fragilité de la position de Tibère au début de son règne). Ce n'est pas de l'histoire du temps long, loin de là, mais il me semble qu'il y a quand même là quelque chose qui y ressemble, dans la liberté prise par rapport au cadre chronologique "nez dans le guidon".

Ensuite, cela montre que son public était tout à fait prêt à accepter cela. Si les Romains avaient été de véritables maniaques de la date (et pourtant, on sait avec quel soin ils pouvaient commémorer certaines victoires ou défaites ou encore faire des rapprochements du type "Néron a appris le soulèvement des Gaules le même jour que celui où il a fait exécuter Octavie - oh bien ça, alors, si c'est pas une coïncidence significative !"), ils n'auraient pas supporté qu'on leur dise : "alors à peu près au même moment, on a enfin réussi à battre cet enfoiré de Tacfarinas". Et pourtant, on ne peut pas les accuser de n'en avoir rien à faire de leur "histoire nationale". C'est même tout le contraire, quand on sait quels enjeux de pouvoir cela représentait pour eux, sur le moment comme bien après.


 (Trajan s'en fichait tellement de célébrer sa campagne en Dacie qu'il a érigé cette colonne uniquement pour rappeler combien de terre il a fait enlever à la colline d'à côté pour construire son propre forum ; bah oui, c'est la vérité, c'est ce qu'il a fait écrire dessus ; comment ça, il ne faut pas croire tout ce qu'on dit ? ; photo par Jüppsche, pour Wikipedia Commons)


Moralité ? Les formules de type "de tout temps, l'homme..." sont une vaste fumisterie et n'importe qui s'intéressant un minimum à l'histoire devrait le savoir. Oh, mais attendez : ce n'est pas l'histoire qui intéresse ces réac', mais ce qu'une vision sciemment biaisée peut leur apporter politiquement.

jeudi 17 octobre 2013

Rien qu'une journée ordinaire

8h : réveil.

8h45 : petit-déjeuner.

9h30 : départ pour Fac n°1, afin de faire signer à Chef le formulaire de dérogation pour pouvoir me réinscrire en 4ème année de thèse. Dans le métro, lecture de Semántica de la modalidad en latín (je sens votre excitement palpable ; il faudra un jour que je fasse quelque chose sur l'anti-sexitude absolue des couvertures et des typos des livres de linguistique).

10h30 : arrivée sur Place, au milieu des mastériens de Chefs.

10h45 : arrivée de Chef, qui faisait cours à l'autre bout du campus. Interception en cours de route. Paraphe. Promesse d'un rendez-vous dans les années mois semaines à venir.


 
(En vrai, Chef a un peu moins de cheveux et je porte assez mal la chemise à carreaux.)


11h : débarquement à l'Ecole doctorale.

11h05 : découverte d'une secrétaire suffisamment gentille pour prendre mon papier et le donner à sa collègue, absente pour la matinée (on ne dit pas assez combien mener à bien une thèse repose aussi sur la gentillesse de certaines personnes).

11h10 : "prochain RER dans 15 minutes" ; c'était compter sans le RER fantôme de 11h10, arrivant pile au moment où j'étais en train vouer la RATP aux dieux infernaux. Pendant le trajet, lecture de Semántica de la modalidad en latín.

12h : back home. Courses.

12h30 : déjeûner.

13h : étandage de lessive (dit aussi "Oh putain, merde, on avait lancé une machine hier soir !").

13h30 : les joies de l'organisation chronologique (ou non) chez Suétone.

15h : départ pour l'ophtalmo.

15h15 : arrivée chez l'ophtalmo. Résistance victorieuse contre Elle, Paris Match et L'Expresse ; lecture de Semántica etc., sous les yeux peu intéressés des deux personnes arrivées avant moi.

16h : sortie de chez l'ophtalmo, après un cours sur les problèmes du port quotidien de lentilles quand on a les yeux secs, et deux ordonnances en poche.

 
(La thèse peut avoir quelques effets collatéraux sur la santé.)


16h05 : descente dans le métro, avec ordonnances et tout, pour aller assister à une réunion à Fac n°2.

16h45 : arrivée à Fac n°2. Séance lecture de Semántica etc. en attendant le début de la réunion.

17h : début de la réunion.

19h20 : fin de la réunion.

19h25 : métro. Lecture de Semántica etc., sous les yeux fatigués de ma co-passagère d'en face.

20h15 : back home.

20h30 : dîner avec Monsieur.

22h : installation devant Caius Plinius Secundus, avec mon Suétone qui me fait de l'oeil.


(Meet Caius Plinus Secundus ; l'Ancien, hein ! pas sa punaise de neveu !)


22h05 : décision d'enfin rédiger un post après presque de deux semaines de glande bloguesque.

22h45 : post publié.

23h : ZZZzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz...


Je ne sais pas pour vous, mais moi, je suis crevée.

vendredi 4 octobre 2013

Faire de la bibliographie ou comment ressentir tout le masochisme de sa condition de chercheur

Cette année, retourner en bibliothèque m'a un peu fait l'effet de me remettre à la course à pied (les courbatures en moins), après trois bons mois de rédaction et un troisième chapitre en début de mise en ordre. Pourtant, fin juillet, quand les bibliothèques ont fermé pour un mois, j'étais franchement assez frénétique : d'abord parce que j'étais dans le Midi et qu'on m'avait refusé mon détachement, ensuite parce que, en faisant une vérification "de routine" sur l'Année philologique, j'étais tombée sur une petite dizaine de nouveaux articles potentiellement intéressants.

Mais là, en septembre, au moment d'y retourner, j'ai traîné les pieds. J'avais encore mon appart' à ranger après l'emménagement (j'ai d'ailleurs toujours mon appart' à finir de ranger - les nuances, c'est important) ; il fallait que je termine mon chapitre 2 ; j'avais la proposition de communication pour la FIEC, des cours à préparer, etc. Jusqu'à aujourd'hui, où je me suis donné un bon coup de pied aux fesses pour y aller. J'y ai passé une bonne partie de l'après-midi : la pompe est réamorcée.

Mais qui dit séance en bibliothèque, dit aussi bibliographie à préparer avant. J'ai fait mumuse avec Zotero, puis je me suis mise à chercher où pouvaient bien se trouver ces articles.

Le premier était un livre à consulter et fut une bonne pioche : il était à Ulm, tout allait bien.

Le deuxième était à Ulm aussi, mais toujours en traitement, alors qu'il était sorti en 2010 (en traitement = les bibliothécaires sont en train de l'entrer dans la base de données avant de le mettre en rayon... enfin, sauf s'il est intercepté par quelqu'un en cours de route) ; ceci dit, il était à la BNF, donc ça allait encore.

Même scénario pour le troisième : pas à Ulm, mais à la BNF.

Le quatrième était un bon garçon tout à fait accessible, mais il faut dire que le Bollettino di Studi Latini se trouve dans toutes les bonnes bibli universitaires : ce n'était pas du jeu.

Le cinquième, en revanche, je savais d'office qu'il serait plus coriace. C'était une référence espagnole et j'ai toujours un mal de chien à mettre la main sur les articles espagnols qui m'intéressent. Cette fois-ci n'a pas fait exception : inconnu au bataillon ulmien ET BNFard. Je me suis alors tournée vers le SUDOC (le catalogue commun de toutes les universités françaises), qui m'a fort obligeamment indiqué un seul exemplaire... à la Casa de Velázquez, à Madrid. Pratique.

[J'ouvre ici un bref interlude pour tous les gens gentils qui crié "PEB !!!!" lorsque j'ai brâmé ma déception sur Twitter : mes deux bibli de base, celles qui me sont le plus accessibles, ce sont Ulm et la BNF - d'où mes recherches ciblées sur ces deux-là ; aucune d'entre elles ne pratique le Prêt InterBibliothèques ; pour y avoir accès, il faut donc que j'aille à la MAE à Nanterre, où je n'ai pratiquement jamais mis les pieds en quatre ans, parce qu'elle est surtout archéologique et, aussi, parce qu'elle est nettement plus loin de chez moi et par conséquent moins pratique que les deux autres, surtout maintenant que je travaille à l'autre bout de Paris ; donc, le PEB, oui, mais une fois que j'aurai épluché le reste - fin de l'interlude.]

Mon numéro six n'était pas mieux : ni à Ulm, ni à la BNF, mais disponible à la BU de la Sorbonne. Je déteste aller à la bibliothèque de la Sorbonne. Ma première fois a été traumatisante, depuis je n'y mets les pieds que si j'y suis vraiment obligée et l'idée de devoir y retourner provoque chez moi à peu près autant d'enthousiasme que d'assister à une séance "revue de photos de voyage" chez ma grand-mère.


(J'ai été traumatisée par cet endroit - ou, plutôt, par les gens qui y travaillent - oui, je sais, c'est idiot)


Là, je vous laisse imaginer mon humeur à ce point de mes recherches. Ronchon est nettement en-dessous de la vérité.

Et ça ne s'est pas amélioré : n°7 était... signalé commandé à Ulm depuis 2003 (comme quoi, il y a pire que le Petit Poucet pour (re)trouver son chemin vers la Maison ; ou alors c'était Ulysse qui était chargé de la livraison, je ne vois que ça comme explication) ; n°8 faisait partie d'une revue dont je savais à l'avance qu'elle n'était disponible qu'à la BNF, pour l'avoir désespérément cherchée pendant mon M1.

Quant aux n°9 et 10, ils remportèrent successivement l'un et l'autre la palme de la Groß Frustrazion. Le premier était disponible à Ulm, mais uniquement en ressource électronique. J'ai donc attendu d'être sur place et connectée au réseau pour tenter de le télécharger MAIS il n'était disponible qu'à partir de 2003 ; ciao, article de 1988 ! Je consulterai ta version papier à la BNF !

C'est alors que j'ai voulu me rabattre sur le second : il se trouvait dans une revue néerlandaise bizarre dont le nom correspondait à quatre fiches dans le catalogue en ligne (amis néerlandais, je sais que Lampas est un nom sympa pour une revue, mais la uariatio, c'est bien aussi !), mais que j'avais réussi à identifier. Le titre était très prometteur, je me suis donc jetée dessus, pour me rendre compte qu'il était en fait écrit... en néerlandais (oui, je sais, logique...) ; l'Année philologique a repris le titre du RÉSUMÉ en français.

Je vous laisse à nouveau imaginer mon humeur. Là, c'est jouasse qui est un chouïa en-dessous de la vérité.

Au final, j'ai bien travaillé, mais, au point où j'en suis, je me demande pourquoi je ne cherche pas directement et uniquement sur le catalogue de la BN : ça me ferait gagner du temps, au lieu de chambouler de fond en comble mon programme de l'après-midi.

(Maaaiiiiiiison !!! - aka la salle historique de la bibliothèque de la Rue d'Ulm - le reste est moins beau, ne rêvez pas, mais aucune photo de la salle 2 ne circule)

jeudi 3 octobre 2013

La mort d'Auguste, encore.

Aujourd'hui, j'ai passé une partie de mon après-midi avec une collègue, à préparer une intervention conjointe à la bibliothèque municipale de Lyon. Je suis en effet membre d'un collectif de jeunes chercheurs, appelé Collectif Confluence, qui organise, à la BM de Lyon, des rendez-vous où ses membres, entourés d'autres thésards ou non, présentent leurs travaux. Ce sont les Cafés Chercheurs. Le but est de faire connaître ce que nous faisons, mais aussi de le faire comprendre à un public non spécialisé.

On m'a proposé d'y participer cette année, ce qui m'a amenée à demander à ladite collègue, qui travaille en historiographie grecque, d'y intervenir avec moi. Au lieu de faire chacune une présentation de notre travail, nous avons décidé de mutualiser nos temps de parole pour faire une intervention commune sur la façon dont la mort d'Auguste a été racontée par quatre historiens antiques : Velléius Paterculus, Tacite, Suétone et Cassius Dion.

On s'était déjà vues en juin ; on s'est revues aujourd'hui ; notre intervention est fin janvier, donc on se reverra encore d'ici là pour nous "chronométrer". Entre temps, rédaction de ce qu'on dira (aucune de nous ne lit ses notes lorsqu'elle parle, mais avoir quelque chose d'entièrement écrit permet de ne pas perdre de temps inutilement ; or, quarante minutes, contrairement à ce qu'on peut penser, ça file comme le vent), confection des powerpoints et échange des deux pour amélioration.

Evidemment, je ne vais pas raconter ici le détail de ce qu'on a prévu, sinon ce serait gâcher la surprise, mais, amis lyonnais, si ça vous intéresse, rendez-vous le 25 janvier !

mardi 1 octobre 2013

Welcome to Mordor

S'il y a quelque chose qui surprend souvent le novice universitaire autant que le prof distrait tournant à droite au mauvais endroit et découvrant soudain où se trouvait finalement la cafétéria de sa fac, après avoir passé dix ans à la chercher, c'est bien un plan de campus.

Le trouver sur le site web de la fac n'est déjà pas toujours une partie de plaisir (encore que j'aie vu pire le jour où j'ai essayé de trouver celui d'une université italienne où je devais faire une intervention : ce fut assez épique et, pourtant, Fac n°1 était notoirement connue jusqu'à récemment pour avoir le site web le plus pourri de France). Le comprendre est parfois encore pire.

Il arrive en effet qu'il soit parfaitement compréhensible et que la disposition des bâtiments, une fois sur place, corresponde globalement à ce qu'on s'était imaginé en l'étudiant : j'ai par exemple souvenir d'être arrivée très en avance à la soutenance de thèse d'un ami, ayant prévu, à tort, un laps de temps fort généreux en prévision d'éventuelles "surprises topographiques".

La plupart du temps, cependant, un plan de fac est à peu près aussi incompréhensible que celui de la Sorbonne.

(La Maison Qui Rend Fou)


Et ça, ce n'est que le rez-de-chaussée, aussi appelé "niveau D", sachant qu'il y a des inter-paliers, des demi-sous-sols, des portes cachées permettant d'accéder à des préfabriqués glauques planqués dans une cour, etc. Même les Messieurs En Bleu, pourtant censés être les seuls à pouvoir vous aider à vous orienter, ont parfois du mal à s'y retrouver.

Au fil des deux années que j'y ai passées, j'ai donc retenu trois choses fort utiles : 1) la scolarité, c'est le bureau du rez-de-chaussée où il y a la queue jour et nuit (j'en soupçonne certains de venir avec leur duvet, pour ne pas perdre leur place à la fin de la journée) ; 2) l'UFR de latin, c'est celui qui est touuuuuuuut en haut, avec un escalier E tellement raide entre le 2ème et le 3ème étage qu'on utiliserait presque les mains en plus pour être sûr d'arriver au dernier palier ; 3) pas la peine de chercher l'UFR de grec dans le bâtiment historique, il est de l'autre côté de la rue. Je ne me suis toujours pas remise non plus d'avoir trouvé, par hasard, le secrétariat de l'UFR de langue française dans un placard sous un escalier.

Ensuite il y a eu Fac n°1, avec ses bâtiments cachés derrière ceux qui bordent les grandes allées, à des endroits improbables (c'est la joie des formations doctorales : "Mais bon sang, OÙ peut bien se trouver cette salle...????"). Le problème était en fait principalement les dimensions du campus et les dix bonnes minutes à prévoir pour le traverser lorsqu'on avait un cours d'un côté et le suivant de l'autre.

Maintenant, il y a Fac n°2. Jusqu'à aujourd'hui, je l'avais classée dans la catégories des facs au plan, certes, pas hyper clair, mais du moins compréhensible, à condition d'y passer deux minutes. En plus, je faisais cours dans la partie la plus simple à atteindre, donc ça allait et oh ! miracle des miracles ! j'ai fini par avoir mon propre passe pour ouvrir les portes, ce qui est beaucoup plus pratique que de taxer les collègues ("Euh... A ce propos, est-ce que vous avez encore cours, après ? parce que je n'ai pas de passe, alors si vous pouviez me prêter le vôtre... Ensuite je vous le rends, hein, promis !" Heureusement que j'ai des collègues sympas et confiants).

Mais ça, c'était avant.

Car un de mes cours a changé de salle et, au lieu d'être dans Partie Facile À Atteindre, il se trouve dans des préfabriqués. Je n'ai rien contre les préfabriqués, mais j'ai quand même passé cinq minutes à le trouver sur le plan ("Aloooors... Ça, c'est le bâtiment X... ça, le bâtiment Y... MAIS OÙ SONT CES PRÉFABRIQUÉS, BON SANG ??!!"). Alors, quand je suis tombée sur une de mes étudiantes, qui m'a proposé d'y aller ensemble, autant vous dire que j'étais assez contente.

Et là, je vous dépeins ma tête au fur et à mesure qu'on avançait :
  • on est descendues au niveau -1 ^^
  • on a ensuite traversé un parking couvert o_O
  • là, même elle était désorientée, mais on a trouvé un personnel technique pour nous indiquer le bon chemin :S
  • on est donc rentrées dans un bâtiment, pour en ressortir aussitôt de l'autre côté /o\
  • on a ensuite contourné un, puis deux amphis extérieurs
  • et là, devant nos yeux ébahis, on est tombées devant les fameux préfabriqués O_O
Le mieux étant qu'il y avait un trou dans la numérotation JUSTE pour notre salle, qui se trouvait en fait derrière, quand on faisait le tour du bâtiment.

C'est donc officiel : je fais cours désormais au Mordor, loin, très loin de la Riante Comté où j'exerce le reste du temps (et je me réjouis d'avance à l'idée de devoir retrouver cette nouvelle salle toute seule la semaine prochaine).


("Quelque chose me dit que j'aurais dû tourner à gauche, si je voulais rejoindre ces maudits préfabriqués." Frodon, au moment d'entrer dans la Montagne du Destin)

lundi 30 septembre 2013

Tout arrive !

Figurez-vous que nous sommes aujourd'hui le dernier jour de septembre et que, comme beaucoup de nouveau doctorants contractuels ou de vacataire (c'est encore pire, questions finances, d'être vacataire, car l'expression "être payé au lance-pierre" prend alors vraiment tout son sens), les sous-sous ne sont pas encore tombés dans mon escarcelle.

J'avais déjà été confrontée à ça au début de ma première année de thèse. Comme je m'étais retrouvée, dans un premier temps, sur liste d'attente pour ma bourse, Fac n°1 avait su seulement début septembre que je les rejoignais bien, d'où une signature de contrat fort tardive, d'où un service financier qui avait pris en charge tout aussi tardivement mon dossier. Pour résumer les choses, si je n'ai pas touché le jackpot seulement à Noël (comprendre quatre mois de salaire pour la fin de l'année), mais fin novembre (ce qui représentait quand même trois mois d'un coup), c'est parce que j'étais allée voir les secrétaires, pour les entreprendre sur le thème "Vous avez un loyer et des factures à payer tous les mois ? Figurez-vous que MOI AUSSI !"

Cette année, j'avais donc mis des sous de côté en m'attendant à quelques "surprises" de ce côté-là.

Bien m'en a pris.

Dans Fac n°2, j'ai tout signé très vite : contrat, formulaires divers et variés, PV d'installation... La semaine dernière, je suis allée récupérer l'original dudit PV chez la chargée des RH de mon département et je me suis étonnée que mon arrêté de détachement n'ait pas été là aussi. "C'est qu'on n'a pas dû le recevoir, m'a-t-elle répondu. C'est très gênant, d'ailleurs, parce qu'on ne peut pas vous payer sans ça."

Gloups.

Du coup, j'ai envoyé un mail à la responsable générale des RH, pour m'informer (et, accessoirement, demander quand je serais payée s'ils n'avaient toujours rien). Effectivement, malgré ses relances, le rectorat n'avait toujours pas envoyé le Saint des Saints. Elle a donc déclenché le plan Orsec : avance de 80% le 15 octobre, reste de mon salaire de septembre + celui d'octobre à la fin du mois. Le tout en espérant avoir reçu quelque chose d'ici là. "Sinon, on utilisera le mail qu'ils nous ont envoyé pour nous annoncer le détachement ; ça devrait marcher avec le service financier."

La stratégie commune adoptée étant de relancer toutes les deux ma gestionnaire, je me suis fendue d'un mail ce matin. Et là, j'ai pensé à mon plus jeune frère, qui travaillait chez Microsoft l'année dernière : "Moi, quand un type me gonfle à ne pas faire son boulot, je lui renvoie un mail, avec son supérieur en co-destinataire."

Evidemment, trouver le supérieur de ma gestionnaire au DPE était impossible, étant donné que le rectorat ne fournit bien évidemment aucun organigramme sur son site. Par contre, le mail du secrétariat du directeur adjoint chargé des services, lui, apparaît sur la page de la direction.

Ce fut radical. Moins de deux heures après (quand on sait tous les mails que j'ai pu envoyer cet été et tous les coups de fils jamais répondus que j'ai pu passer !), je recevais par mail le fameux arrêté, scanné manifestement à la va-vite, mais scanné quand même.

La conclusion du jour est donc de mon frère, lorsque je lui ai raconté mon histoire : "Bah ouais, think corporate !"

dimanche 29 septembre 2013

Tacite dit "je" - enfin, dans les "Annales", mais pas dans les "Histoires"

Comme promis hier, voici un autre post sur la question "je"/"nous" quand on écrit, mais orienté Antiquité. Car figurez-vous que la question se pose aussi pour cette période-là.

Je m'empresse immédiatement de replacer les choses dans leur contexte : ce qui va suivre sera un rapide résumé d'une partie de ma thèse (un bout de mon chapitre 1 pour être plus précise. Elle porte sur deux auteurs latins du début du IIème siècle après J.C., Tacite et Suétone, qui ont tous deux produits des ouvrages historiques sur le même sujet, les règnes des premiers empereurs.

Mon premier chapitre porte sur la présence de ces deux auteurs dans leur texte. Comprenez présence explicite, i.e. les premières personnes (par opposition à la présence implicite, via l'organisation de leur matériau, la manière de présenter certains événements, etc. ; ça, c'est ce que je viens de commencer à rédiger).

Quand vous faites du latin, on vous explique que le "nous de majesté" est assez courant et a beaucoup moins de poids qu'en français, par exemple lorsque Louis XIV déclare : "Nous, roi de France, déclarons l'abrogation de l'édit de Nantes". A l'inverse, quand Cicéron écrit scripsimus, c'est littéralement "nous avons écrit", mais il faut évidemment traduire par "j'ai écrit", sinon vous ajoutez dans votre texte une nuance de sens qui n'existait pas dans l'original.

Tout cela pour dire que, quand j'ai fait mes fameux relevés de premières personnes, j'ai évidemment inclus les premières du pluriel avec celles du singulier. Et là, surprise ! chez Tacite, alors que j'ai à peu près autant de "je" que de "nous" dans les Histoires (respectivement 25 occurrences contre 30), dans les Annales, la présence du "je" est massive : 114 verbes contre seulement 11 pour le "nous" ! Le Tacite de la fin de sa vie (les Annales est sa dernière oeuvre) est définitivement un #JeDisJe, pour reprendre les termes de la discussion sur Twitter.

Quelque chose d'aussi énorme avait peu de chance d'être totalement passé inaperçu jusqu'à ce que ma Petite Personne tombe dessus. J'ai pu effectivement remonter jusqu'en 1866 (ce qui ne nous rajeunit pas), mais c'est surtout un article de Dominique Longrée, publié en 1996, qui était intéressant, car il propose d'expliquer ce phénomène non par une saugrenue "préférence pour les formes courtes" de la part de Tacite, mais par un problème d'objectivité, qui se poserait pour les Histoires et pas pour les Annales.

Le fait est que, dans les Histoires, Tacite a été un témoin plus ou moins engagé de ce qu'il raconte. Ce n'est pas le cas dans les Annales, qui portent sur une période antérieure à sa naissance (ou qui correspondrait à sa prime enfance - on ne connaît bien ni sa date de naissance, ni sa date de mort). Il aurait donc eu besoin de se dépeindre d'avance en retrait dans les premières (en ayant très périodiquement recours au "nous") et plus du tout dans les secondes (d'où la multiplication des "je").

Tout ceci est très intéressant, à ceci près que Suétone a exactement le même problème pour la fin de son oeuvre (il en vient même à rapporter le récit que son propre père faisait de la mort de l'empereur Othon) et que je détecte pas du tout le même basculement : il a une nette préférence pour "je" par rapport au "nous" et cela ne s'inverse pas à partir de la Vie de Vespasien.

Mystère et boules de gomme, donc. Il n'en demeure pas moins qu'il y a un phénomène observable en lien avec la personne grammaticale et qu'il est suffisamment accentué pour qu'on ne puisse l'expliquer ni par un hasard, ni par une projection, sur des auteurs antiques qui n'en auraient finalement rien à faire, de préoccupations qui ne relèveraient que de notre époque.

samedi 28 septembre 2013

Je dis "nous" - mais ce n'est pas de la majesté

Deuxième partie de semaine moins glorieuse ou comment avoir fini de faire cours le mardi à midi est en fait un Piège Sournois qui vous amène à vous dire "Hé ! hé ! mes cours sont passés ! tout ce temps qui s'étale devant moi peut être consacré à ma thèse ! pas la peine de s'affoler frénétiquement !" Erreur. Grave Erreur. De débutante, en plus. Mais il faut dire que je n'ai jamais été dans cette situation ces trois dernières années, donc l'alternance thèse-cours était un coup de fouet plus sensible.

Je ne suis quand même pas tout à fait restée les doigts de pied en éventail. Finir mon chapitre 2 a évidemment été suivi d'une baisse de motivation, mais j'ai quand même réussi à détailler le plan de mon chapitre 3 et à rédiger son introduction. J'ai évidemment râlé au moment d'annoncer le déroulement de ma réflexion : ça a beau être important, pour celui qui va lire le chapitre comme pour celui qui ne va pas le lire, mais veut quand même avoir une idée de ce qui va s'y dire, il faut quand même reconnaître que c'est d'un ennui profond à faire.

L'avantage, c'est que c'était du coup en lien avec une des questions posées par @caro_ligne sur Twitter cette semaine, qui demandait qui préférait dire "je" lorsqu'il écrivait sa thèse (malgré les anathèmes dont on nous a menacés pendant toute notre scolarité si on le faisait) ou dire "nous", ce qui a donné lieu à deux groupes. L'idée était que, de toute façon, tout chercheur est une personne, avec ce que cela implique de centres d'intérêts, personnalité, etc. ; donc pourquoi faire comme si la recherche était quelque chose d'impersonnel et de désincarné ?

(J'évite à dessein les termes "objectivité" et "subjectivité", parce qu'il me semble qu'ils relèvent plus du domaine de la preuve que de celui de l'incarnation).

Personnellement, quand j'écris, je dis "nous". Non parce que j'abhorrerais le "je" : écrire "je" ou le cacher derrière un "nous" ne change rien, il s'agit toujours d'une apparition de l'auteur dans le texte (ça me fait d'ailleurs penser que j'ai des choses à dire sur la façon dont mes auteurs à moi disent, eux aussi, "je" ou "nous" ; laissez-moi un peu de temps, je vais vous faire ça - c'est mon chapitre 1).

De même, avoir systématiquement recours à des formules impersonnelles ne change rien quant à l'objectivité ou la subjectivité de ce qui est avancé : c'est le fond qui est subjectif ou objectif, pas la forme. Dire "je pense que la terre tourne autour du soleil" ne rend pas subjective la course de la terre autour du soleil. Qu'on écrive "je peux donc en conclure", "nous pouvons donc en conclure" ou "il est donc possible d'en conclure", il n'empêche qu'il y a toujours d'une part une personne qui parle et d'autre part le contenu de sa parole. Toute la question est de savoir si (ou plutôt : en quoi) ce qu'est cette personne, qui elle est, ce qu'elle a vécu, ce qu'elle aime et déteste, etc. a une influence sur ce qu'elle dit. Qu'on utilise "je" ou des formules impersonnelles, si on n'a pas un tout petit peu réfléchi à la part d'influence qu'a l'être humain que nous sommes sur notre travail, le problème de la subjectivité reste entier.

Il me semble donc que "je", "nous" ou "on" n'est pas si révélateur que cela. Pourquoi j'utilise "nous", alors ? Soyons honnête : en grande partie parce que j'en ai pris l'habitude (et je vous garantis que j'ai été tellement marquée par les anathèmes que, au début, j'étais partagée entre l'impression d'être une grande folle et la crainte puérile qu'on vienne me taper sur les doigts), ensuite parce que j'ai l'impression que cela donne un certain "poids" à ma parole. Un peu comme si le pluriel "de majesté" (pour penser ça, il faut vraiment ne pas m'avoir vue rédiger) accroissait, en plus du nombre grammatical, mon auctoritas.

On parle régulièrement des problèmes de légitimité qu'ont les doctorants - surtout en début de thèse -, de cette impression, parfois, qu'on est une erreur du système et que quelqu'un va nécessairement se rendre compte sous peu qu'on est une sorte d'"arnaque scientifique". Dans mon cas, je ne l'ai pas tant ressenti avec ma thèse que lorsque j'ai intégré l'ENS. Il n'empêche que, lorsque j'utilise "nous", j'ai l'impression d'être, dans ma tête, plus dans la peau d'un chercheur dont les recherches se développent en s'appuyant sur des éléments et des raisonnements valables. Si j'utilisais "je", les éléments et les raisonnements resteraient les mêmes, mais j'aurais plus le sentiment d'être un simple padawan.

Un padawan qui avance quand même petit à petit dans sa formation. J'ai reçu hier un exemplaire de la revue Lalies, où a été publiée mon intervention à Clelia de l'année dernière. Etant donné que je n'avais rien reçu du Bulletin Budé, je ne m'attendais franchement pas à ça et encore moins à recevoir en sus dix tirés à part de mon article (un tiré à part est un exemplaire de votre article tel qu'il est publié dans la revue, mais, comme son nom l'indique, imprimé à part ; c'est de plus en plus rare) ! C'est le métier qui rentre aussi  !


(Il va falloir m'expliquer pourquoi, quand on tape "Lalies" sur Google, on tombe aussi sur des montres et une série de photos de jeunes femmes assez peu vêtues - le côté hot de la recherche en lettres, sans doute)

mardi 24 septembre 2013

La rentrée (partie 2) : branle-bas de combat, tout le monde sur le pont !

Un billet tôt aujourd'hui, parce que Monsieur est en concert ce soir et ça m'étonnerait que je sois d'attaque pour écrire en rentrant, surtout vu mon état de fatigue actuel.

La rentrée, partie 2, donc. Je repasse à des effectifs "habituels" en latin après les TD ; des effectifs quand même très réduits, bien qu'il soit encore tout à fait possible que de nouveaux étudiants pointent le bout de leur nez d'ici à la semaine prochaine... ou celle d'après... ou celle encore d'après. Dans ce genre de cas, tout est possible. En attendant, je fais des cours quasi particuliers, c'est royal.

Premier cours de grammaire, aussi, avec les CPGE ; il est mutualisé avec les étudiants "normaux" de Fac n°2, mais, jusque là, je n'en ai vu qu'un - apparemment d'un bon niveau. Ceci dit, vu la liste que j'ai eue, une bonne partie des khâgneux aussi sèche superbement. Le problème, en vérité, c'est que deux khâgneuses sont venues me voir pour me dire qu'elles n'avaient rien compris à mes "remises en jambe" grammaticales, fautes de bases suffisantes acquises l'année dernière.

Evidemment, elles attendaient que je leur donne mon absolution pour sécher mon cours, sauf que je ne peux pas, car il est obligatoire pour les khâgneux, quel que soit le concours qu'ils préparent. L'idée est en effet que, ayant des épreuves communes en spécialité entre Ulm et Lyon, il serait franchement dommage que, ayant cartonné là, ils ne puissent tenter leur chance aussi à Paris parce qu'ils n'ont pas fait de latin.

Dans le même temps, je comprends aussi l'argument "Mais, madame, à quoi ça sert de suivre un cours de trois heures par semaine si c'est pour avoir 1 au final au concours ?". J'imagine fort que ces deux khâgneuses ne sont pas seules dans cette situation et, étant donné qu'il m'en manque encore pas mal, je n'ai pas envie de faire cours avec plus de la moitié de la salle qui ne suit pas et regarde les mouches voler en attendant que ça passe.

Je suis donc en train de cogiter à fond les manettes pour revoir mon cours, afin d'aider ceux qui en ont besoin, sans barber ceux qui, eux, ont un bon niveau. Je pense à diviser ma classe en deux groupes et à travailler avec les uns pendant que les autres bûchent sur un exercice. Ce sera non académique, mais intéressant. Espérons surtout que ce sera efficace.

lundi 23 septembre 2013

La rentrée (partie 1) : l'ATER et les doctorants, ces pions

Je savais que la journée allait être assez rock n'roll, mais je n'imaginais pas qu'elle le serait autant.

Nous en étions donc restés à mon problème d'emploi du temps : j'avais deux cours qui se chevauchaient, dont un qu'il était absolument impossible de décaler, et le résultat était que celui de latin niveau 1 était censé durer... une demi-heure. Petit problème.

La collègue chargée de démêler ça envisageait tout d'abord de me décharger du cours d'initiation, pour le donner à quelqu'un d'autre au dernier moment. J'avais fait remarquer que j'avais déjà bien commencé à le préparer et qu'il était de surcroît un peu acrobatique de demander à quelqu'un de le reprendre comme ça au débotté. Elle avait acquiescé et deux déplacements s'offraient alors à nous : soit le remonter soit le repousser d'une heure. L'idée était de demander aux étudiants lequel des deux ils préfèreraient.

Mais dimanche, changement de cap : il était mieux de demander aux étudiants s'ils préféraient qu'on bouge le cours tout court ou s'ils voulaient qu'il reste là où il était ; dans ce cas je serais déchargée et mon collègue le reprendrait. "Ce n'est pas grave, vous en ferez d'autres, des cours pour grands débutants, dans votre carrière..." Certes, mais ça fait quand même deux semaines que je bûche sur celui-là, donc j'étais un peu fumasse.

Aujourd'hui, il arriva ce qui devait arriver : quand on demande à des étudiants s'ils préfèrent finir à 16h ou à 17h30, ils choisissent évidemment 16h (encore qu'il y en a eu quelques-uns qui étaient volontaires pour le second créneau). J'avoue que j'étais un peu surprise qu'on leur demande leur avis : après tout, ils peuvent attendre une heure et demie en travaillant en BU, 17h30 est franchement une heure décente pour finir (quand je pense que mon cours de l'année dernière était de 18 à 20...!) et il est moins pénible de déplacer un cours que de remanier les services de deux personnes la semaine de la rentrée.

Mais bon, autre fac, autres moeurs et ne pas agir autoritairement a aussi des arguments en sa faveur, surtout quand on craint de voir disparaître des latinistes potentiels. Ceci dit, j'ai franchement l'impression d'être un pion déplaçable à merci, dont on se fiche bien de savoir s'il a déjà perdu un nombre d'heures substantielles à préparer quelque chose qu'il va devoir mettre à la poubelle (ou se mettre à préparer frénétiquement quelque chose, dans l'urgence). En vérité, la décision a manifestement été prise dimanche et je soupçonne la consultation des étudiants, au résultat plus que prévisible, d'avoir été décidée pour me forcer gentiment la main.

Le pire est sans doute que j'ai quand même fait cours, peut-être dans une tentative de compenser face à ma préparation déjà au net. Vu le temps qu'on a mis à faire ce tour de table au résultat connu d'avance, ma collègue ayant insisté pour que je fasse quand même ce que j'avais prévu, je me suis retrouvée à faire vingt minutes d'"introduction au latin", en sabrant tout ce qui était présentation du fonctionnement du cours, pour reprendre ensuite à 16h avec moins de la moitié du groupe présent. On les comprend : à quoi ça sert d'assister à un cours fait par quelqu'un qui, de toute façon, ne l'assurera plus ensuite, sachant que la personne qui viendra après reprendra tout de zéro et appliquera un nouveau fonctionnement. A leur place, moi aussi j'aurais séché.

La bonne nouvelle du jour, c'est que j'ai quand même pu faire un cours correct aux khâgneux et, là, vraiment présenter ce que j'allais faire et comment on allait procéder. Ils ont l'air assez sympathiques et plutôt bien disposés, c'est déjà ça, mais il faut aussi que ça tienne la distance, d'autant qu'ils sont partis pour m'avoir également en grammaire ET en colles (vu qu'il faut compenser le cours que je perds ce semestre) !

dimanche 22 septembre 2013

I'm back

Désolée de cette interruption des TTC (je vous avais prévenus, il est peu probable que j'arrive à tenir le rythme d'un billet par jour), mais j'ai passé la semaine à lutter contre une fatigue chronique, provoquant à répétition des migraines assez pénibles. J'ai l'impression d'avoir passé mon mercredi au lit, alors qu'en plus Monsieur et moi hébergions une amie chanteuse venue passer une audition. Pas évident, donc.

En une semaine, j'ai quand même :

- fini mon chapitre 2 \o/ : évidemment, j'ai encore quelques fignolages bibliographiques à faire (comprendre : des articles dont j'ai trouvé les références, lorsque j'étais dans le Midi et que, évidemment, toutes les bibliothèques étaient fermées, mais qui n'étaient pas suffisamment vitaux pour m'obliger à suspendre la rédaction - enfin, du moins, c'est ce que j'espérais et espère encore), mais le plus gros est écrit et relu. Cela m'a permis de me rappeler que, certes, je ne fais pas beaucoup de fautes d'orthographe au vol, mais j'ai une sale tendance à oublier des mots.

- soumis ma proposition de communication pour la FIEC \o/ : on verra ce que ça donnera ; un copain m'a un peu cassé le reste d'espérance que j'avais en me demandant : "Tu penses qu'on a vraiment des chances, pour des trucs comme ça ? Ils ne vont prendre que des pontes..." /o\ Au moins, mon titre "Formules introductrices et constitution progressive du récit d'un événement : l'inceste Agrippine-Néron et l'incendie de 64 chez Tacite et Suétone" en jette, tout en maniant la carotte et le bâton : le début annonce vingt minutes de chiantitude absolue, la fin promet du lourd et du croustillant dans le même temps.

- répondu à un doctorant allocataire moniteur en commençant par "cher collègue", en me rappelant combien j'avais apprécié qu'on m'appelle comme ça au début, même si je ne me voyais pas, à l'époque, faire la même chose avec des gens enseignant en université depuis des années ; souri en voyant que son propre mail de réponse commençait effectivement par "chère madame" ; repris mon sérieux en me disant qu'il était sans doute plus âgé que moi, parce qu'ayant vraisemblablement été prof dans le secondaire avant de faire une thèse, et qu'il était idiot de s'imaginer un jeune de vingt-cinq ans se demandant comment il allait bien pouvoir paraître crédible aux yeux d'étudiants à peine moins âgés que lui (en fait, c'est simple : il suffit de passer de l'Autre Côté du Bureau ; vous êtes instantanément classé "vieux" et ce changement de catégorie simplifie pas mal les choses).

- tenté de finir mon exemple de commentaire composé pour mon cours de CPGE /o\ : et compris que cet exercice scolaire était en fait extrêmement barbant et que je préférais DE LOIN enseigner la littérature latine différemment ; mais, étant donné que je prépare à une épreuve de concours qui consiste précisément en cela, ben... je n'ai pas le choix.

- essayé de comprendre, aussi, ce qui s'est passé l'année dernière autour de ce cursus o_O : depuis le début, j'entends des versions différentes, ce qui n'est pas plus mal parce que, au final, je finis relativement neutre et sans préjugés ; je pense maintenant saisir un peu mieux les problèmes qui se sont posés et la conclusion que j'en tire est "Bon, on verra bien."

- essayé, aussi, de ne pas voir mon service changer du tout au tout quarante-huit heures avant le début des cours : vous vous souvenez de l'année dernière ? Eh bien, cette année, c'est pareil ou presque : changements dans mon service du S2, problèmes de coordination entre les différentes personnes qui s'occupaient de cela, découverte d'un chevauchement de cours pour ma première journée. La différence, c'est que c'est ressorti hier au lieu du jour de la rentrée - amélioration.

Le billet de demain s'annonce donc chargé en suspens et rebondissements.

lundi 16 septembre 2013

L'éternel recommencement

Eh oui, le week-end a eu raison de mes Tic Toc Choc quotidiens et presque de mon énergie thésarde. J'ai en effet réussi à travailler samedi matin et j'avais l'intention de mettre à profit mon dimanche soir, quand une vilaine migraine, due à de la fatigue accumulée, a décidé de me pourrir la journée. J'ai eu beau essayer de lutter et prendre un gramme de paracétamol, ma tête s'est liguée ensuite avec mon estomac et j'ai fini par rêver de mon lit, à cent vingt kilomètres de là. Lorsqu'on est rentrés chez nous, j'ai filé sous la couette, pour une bonne nuit de dix heures (le seul remède à ce genre de situation dans mon cas).

Ce matin, du coup, je pétais la forme et j'ai décidé de passer la journée à avancer mon cours pour CPGE, avec un interlude piano et un interlude hypoglycémie, étant donné que Monsieur mon Chéri est rentré samedi matin et qu'il est en répétition tous les jours depuis (8h : "T'inquiète ! On finit à 13h, je serai à la maison pour déjeuner !" ; 14h : "Allô ? Euh... je sors tout juste, j'arrive dans une demi-heure !" Résultat, on a déjeuné à 15h et j'ai eu un gros passage à vide).

Le premier cours était facile, en mode présentation de l'épreuve, remontage de manches et coaching sur le thème "Jeunes gens ! Vous pouvez intégrer depuis une petite khâgne ! La preuve, je l'ai fait ! Donc bossez votre latin !"

Pour le second et le troisième, je vais leur faire revoir la méthodologie de la version et du commentaire composé et, pour ce faire, les faire bûcher sur le sujet tombé en 2012. Je me suis du coup retrouvée à faire moi-même la version, avec des vieux souvenirs de samedi matin et de mercredi après-midi, passés courbée sur une table pendant que d'autres s'amusaient gaiement dehors. Et puis j'ai lu le rapport du jury pour voir ce qu'ils mettaient en avant et qui correspondait à peu près à ce que j'avais noté.

Les rapports de jury, c'est le truc qu'il ne faudrait sans doute jamais lire quand on prépare un concours. D'abord parce que c'est déprimant au possible, ensuite parce que c'est un exercice de style bien particulier, plein de déploration et de désapprobation, dont on n'est, à ce moment-là, pas capable de percevoir la bienveillance quand il y en a (car il y en a, du moins dans ceux de la nouvelle épreuve de latin que j'ai lus).

En général, ça donne ça : "Le jury déplore le niveau souvent lamentable des candidats se présentant à l'épreuve de latin. Franchement, quand on prépare le concours d'entrée à une ENS, on devrait être capable de reconnaître un demi double datif, particulièrement évident étant donné le contexte grammatical et le sens général de la phrase où il se trouvait."

J'ai souvenir d'un midi, l'année où je préparais l'agrèg', où un camarade brillant s'était déchaîné sur ce genre de commentaires, en imaginant un rapport après un pétage de plombs : "Le jury déplore que certains candidats aient été incapables de contenir leurs nerfs et se soient permis de lancer leur chaise à la figure de l'examinateur de grammaire, puis de claquer la porte en faisant la poule tout le long de la galerie Gerson."

Quelque chose me dit que je ne vais sans doute pas leur conseiller d'aller lire les rapports des autres années...


Au passage : je suis aussi tombée par hasard sur le blog d'une ancienne khâgneuse, dont les posts sur le latin m'ont fait hurler de rire (ici, ici et ici). Ça va finir par me donner des idées !

vendredi 13 septembre 2013

Tic Toc Choc 13

On dirait que les vendredi ne me sont pas particulièrement propices, qu'ils soient le 13 du mois ou non. Ou alors c'est que, la fin de la semaine arrivant, je tente de la faire coïncider avec une articulation majeure de mon plan de thèse et me fixe donc un programme délirant qui me scie les pattes avant même d'avoir commencé. Ajoutez à cela que je regagne mes pénates ce week-end pour cause d'anniversaire de mes deux frères et que je ne vais donc vraisemblablement rien faire pendant deux jours (ou alors pas grand chose) et vous obtiendrez un cocktail détonnant.

Dans mes rêves les plus fous, donc, je finissais aujourd'hui mon chapitre 2, c'est-à-dire que je finissais de rédiger mes analyses de termes et y raccrochais la partie sur les citations nominales d'auteurs (oui, dans mon corpus, j'ai des exemples - peu, mais quelques-uns - où mes auteurs sont cités nommément et pas uniquement avec des dicitur), que j'ai rédigée cet été, avant de décider qu'elle serait mieux en fin de chapitre, et que j'ai donc mise de côté en attendant d'avoir écrit ce fameux chapitre.

Le résultat des courses, c'est que je n'ai pas fait grand chose ce matin, que je suis allée signer mon contrat dans ma nouvelle fac cet après-midi, que j'ai travaillé 1h30 en rentrant, que je suis ensuite allée courir en profitant d'un répit dans la bruine et que, après une douche et la disparition des endorphines, j'ai mis un certain temps avant d'être de nouveau d'attaque. Mais bon, ça m'a fait du bien de m'aérer la tête, j'ai fini mes analyses de verbes et, de toute façon, mes citations nominales ont besoin d'un chouïa de préparation en plus avant d'être raccrochées à mon chapitre, étant donné que je peux difficilement en parler sans examiner aussi les passages où ces auteurs sont utilisés mais sans être cités nommément.

Chouette. Encore des relevés à venir.

Mais ce sera pour demain matin. Là, mes jambes et mes neurones réclament un bouquin, une couette bien chaude et un lit.

jeudi 12 septembre 2013

Tourner la page (Tic Toc Choc 12)

Aujourd'hui, dernière surveillance dans mon ancienne fac. Quatre heures. Acheter un complément de trajet. Prendre le RER. Arpenter le campus. Rencontrer mes anciennes collègues elles aussi de surveillance. Les entendre parler de l'année qui va bientôt commencer. Raconter mes propres histoires. Répartir des étudiants dans un amphi, distribuer copies et sujets. Se rendre compte qu'il manque une page à l'un d'eux. Discuter à voix basse de tout et de rien sans quitter des yeux les étudiants qui bûchent. En renseigner un. Donner l'heure à un autre.

Et puis commencer à fatiguer, parce que c'est crevant, quatre heures debout non stop à faire le planton. Récupérer les premières copies. Râler parce que ceux qui ont rendu copie blanche n'ont pas indiqué s'ils passaient l'épreuve de présentiel ou de cours à distance. Attendre. Voir les rangs devenir clairsemés. Se dire avec un copain que, c'est sûr, il y en aura toujours un pour rester jusqu'au bout. Expliquer aux gens qui ne comprennent pas qu'ils doivent émarger une deuxième fois, comme ça, si leur copie disparaît, on est sûr qu'ils ne l'ont pas emportée chez eux par erreur et que c'est nous qui l'avons égarée. Me dire, en regardant mes anciennes collègues "Waow ! elles connaissent par coeur le nom de presque tous ces étudiants ! Moi je connais seulement quelques visages et encore, pour ceux que j'ai eus au premier semestre ! Quant à leur nom, si je n'avais pas vu leur carte d'étudiant, j'aurais bien galéré." Me dire que le premier semestre me paraît une éternité, en y repensant.

Glisser les copies dans les enveloppes appropriées. Garder quelques sujets non utilisés pour m'en servir comme brouillons plutôt que de les jeter. Quitter l'amphi avec tout le monde. Saluer ceux qui retournent au département mettre leur lot dans les casiers de ceux qui doivent corriger. Racheter un complément de trajet. Attendre un bon quart d'heure que le RER arrive. Se dire que cette heure a quand même l'avantage de ne pas être trop bondée. Parler thèse et emploi du temps avec un collègue et le pote ATER qui reste dans cette fac. Les saluer au moment de descendre. Prendre le métro. Rentrer chez soi.

Demain je signe mon contrat dans ma nouvelle fac.

Une page se tourne, quoi.

mercredi 11 septembre 2013

Illumination (Tic Toc Choc 11)

Quand je commence à me dire "Ah oui, c'est quand, déjà, la date limite ?", c'est en général qu'il y a péril en la demeure. Je ne suis pas quelqu'un de très tête en l'air, mais il m'arrive comme tout le monde d'avoir des "absences", de préférence pour ce qui est le plus gênant d'oublier. En psychanalyse, on appelle ça des "actes manqués".

Ce matin, donc, j'étais en plein rituel hygiéno-vestimentaire matinal quand je me suis dit : "Il me reste combien de temps, déjà, pour la FIEC ?" J'en suis restée immobile, tandis que je calculais que, avec les cours qui commencent la dernière semaine de septembre dans ma nouvelle fac et qui feront que j'aurai autre chose à penser à ce moment-là, plus mon chapitre 2 qui arrive à sa fin et qu'il me faudra donc relire pour en envoyer une première version un peu décente à Chef, j'avais tout intérêt à ne point trop traîner. Déjà que je ne suis pas sûre d'être sélectionnée si j'envoie quelque chose, alors, si je n'envoie rien, la question est réglée.

J'ai donc passé la matinée d'abord à exprimer clairement ce que je propose de faire, en tentant de paraître crédible et de montrer que ce que j'étudie non seulement est original, mais entre dans le cadre de la session où je postule ; ensuite à ratiboiser tout ça le plus possible, pour entrer, cette fois, dans la limite de deux cents mots imposée par l'appel à communications.

Deux cents mots, ce n'est rien. C'est à peine une dizaine de lignes. On touche là aux nécessités et, en quelque sorte, à l'absurde des propositions de communication. Je ne sais pas combien le comité organisateur de la FIEC en recevra ; au moins une centaine, plusieurs peut-être. Dans ces conditions, on comprend très bien pourquoi on impose une limite drastique : s'il faut lire deux cents "résumés" de cinq pages, surtout pour des interventions qui devront durer vingt minutes, pas plus...

En même temps, de l'autre côté, expliquer en deux cents mots combien son sujet est intéressant et original et combien on est soi-même intelligent et compétent, ce n'est pas évident, d'autant qu'il y a des fois où on le fait alors qu'on n'a pas la moindre idée de ce que va donner ce qu'on propose. Personnellement, à chaque reformulation ou suppression sans pitié de subordonnées passant progressivement du statut de précision utile à développement trop long, je crains toujours que ce que je viens d'enlever ne me fasse passer pour une idiote ou ne donne une impression défavorable de mon sujet, alors que, si je l'avais laissé, les conclusions tirées par le comité scientifique en me lisant auraient été totalement différentes. Mais il faut dire que j'envisage la sélection un peu comme une correction de concours : un jugement rapide, pas le temps de faire une analyse de texte pour lire entre les lignes et se dire que, ah si, finalement, le résumé est nul, mais ça pourrait donner quelque chose de bien, et next.

J'ai donc rédigé un premier jet, que je vais laisser reposer jusqu'à la semaine prochaine, histoire de voir si ce n'est pas mon moi de dans quelques jours qui ne va pas traiter mon moi d'aujourd'hui d'idiote refaisant ce qui a déjà été fait cent fois.

Ensuite, j'ai traîné ma misère rédactionnelle tout l'après-midi, c'est-à-dire que là, pour le coup, c'était mon moi d'aujourd'hui qui n'était pas d'accord avec mon moi de la semaine dernière. Mes notes sur les verbes de pensée étaient vraiment nazes et, surtout, ne correspondaient pas aux exemples que j'avais sous les yeux. Je suis donc restée bloquée un bon moment sur cette sous-partie maudite quand, soudain, j'ai eu une illumination et trouvé un facteur commun entre tous ces exemples. C'était sous mon nez tout du long et il m'a fallu deux jours dessus à me demander où j'avais bien pu avoir la tête avant pour finir par le voir. Résultat : sous-partie réécrite entièrement et temps pour la préparation de mes cours par conséquent drastiquement réduit, mais sous-partie finie. Plus qu'une et c'est presque tout mon chapitre 2 que je boucle !

mardi 10 septembre 2013

Tic Toc Choc 10

Ce matin, j'avais une réunion dans ma nouvelle fac, ce qui veut dire que j'y ai thésardement perdu ma matinée, mais que j'ai pu m'excuser auprès de tous les gens dont j'ai pourri l'été et les remercier de m'avoir aidée.

Ensuite, j'ai déjeuné avec une amie, ce qui était fort agréable.

Et, une fois rentrée chez moi,  ben... je n'arrivais plus à comprendre ce que j'avais écrit quand je préparais la rédaction de mon chapitre 2. Comprenez-moi et ne faites pas de mauvais esprit : NON, je n'avais pas trop bu (j'ai même un témoin !), mais il s'est avéré que, prendre des notes rapides sans noter les exemples auxquels on pense en se disant "Ça, c'est évident, pas besoin de préciser", eh bien c'est une très mauvaise idée.

Techniquement, ça donne ça : "Alors... "Opinari et opinio paraissent utilisés pour les opinions légères et sans fondement, ce qui est confirmé par Ernout-Meillet." Voyons, voyons... Combien j'ai d'occurrences ? trois. Mouais. Relisons... Euh... ouiiiii ??? Comprends pas, je dirais que c'est plutôt le contraire. Et puis d'abord, comment j'ai pu tirer des conclusions avec UN exemple chez Tacite et DEUX chez Suétone ? Soit j'avais fumé la moquette à ce moment-là, soit j'ai fait un lapsus de malade, en écrivant opinari et opinio à la place de... mmmh... ça pourrait coller avec arbitrari. Récupérons Ernout-Meillet... Ah bah non, ça ne colle pas avec la rubrique arbitrari. Par contre, c'est tout à fait opinari. Meeeeerdeee... Il ne me reste plus qu'à supprimer tout ça de mes notes. Bon, next : putare..."

C'est donc officiel : j'ai eu une absence, à un moment, pendant la préparation de mon chapitre. Cool. Me demande sur quoi je vais tomber demain.

lundi 9 septembre 2013

Tic Toc Choc 9 : Banque d'Epreuves Littéraires et CPGE partenariale (ou comment c'est mon tour de préparer des latinistes à Ulm et Lyon)

Lundi, deuxième semaine de l'année. Après un week-end rédaction, c'est reparti pour la prise en compte du reste.

Après la préparation de mes cours de latin, celle de mon cours de version-commentaire spécial CPGE. Eh oui ! cette année, je vais aussi avoir des khâgneux en face de moi ! Ma nouvelle fac a en effet mis en place avec un lycée juste à côté une CPGE partenariale : l'hypokhâgne se fait entièrement au lycée et, la deuxième année, les khâgneux viennent passer deux jours par semaine à la fac, pour suivre certains cours qui les prépareront au concours des ENS.

L'idée est d'instaurer des échanges entre classes prépas et universités, mais aussi et surtout de permettre d'avoir accès à ce type de formation à des jeunes qui en ont les capacités, mais qui, pour différentes raisons, n'y pensent pas. Une bonne idée, donc, et juste, parce qu'il faut que ces jeunes se disent que, oui, ils peuvent le faire, parce qu'ils sont aussi bons que les autres. Le seul bémol, c'est que cela ne fait pas avancer la question de la formation post-bac en général, en continuant de considérer que la classe préparatoire est nécessairement le nec plus ultra des cursus. Mais je suis sans doute mal placée pour parler de ça et je ne voudrais pas qu'on m'accuse de cracher dans la soupe ou de faire de l'élitisme.

Le cours que je vais assurer sera celui préparant à l'épreuve commune de latin, qui est assez différente de celle qui existait quand j'ai moi-même passé le concours. Sur le modèle des concours scientifiques a en effet été créée une Banque d'Epreuves Littéraires regroupant les trois ENS avec des filières littéraires (Ulm, Lyon, Cachan) ; y ont été associés l'Ecole des Chartes, l'ENSAE, l'ENSAI et l'ISMaPP ; en fonction des résultats, on peut aussi passer les oraux d'admission pour un certain nombre d'IEP.

Avec la création de la BEL, l'épreuve commune de latin a été réformée : la version latine en quatre heures existe toujours, mais est aussi proposée en alternative une version-commentaire d'un texte latin, sur un thème de culture antique fixé pour deux ans (cette année, c'est "Expériences et représentations de l'espace" et ce n'est pas moi qui m'en charge). Le texte (assez long) est intégralement traduit dans le sujet, sauf une dizaine de lignes (pas plus), pour lesquelles c'est au candidat de le faire, avant de commenter le tout en s'appuyant sur les cours de culture antique qu'il a suivis. Pour cela, il a cinq heures.

Le tout est maintenant de m'efforcer d'arriver aux chevilles des deux profs de latin que j'ai eus pendant mes trois années de prépa.

dimanche 8 septembre 2013

Tic Toc Choc 8

Rien de bien passionnant aujourd'hui (vous me direz : hier non plus). Encore cinq pages écrites, plus que trois sous-parties à rédiger avant de commencer à voir la fin de mon chapitre 2.

Par contre, pas facile de rédiger sans mettre le nez dehors alors qu'il fait grand soleil.

Nihil noui sub sole, quoi.

samedi 7 septembre 2013

De l'utilité des courbatures (Tic Toc Choc 7)

Comme hier je n'ai rien fait et qu'il me reste encore deux bonnes semaines avant le début des cours dans ma nouvelle fac, je me suis levée ce matin en me disant que, ce week-end, ce serait rédaction.

Avis à tous ceux qui traitent les universitaires de grosses feignasses : en ce qui me concerne, la différence entre les week-ends et le reste de la semaine, c'est que je ne mets pas de réveil. Je travaille donc plus tard, parce que je me lève plus tard (logique). Pourquoi je mets un réveil en semaine alors qu'en ce moment, je n'ai ni cours, ni réunion ? tout simplement parce que je ne suis pas du matin, MAIS que je suis aussi plus productive à ce moment-là (pas logique). Ceci dit, aujourd'hui, j'ai été aussi tirée du lit par le fait que ma voisine devait passer dans la matinée pour me faire signer un constat à l'amiable (une sombre histoire de dégât des eaux qui m'a aussi pourri mon lundi) et que je n'avais pas envie d'être surprise en pyjama avec une tête très peu humaine.

Aujourd'hui, donc, chapitre 2. J'ai écrit ma sous-partie sur les expressions liées à l'écriture, soit cinq pages. Pour les possibles bloqués de la rédaction : ne vous déclenchez pas des crampes à l'estomac ; je suis en lettres, donc je cite et je commente et pas uniquement en note de bas de page, ce qui veut dire que, à chaque fois que je sors un extrait de mon corpus, ça prend de la place ; ajoutez à ça que je traduis systématiquement tout mon latin et que ça me fait souvent une note maousse et vous relativiserez très justement ce "bond en avant".

Il faut dire que j'avais aussi une bonne raison de rester tranquille à travailler devant mon bureau, au lieu de possiblement crapahuter dans tout Paris pour profiter de ce bel après-midi : hier, je suis allée cracher mes poumons et affoler mon coeur courir aux Buttes-Chaumont (si vous y étiez hier : oui, l'escargot rouge et essoufflé, c'était moi). Ciao les crispations aux trapèzes, bonjour les courbatures un peu partout malgré de soigneux étirements !

Mens sana in corpore sano : Juvénal n'a jamais rédigé de thèse.

vendredi 6 septembre 2013

ENCORE ma JAPD ???!!! (Tic Toc Choc 6)

Aujourd'hui, relâche thésarde. D'abord parce que, après plus d'un mois de tension (que j'ai fini par somatiser avec des crispations assez pénibles dans les trapèzes, aussi dues à une nouvelle chaise un peu trop basse par rapport à mon bureau ; comme j'ai acheté un coussin précisément hier, je ne saurai jamais laquelle des deux était la cause principale), j'ai eu un petit coup de mou et je me suis dit que je pouvais bien m'accorder un jour.

Ensuite parce que j'ai aussi passé un temps non négligeable à remplir mon dossier pour ma nouvelle fac et partir à la chasse aux pièces justificatives. Au début, je me disais : "Pom popom, ils ont déjà tout plein de pièces avec mon dossier de candidature, ça va me faire gagner du temps !" Evidemment, erreur. Et, parmi les multiples papiers à fournir... mon attestation de JAPD.

Depuis onze ans, j'ai passé mon bac, deux concours (dont l'un deux fois - quand on aime, on ne compte pas), été inscrite cinq ans en fac, eu deux diplômes. A chaque fois, on m'a demandé mon attestation de JAPD, parce que, pour obliger les jeunes à y aller, on en a fait un document indispensable pour constituer n'importer quel dossier de l'administration nationale.

Je garde un souvenir impérissable de ma JAPD : prendre un bus spécial jusqu'à la caserne et me rendre compte qu'en fait, mes cars de campagnes, c'est du grand luxe ; retomber sur des gens de mon patelin que j'ai côtoyés jusqu'au collège et que je ne rêvais pas particulièrement de retrouver ; découvrir une bonne dizaine de drogues dont je n'avais jamais entendu parler et me faire expliquer par un sergent-chef les effets d'un popper ; emmerder son supérieur, planquée dans la masse, en lui posant des questions sur 1870, 1940, 1993, 1994, après un "documentaire" sur la-gloire-de-l'armée-française-victorieuse-à-chaque-fois-comme-Zorro.

Mais enfin, au bout de ONZE ANS, quand même, les meilleures plaisanteries sont les plus courtes.


(ceci est le signe de l'armée française, selon le DVD qu'on m'a passé il y a onze ans)

jeudi 5 septembre 2013

Tic Toc Choc 5

Après m'être rongé les sangs toute la matinée, j'ai fini par mettre le nez dehors pour aller faire des courses : deux jours à manger des lentilles, je vous garantis que ça aggrave la déprime de n'importe qui. Je n'avais pas fait cinq mètres que mon téléphone bipait. Depuis lundi, je flippe dès qu'il se met à vibrer ; là, je l'ai pris sans réfléchir et je suis restée scotchée sur place : LE RECTORAT A ACCEPTÉ MON DÉTACHEMENT. Pour un peu, j'en aurais pleuré de joie en plein milieu de la rue.

J'ai donc à nouveau passé mon après-midi à envoyer des mails : à la doyenne, à Chef, à mes collègues, à ma famille, à mes potes aussi. J'ai fait une liste ; quand je me suis arrêtée, j'étais en hypoglycémie, mais énormément, incroyablement soulagée. Ceci dit, je pense aussi au collègue dans la même situation que moi, ainsi qu'à la personne qui a laissé un commentaire sous le Tic Toc Choc 2 : si vous lisez ce message et que vous êtes intéressé(e), pourriez-vous me contacter via l'adresse mail en haut à droite ? A plusieurs, il sera peut-être plus facile de se faire entendre...?

Après les mails, je pensais me lancer dans la suite de la rédaction de mon chapitre 2, mais c'était sans compter sur la partie que j'ai déjà rédigée, pendant mes vadrouilles estivales. Faire une thèse en lettres permet de bouger relativement tout en continuant à travailler (alors qu'un physicien peut difficilement dématérialiser son labo pour l'emporter avec lui). Le problème, c'est que, quand votre corpus comprend onze bouquins bien lourds et que, dans l'idéal, il faudrait que vous emportiez aussi un dictionnaire qui pèse également son pesant de cacahouètes, ça devient plus compliqué. 

Heureusement, il y a Diogenes. Diogenes est un logiciel en téléchargement libre qui permet de consulter les deux bases de données de textes latins et grecs, Phi Duke et le TLG. Le hic, c'est que Phi Duke et le TLG, eux, ne sont pas gratuits, ce qui vous permet d'imaginer une ruelle sombre, la nuit, de la pluie qui crachouille et deux individus vêtus d'amples imperméables et de chapeaux leur tombant sur les yeux, se passant, de la main à la main, un truc indéfinissable vite enfoncé dans une poche et partant l'un et l'autre dans des directions opposées.

Bref, j'ai Diogenes sur mon ordi, mais les textes auxquels il me donne accès, outre que leurs références sont parfois fantaisistes, sont aussi de vieilles éditions. Deux raisons pour tout vérifier méticuleusement une fois qu'on a des Budés sous la main. Par ailleurs, je lis couramment le latin, mais en donner une traduction est un chouïa plus compliqué que juste parfaitement comprendre ce que j'ai sous les yeux, d'où une flopée de passages mis en rouge. Résultat : j'ai passé le reste de mon après-midi à vérifier textes, références et traductions.

Mais bon : aujourd'hui, je m'en fous.