jeudi 31 décembre 2009

La mort de Germanicus 3 : comparaison avec la version de Tacite sur la mort d'Agricola

Agricola et Germanicus ont beaucoup de choses en commun : ils sont intelligents, modérés, aimés du peuple et de leurs soldats, ce sont des généraux irréprochables et, surtout, ils sont chacun détestés par un empereur archi jaloux et très, très, très suspicieux. Pour Germanicus, c'est Tibère ; pour Agricola, c'est Domitien.

Ce qui faut savoir, c'est que la Vie d'Agricola est une biographie historique qui se présente comme une laudatio funebris, i.e. comme un éloge funèbre que les Romains faisaient traditionnellement lors des funérailles des grands personnages. Il y a donc toute une dimension méliorative dans ce portrait singulier, qui n'empêche pas Tacite de faire déjà de l'histoire, à travers sa description de la Bretagne (la grande Bretagne : celle d'Astérix, c'est l'Armorique ; Agricola est celui qui a plus ou moins achevé la conquête de la Bretagne et qui, en particulier, a été le premier à en faire faire la circumnavigation) ou encore son récit de la bataille finale du mont Graupius.

Inutile de dire que le récit de la mort d'Agricola en elle-même intervient à la fin de l'oeuvre, au paragraphe 43 pour être plus précise. Tacite explique que même les étrangers et les inconnus en furent affligés, puis il déclare : "la compassion était augmentée par la rumeur persistante qu'il avait été enlevé par du poison" (augebat miserationem constans rumor ueneno interceptum).

C'est ce point qui va être développé dans le reste du paragraphe. Tacite commence par dire qu'il n'a rien de sûr à ce propos ("je ne saurais rien affirmer, car je n'ai rien découvert", nobis nihil comperti adfirmare non ausim) ; c'est là qu'arrive le "mais" insinuateur :

Ceterum per omnem ualetudinem eius crebrius quam ex more principatus per nuntios uisentis et libertorum primi et medicorum intimi uenere, siue cura illud siue inquisitio erat. Supremo quidem die momenta ipsa deficientis per dispositos cursores nuntitata constabat, nullo credente sic adcelerari quae tristis audiret.

"Mais, durant toute sa maladie (celle d'Agricola), plus fréquemment que d'habitude sous le principat, per l'intermédiaire de messagers qui lui rendaient visite, vinrent le voir aussi bien les premiers des affranchis (de Domitien) que ses médecins les plus intimes, que cela ait été soit souci, soit espionnage. Même le jour de sa mort, il était certain que les phases mêmes de son agonie lui étaient annoncées par des relais de courriers et personne ne croyait que cette hâte était pour quelque chose qu'il écouterait avec tristesse."

Le "mais" introduit déjà des éléments qui vont dans le sens de la thèse de l'empoisonnement, le "ex more principatus" montre qu'Agricola a droit à un traitement "spécial" et on retrouve un certain nombre d'éléments qu'on avait déjà dans la mort de Germanicus (qui, en fait, sera écrite après, donc ce serait plutôt dans les Annales qu'on retrouve des éléments de l'Agricola, mais passons) : une longue maladie, des envoyés chargés de surveiller l'avancée de l'agonie, un deuil pris par des gens qui ne connaissaient même pas le défunt.

Mais autant, pour la mort de Germanicus, les "on dit" et "on croyait que" allaient subtilement dans le sens de l'innocence de Pison et Tibère, autant, ici, ils vont au contraire dans le sens d'une culpabilité de Domitien. Ainsi, les envoyés trop nombreux et empressés sont un fait établi (constabat), ce qui appuie le "personne ne croyait" (nullo credente) : puisque c'est un fait établi et que tout le monde est de cette opinion, alors l'opinion en question est vraie.

Le coup de grâce est donné un peu plus loin, lorsqu'on retrouve le motif des dernières paroles du défunt, en 45.5 :

Vt perhibent qui interfuere nouissimis sermonibus tuis, constans et libens fatum excepisti, tamquam pro uirili portione innocentiam principi donares.

"Comme le racontent ceux qui ont assisté à tes derniers entretiens, c'est avec constance et de bon gré que tu as accueilli ton destin, comme si, pour ta part, tu faisais cadeau au prince de l'innocence."

Ici, il n'y a plus de doute : si l'innocence doit être donnée en cadeau à l'empereur en se refusant aux accusations et aux demandes de vengeances, c'est bien que cet empereur n'est pas innocent. L'objectivité de Tacite un peu plus haut était donc bel et bien feinte. On voit donc bien que Tacite, même lorsqu'il affecte de ne pas prendre parti, sait quand bien, quand il veut, montrer quelle est son opinion.

Quelle conclusion tirer de tout cela ? C'est ce que nous verrons l'an prochain : bonne année à tous !

(La boule à facette mise en place par Michel de Broin au Jardin du Luxembourg pendant la Nuit blanche 2009 à Paris, photo par y.caradec ; source FlickR)


dimanche 27 décembre 2009

La mort de Germanicus 2 : la version de Tacite

Passons, donc, à la version de Tacite. Elle est beaucoup plus développée que celle de Suétone, car il écrit, dans les Annales, sur les règnes des empereurs et non sur leurs vies. Celui de Tibère court sur six livres et Germanicus apparaît dans les deux premiers, ce qui lui permet de traiter à loisir leurs relations.

Tacite commence par annoncer à plusieurs reprises que Germanicus connaîtra une mort tragique, car prématurée : en II 41.3, il rappelle que le père et un autre oncle de Germanicus sont déjà morts jeunes ; en II 42.1, les honneurs dont le gratifie Tibère sont présentés comme n'annonçant rien de bon ; enfin, en II 54.4, l'oracle de Colophon lui prédit, de manière ambiguë, qu'il mourra jeune.

Ce n'est qu'au chapitre 69 que le lecteur est confronté, pour la première fois, à l'éventualité d'un empoisonnement du jeune général par Pison. En 69.2, on apprend que le légat, qui avait décidé de quitter la Syrie, y est finalement retenu par la maladie de Germanicus. C'est alors que l'historien précise : "la cruelle violence de la maladie était aggravée de ce qu'il (Germanicus) était persuadé d'avoir été empoisonné par Pison" (saeuam uim morbi augebat persuasio ueneni a Pisone accepti). Germanicus était persuadé d'avoir été empoisonné : pas convaincu, persuadé (la différence entre persuadé et convaincu est que, dans le second cas, on a des preuves objectives, dans le premier, non). Suivent alors un certain nombre de "preuves" :

... et reperiebantur solo ac parietibus erutae humanorum corporum reliquiae, carmina et deuotiones et nomen Germanici plumbeis tabulis insculptum, semusti cineres ac tabo obliti aliaque malefica, quis creditur animas numinibus infernis sacrari. Simul missi a Pisone incusabantur ut ualetudinis aduersa rimantes.

"... et on trouvait sur le sol et les murs des restes de corps humains déterrés, des incantations et des sortilèges et le nom de Germanicus écrit sur des tablettes de plomb (qu'on utilisait pour lancer des malédictions), des cendres à demi brûlées et imprégnées de sang corrompu, ainsi que d'autres maléfices, par lesquels on croit que les âmes sont vouées aux divinités infernales. Dans le même temps, on accusait les envoyés de Pison d'épier les manifestations négatives de la maladie."

On a ici tous les éléments des cérémonies de malédictions : cadavres déterrés, incantations, tablettes de plomb, excréments, etc. Oui, mais, précisément, Tacite, contrairement à Suétone, ne fait pas du tout partie des esprits superstitieux qui prennent tout cela très au sérieux et, après le persuasio qui précède, le creditur montre bien que tout cela relève bel et bien de la superstition. De même, les accusations contre les envoyés de Pison restent vagues : on ne dit pas qu'ils l'ont empoisonné, on dit qu'ils scrutent les progrès du mal.

Dès lors, des dernières paroles de Germanicus paraissent le fruit d'un esprit que la maladie et une mort prochaine ont fait tomber dans la paranoïa. Ce sont en effet des paroles de haine et de vengeance à l'égard de Pison et des siens, en particulier de sa femme Plancine, qu'il adresse à ses proches :

Si fato concederem, iustus mihi dolor etiam aduersus deos esset, quod me parentibus, liberis, patriae intra iuuentam praematuro exitu raperent ; nunc, scelere Pisonis et Plancinae interceptus, ultimas preces pectoribus uestris relinquo : referatis patri ac fratri quibus acerbitatibus dilaceratus, quibus insidiis circumuentus miserrimam uitam pessima morte finierim. Si quos spes meae, si quos propinquus sanguis, etiam quos inuidia erga uiuentem mouebat, inlacrimabunt quondam florentem et tot bellorum superstitem muliebri fraude cecidisse. Erit uobis locus querendi apud senatum, inuocandi leges. Non hoc praecipuum amicorum munus est, prosequi defunctum ignauo questu, sed quae uoluerit meminisse, quae mandauerit exsequi. Flebunt Germanicum etiam ignoti ; uidicabitis uos, si me potius quam fortunam meam fouebatis. Ostendite populo Romano diui Augusti neptem eandemque coniugem meam, numerate sex liberos. Misericordia cum accusantibus erit fingentibusque scelesta mandata aut non credent homines aut non ignoscent.

"Si je mourais de mort naturelle, ce serait à bon droit que je me plaindrais même devant les dieux de ce qu'ils m'enlèvent à mes parents, à mes enfants, à ma patrie, au milieu de ma jeunesse, par une mort prématurée ; mais en réalité, c'est emporté par un crime de Pison et Plancine que je dépose dans vos coeurs mes ultimes prières : dites à mon père et à mon frère par quelles cruautés j'ai été déchiré, par quelles pièges j'ai été entouré, avant de finir une vie très malheureuse par la pire des morts. Tous ceux que l'espoir que je leur inspirais, que la proximité de nos sangs, que même l'envie, de mon vivant, mettaient en mouvement déploreront en pleurant que celui qui était autrefois florissant et a survécu à tant de guerres tombe à cause de la ruse d'une femme. Vous aurez l'occasion de vous plaindre devant le sénat, d'invoquer les lois. Le principal devoir des amis n'est pas de précéder le corps du défunt avec de lâches plaintes, mais de se souvenir de ses volontés, de suivre ses recommandations. Même des inconnus pleureront Germanicus ; vous, vous me vengerez, si c'est moi plutôt que ma bonne fortune que vous chérissiez. Montrez au peuple romain la petite-fille du divin Auguste (Agrippine la Jeune), qui est aussi ma femme, énumérez mes six enfants. La pitié sera avec les accusateurs et, ceux qui inventeront des instructions criminelles, soit on ne les croira pas, soit on ne leur pardonnera pas."


Germanicus meurt peu après avoir prononcé ces mots. On le voit, l'accusation est très claire et, une fois rentrée à Rome, sa femme n'attendra pas pour exiger justice contre Pison et Plancine. Tacite, pour sa part, est toujours aussi circonspect, comme il le montre un peu plus loin, lorsqu'il décrit le corps du général :

Corpus, antequam cremaretur, nudatum in foro Antiochensium, qui locus sepulturae destinabatur, praetuleritne ueneficii signa parum constitit : nam, ut quis misericordia in Germanicum et praesumpta suspicione aut fauore in Pisonem pronior, diuersi interpretabantur.

"Quant au corps, qui, avant la crémation, fut exposé nu sur le forum d'Antioche, choisie comme lieu pour ses funérailles, il y a peu de preuves solides de s'il portait des signes d'empoisonnement : en effet, selon que chacun était plus incliné à avoir pitié de Germanicus et des soupçons ou une attitude favorable à l'égard de Pison, les interprétations divergeaient."

Suétone a donc repris sans sourciller la thèse de l'empoisonnement et suivit les descriptions de personnes cherchant à le prouver, tandis que Tacite, lui, en apparence, ne prend pas parti. Il n'empêche que, au vu de tout ce qui précède, le lecteur est plutôt incliné à reconnaître que cette mort trop jeune est une tragédie, mais qu'elle n'est pas le fait d'un crime. Ce sentiment est renforcé lorsqu'on sait quelle dent opiniâtre l'historien a contre Tacite : s'il avait pu sous-entendre malignement que cet empereur a fait empoisonner son neveu et fils adoptif, il est fort probable qu'il l'aurait fait.

Il a d'ailleurs déjà eu l'occasion de le faire à propos d'un autre empereur, Domitien, lui aussi accusé d'avoir empoisonné un général présenté comme très populaire : il s'agit d'Agricola, le propre beau-père de Tacite. Le traitement est, dans ce cas, assez différent de celui des Annales.


Pergendum...

jeudi 24 décembre 2009

La mort de Germanicus 1 : la version de Suétone

Suétone aime le trash et Tibère n'est pas exactement l'empereur qu'il préfère. Ajoutez à cela des rumeurs d'empoisonnement de son neveu et fils adoptif, adoré par la foule, et il est aux anges. Ses Vies des douze Césars lui donnent en plus l'occasion de traiter deux fois de la mort de Germanicus, dans celle de Tibère (l'oncle, donc) et dans celle de Caligula (le fils).

Les allusions ne sont cependant pas très développées dans la Vie de Tibère : après un certain nombre d'exemples de combien Tibère n'aimait pas son neveu, Suétone ajoute, en 52.6,

Etiam causa mortis fuisse ei per Cnaeum Pisonem legatum Syriae creditur, quem mox huius criminis reum putant quidam mandata prolaturum nisi ea secreto ostendant ***** (lacune) ; quae multifariam inscriptum et per noctes celeberrime adclamatum est "Redde Germanicum !". Quam suspicionem confirmauit ipse postea coniuge etiam ac liberis Germanici crudelem in modum afflictis.

"On croit même qu'il causa sa mort (celle de Germanicus) par l'entremise du légat de Syrie Cnaeus Pison, dont certains pensent que, accusé bientôt de ce crime, il aurait révélé ses instructions si ***** (lacune ; c'est toujours au moment le plus passionnant qu'il y en a une : grand classique des textes antiques) ; on inscrivit en plusieurs endroit et l'on cria très souvent la nuit "Rends-nous Germanicus !". Il confirma lui-même ce soupçon par la suite, en traitant aussi avec cruauté la femme et les enfants de Germanicus."

Ce renchérissement intervient à la fin d'une longue série de verbes à l'indicatif, donc d'actions malveillantes présentées comme absolument avérées (ce n'est pas la même chose que de dire "il a fait" à l'indicatif et "il aurait fait" au conditionnel). Le lecteur est donc plutôt porté, par le mouvement du texte, à considérer comme fort probable cette dernière "illustration".

Suétone prend quand même des gants et modalise à qui mieux mieux (même chose : dire "il a fait" et "on dit qu'il a fait" ne revient pas au même, quant au degré de solidité de l'information) : "on croit que" (creditur), "certains pensent que" (putant quidam), "il aurait révélé" (prolaturum <esse>)... Il n'empêche que, par la suite, il en donne deux "confirmations" : 1) des inscriptions et des cris poussés de nuit, qui sont tout aussi anonymes ("on inscrivit", inscriptum est, "on cria", adclamatum est) que ses "on" et ses "certains" qui précèdent, même s'ils renvoient au peuple en général ; et 2) le comportement de Tibère lui-même (ipse confirmauit") envers la femme et les enfants de Germanicus, qu'il va développer dans les paragraphes qui suivent (à grand renfort, là aussi, de dicitur et creditur, parce qu'on va atteindre le summum de l'horreur : il décide de faire mourrir de faim l'un des fils de Germanicus, si bien que celui-ci en est réduit à manger la bourre de son matelas dans sa cellule).

Mais bon, il n'en demeure pas moins que ces cris dans la nuit ne sont pas des arguments très solides et que, étant donné que Tibère a tendance à s'en prendre à tous ses proches et en particulier aux membres de sa famille, on peut arguer que ce qui est arrivé à Agrippine l'Ancienne et ses enfants n'est pas nécessairement dû à leur lien avec Germanicus.

Suétone est par contre beaucoup plus précis dans la Vie de Caligula. Commençant, comme dans toutes les Vies, par brosser un rapide portrait des origines familiales du César en question, il s'attarde assez longuement sur Germanicus, le père de Caligula, et annonce très vite la couleur, en 1.2 : "il mourut à Antioche d'une longue maladie, non sans qu'on soupçonnât qu'il eût été empoisonné" (diuturno morbo Antiochiae obiit non sine ueneni suspicione). Suit une description presque médicale du corps :

Nam praeter liuores, qui toto corpore erant, et spumas, quae per os fluebant, cremati quoque cor inter ossa incorruptum repertum est : cuius ea natura existimatur, ut tinctum ueneno igne confici nequeat.

"En effet, outre des taches livides, qui se trouvaient sur tout son corps, et de l'écume, qui coulait par sa bouche, après l'incinération, on trouva aussi son coeur intact parmi ses ossements : or on considère qu'il est dans cet état lorsque, imbibé de poison, il ne peut être consumé par le feu."

Suétone finit sur les soupçons de tous se portant sur Pison et, à travers lui, Tibère :

Obiit autem, ut opinio fuit, fraude Tiberi, ministerio et opera Cnaei Pisonis, qui sub idem tempus Syriae praepositus, nec dissimulans offendendum sibi aut patrem aut filium, quasi plane necesse esset, etiam aegrum Germanicum grauissimis uerborum ac rerum acerbitatibus nullo adhibito modo adfecit ; propter quae, ut Romam rediit, paene discerptus a populo, a senatu capitis damnatus est.

"Par ailleurs, il mourut, comme on en fut d'avis, victime d'un crime de Tibère, avec l'aide et les efforts de Cnaeus Pison, qui, vers la même époque, avait été mis à la tête de la Syrie et qui, ne cachant pas qu'il lui fallait offenser soit le père, soit le fils (Tibère a adopté son neveu sur ordre d'Auguste), comme c'était vraiment une nécessité, même lorsque Germanicus était malade, l'accabla, en paroles et en actes, des plus graves outrages, sans garder aucune mesure ; à cause de ce comportement, lorsqu'il revint à Rome, il fut presque mis en pièces par le peuple et condamné à mort par le sénat".
On retrouve, dans ce troisième extrait, les mêmes procédés que dans le premier : modalisation ("comme on en fut d'avis", ut opinio fuit) et confirmation par une réaction de la foule ("il fut presque mis en pièces par le peuple", paene discerptus a populo). Mais on a surtout une décision du sénat lui-même, qui le condamne à mort, ce qui, là, pour le coup, est un argument sérieux en faveur de la thèse de sa culpabilité : ici, Suétone force la vérité historique, puisque Pison s'est en réalité suicidé et, surtout, le sénat ne l'a pas condamné pour le meurtre de Germanicus ; il est facile d'en deviner la raison : son but est de convaincre le lecteur que Pison est assurément coupable.

De fait, la description qui précède ce passage est particulièrement précise : taches blanches (liuores) sur tout le corps, écume (spumas) aux lèvres... même avec presque vingt siècles d'écart, un tel portrait nous évoque, à nous aussi, un empoisonnement. Suétone y ajoute la conservation miraculeuse du coeur après la crémation et la croyance populaire (existimatur) que cet état était la preuve formelle d'un empoisonnement (ce qui est un moyen de suggérer "tout le monde le dit, donc c'est un fait établi").

Or, à propos de l'état du corps de Germanicus, Tacite fait une toute autre description. Il a même, d'ailleurs, une attitude assez différente face à son décès : c'est ce que nous verrons au prochain épisode (quoi ?! il faut bien maintenir le suspens, que diable ! :p J'en profite pour souhaiter un joyeux Noël à tout le monde !).

("Xmas tree 85", photo par manuel MC ; source : FlickR)

dimanche 20 décembre 2009

"Cadeau" de Noël avant et après l'heure : La mort de Germanicus

Bonjour tout le monde !


Vous vous en doutez, ce sont les vacances et, comme vous, je vais avoir beaucoup de choses à faire jusqu'à début janvier. Je me suis donc un peu creusé la tête pour que ce blog ne soit pas totalement désert pendant quinze jours et j'en suis arrivée à la conclusion qu'il valait mieux fonctionner avec des notes pré-programmées, postées à l'avance.


Mais, pour éviter que ce ne soit trop décousu, j'ai eu l'idée de les faire sur un sujet continu, ce qui aura l'avantage de vous faire également toucher du doigt en quoi peut consister mon travail. Et comme, en ces périodes de fêtes, on n'a pas tellement envie de se prendre la tête avec des sujets techniques (et histoire d'attirer le chaland), j'ai choisi :


La mort de Germanicus.


Je vais bien sûr réutiliser ici une partie de ce que j'ai fait dans mon M1, mais aussi vous donner un aperçu ce que je suis en train de faire dans mon M2, puisque Suétone traite lui aussi de cette mort, dans la Vie de Caligula (Caligula est le fils de Germanicus et le troisième empereur romain, de 27 à 31 après Jésus Christ).


Tout d'abord, un petit point Who's who pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire des premiers temps de l'empire romain sur le bout des doigts (et ils sont nombreux).


Nous sommes en 19 après Jésus Christ, cela fait quatre ans que Tibère, le deuxième empereur, a succédé au premier, Auguste ; il a 59 ans. Germanicus est son neveu ; en 14, à la mort d'Auguste, il était à la tête des légions de Germanie, qui se sont alors révoltées et lui ont proposé l'empire, qu'il a refusé. Depuis, Tibère se méfie de lui, car sa popularité atteint toujours des sommets. Il lui a donc retiré ses légions et l'a envoyé en mission au Proche Orient, tout en lui adjoignant un légat, Pison, qui avait l'ordre plus ou moins tacite de lui pourrir la vie. Germanicus fait le tour du bassin méditerrannéen oriental, tombe malade et meurt à Antioche. On soupçonne alors Pison de l'avoir fait empoisonner, sur ordre de Tibère. Mis en accusation, Pison se suicidera lors de son procès, sans qu'on ait la preuve absolue de la responsabilité de Tibère.


Voilà donc, pour le rapide résumé des faits, afin que vous puissiez mieux apprécier les différentes versions dont nous allons discuter. Je précise qu'à chaque fois, si vous avez des questions ou que vous voulez des précisions, signalez-les en commentaire et j'y répondrai. Je vais examiner les textes dans l'ordre inverse de la chronologie, i.e. que je vais commencer par Suétone (Tib. 52.4 – 54.4 et Cal. 1.2 – 2), puis que je passerai à Tacite (Ann. II 60.1 – 73.4). Je ferai aussi une comparaison avec la mort d'un autre général rapportée par Tacite, Agricola.


Edit : Je viens de me rendre compte que je n'ai pas dit quand seront publiées ces notes, puisqu'elles sont préprogrammées. Rendez-vous, donc, les 24, 27, 31 décembre et enfin le 3 janvier, à 10h30 (heure totalement arbitraire), pour la suite des événements. Ensuite ce blog reprendra son cours normal (si tant est qu'il en ait un) : j'ai reçu mon dossier à remplir pour être allocataire moniteur normalien (monitrice normalienne ?) l'an prochain, la Quête d'une Fac risque d'être édifiante...!

jeudi 17 décembre 2009

Allô Maman ? J'ai froid aux pieds !

Ceux qui me connaissent savent que j'aime bien marcher, surtout quand je mets autant de temps à pied qu'en bus avec de l'avance pour pallier les aléas de la circulation (l'avantage, c'est que, à pied, sauf fracture de la jambe survenant à l'improviste, je suis au moins assurée d'arriver à l'heure et de n'être pas serrée comme une sardine dans un aquarium mobile pendant le trajet). J'aime bien ça en particulier quand il y a du vent et, en général, je le fais une fois par an sous la neige, le temps de me rappeler pourquoi j'ai décidé de ne plus le faire l'hiver précédent.

Donc, aujourd'hui, en me levant, j'ai dit "Chouette ! Il neige !" et, cet après-midi, après avoir réglé leur compte à Caligula, ses relations incestueuses avec ses soeurs et ses tentatives pour faire croire qu'il était un dieu, je suis allée à pied dans le Vème acheter mes derniers cadeaux de Noël (que je croyais : la Chasse a été pauvre).

Le début a été chouette, ce qui vous vaut les fameuses Photos de Paris Sous la Neige avec lesquelles tous les journaux télévisés gonflent la très grande partie des Français, qui ne vivent pas dans la Capitale (y a pas de raison pour que je sois plus intelligente qu'un journaliste de TF1 ou de France 2).

(Vue de mon balcon, ce matin, pendant qu'il neigeait - je précise parce que ça ne se voit pas)


(Cube blanc sur neige blanche ou : l'architecte qui a fait les plans de l'internat dans les années 70 n'avait pas beaucoup d'idées)


(La fontaine du Jardin de l'Observatoire : gelés et couverts de neige, ces pauvres chevaux font penser au cygne de Mallarmé...)


La suite a été beaucoup plus "Paris glacé, Paris enneigé, mais Paris tout engabouillé".

Les trottoirs glissants et changés en pédiluves se sont appliqués à me démontrer que l'eau pouvait très bien remonter par capillarité le long de mon jean, un instant d'inattention m'a valu de me noyer les pieds dans mes bottes et je ne sentais plus mes orteils gauches lorsque je suis rentrée chez moi (chaussettes mouillées, même doublées, = chaussettes glacées). Rassurez-vous, j'ai réussi à les sauver in extremis (c'est le cas de le dire).

Bref, je pense que, jusqu'à la fin de l'hiver, j'y repenserai à deux fois avant de remettre ça, mais je ne regrette tout de même pas de l'avoir fait, car cela m'a permis de tomber sur cette perle d'affiche :


Comment dire...? Pour choisir "Gerbe" comme nom de lingerie, y en a des qui ne sont manifestement pas très futés...!

lundi 14 décembre 2009

La mort de l'agrégation ?

En ces temps de chienlit et de grève du RER (je vous assure que je me suis couvert la tête de cendres, surtout que je suis censée peut-être ("La semaine prochaine, on fait ça, ça et ça et, si on a le temps, vous passerez" a dit la prof) présenter demain mon fameux exposé sur Platon et le mythe des races : ce truc m'a pourri ma fin de semaine et coûté sept euros de photocopies, alors j'aimerais bien m'en débarrasser une fois pour toutes et de préférence avant les vacances, pour ne pas être obligée de le revoir dans les brumes alcoolisées de la première semaine de janvier), j'avais pensé vous faire un post sur l'agrégation : c'est gros, c'est grand, c'est carré et, surtout, c'est tout frais, donc ça demande un investissement minimal, ce qui est intéressant en ce moment de Retour du Feu Sacré chez la Latiniste Motivée que je suis.

A vrai dire, ça fait un petit moment que j'y pense, mais paf ! soudain, sur ma boîte mail ENS, je reçois un courrier d'une de nos délégués CACS (Conseil d'Administration, Conseil Scientifique) : c'était samedi matin et il portait le même titre que cette note de blog.

Que l'agrégation soit en danger, ce n'est pas nouveau : c'est un concours lourd à organiser, qui, selon ses détracteurs, "double" le Capes et, surtout, requiert un niveau nettement plus élevé, ce qui signifie qu'il faut payer plus ceux qui y sont reçus. Le "travailler plus pour gagner plus" ne marchant que quand ce n'est pas l'Etat qui doit mettre la main au portefeuille, ça fait des années qu'il essaie de mettre à mal ce concours de recrutement des professeurs, en général en baissant périodiquement le nombre de postes de manière drastique (sauf exception nécessitant explication ad hoc).

Mais là, il faut le reconnaître, l'histoire de la "masterisation" est un coup de génie.

Jusqu'ici, en effet, il fallait un M1 en poche pour pouvoir présenter le concours. C'était logique : en France, le M1 est considéré comme une initiation à la recherche, le M2 comme une introduction à la thèse (c'est pour cela qu'il faut au moins 14 de moyenne pour passer de l'un à l'autre) ; rien de choquant à ce qu'on veuille que les professeurs du secondaire aient des notions de comment fonctionne la recherche : la théorie, c'est bien, mais quand on s'est frotté un tout petit peu à la pratique, ça devient tout de suite plus concret. Par contre, on ne voit pas pourquoi il faudrait qu'ils aient une introduction à une thèse qu'il ne feront jamais, puisqu'ils partiront enseigner.

Mais c'est là qu'est l'astuce, car la réforme ne vise pas ceux qui passent l'agrégation parce qu'ils veulent vraiment enseigner en lycées et collèges : elle vise ceux qui veulent continuer leurs études à la fac et qui ont besoin de l'agrèg', parce qu'ils ne sont pas sûrs de trouver tout de suite un poste après leur thèse et que, de toutes façons, même si, théoriquement, on n'a pas besoin de l'agrégation pour enseigner à l'université, dans la pratique, c'est un gros point positif au moment du recrutement (en tout cas dans les filières littéraires ; mais bon, ça va très certainement changer, maintenant).

Or ces personnes-là (dont je fais partie, soyons honnête) cesseront de passer le concours, puisque l'année de préparation représentera une rupture non négligeable entre leur M2 et leur thèse. Comme elles forment le gros des candidats, leur nombre sera en chute libre, le gouvernement en profitera pour couper à la hache dans le nombre de postes (comme il en rêve depuis des années et pas seulement en se rasant), puis supprimera purement et simplement le concours (idem).

Et maintenant, pourquoi je vous parle de cela ? Eh bien parce que le mail que j'ai reçu confirme que le directeur de l'ENS Cachan envisage de supprimer purement et simplement la préparation à l'agrégation dans son Ecole. Il l'a dit en conseil d'administration, il l'a répété dans une lettre reproduite sur le site Fabula.

Pourquoi c'est grave ? Parce que les ENS ne préparent QUE à l'agrégation. C'est même leur vocation première. Elles sont donc particulièrement concernées par tout ce qui touche le concours. Si le directeur d'une ENS décide de supprimer la prépa agrèg' dans son établissement, c'est signer tout simplement la mort de ce concours ; les ENS deviendront de pures antichambres de la recherche, ceux qui voudront préparer l'agrèg' quand même iront d'abord le faire à la fac, puis seront de moins en moins nombreux, puis disparaîtront (puisqu'on recrutera, à l'université, de plus en plus de personnes qui ne seront pas agrégées : franchement, pourquoi se casser le cul à passer ce putain de concours si en plus ça ne sert à rien pour la Suite des Evènements ?), avant que ce soit le concours qui, lui aussi, disparaisse à son tour.

Petite parenthèse : ce sera la même chose pour le Capes et sa "masterisation". Vous considérez que l'année de préparation du Capes vaut pour un M2, indépendamment du résultat au concours, puisque tous les préparationnaires auront suivi les mêmes cours et qu'un M2 n'est pas un concours. Vous vous retrouvez donc au finish avec deux groupes de gens ayant la même formation, mais dont les uns auront été reçus et pas les autres. La seconde catégorie peut quand même enseigner, puisqu'elle a été formée de la même manière et puis, hein, l'arbitraire des concours, on sait ce que c'est (ce qui est foncièrement vrai) ! Donc on les prendra aussi comme profs, mais en les payant moins, parce qu'ils ne l'ont pas eu, ce concours, mais ça arrange le ministère parce que ça fait des économies. Résultat : comme pour l'agrégation, à quoi ça sert que Ducros il se décarcasse s'il peut avoir presque le même boulot, sans suer sang et eau pour être reçu ? De moins en moins de candidats, de moins en moins de postes et pof ! disparition du Capes aussi.

Et comment se fera alors le recrutement ? Bah, c'est simple : une petite "formation" et, surtout, des postes à la tête du client ; le petit cousin de la madame qui bosse à l'accueil sera pris comme prof de maths, parce qu'on le connaît, il est mignon, il apporte même des chocolats parfois et puis, les maths, hein, c'est pas compliqué, une fois qu'on connaît ses tables de multiplication et qu'on sait faire une division !

Et la méritocratie républicaine (vous savez, celle qui donne aux pauvres et autres dépourvus de relations l'espoir qu'ils pourront s'en sortir en travaillant à l'école et en faisant de bonnes études et non en dealant de la drogue en bas de leur immeuble), elle fait quoi, pendant ce temps-là ? Elle agonise.

C'est déjà ce système qui prévaut en Italie. Si vous connaissez des ressortissants de ce (malgré tout) merveilleux pays, demandez-leur comment ça marche. Je connais personnellement un thésard en philo qu'on appelle le jour même pour une vacation de... concierge. Enfin, quand on l'appelle. Et ce après des années de démarchage systématique de toutes les écoles du coin. Sur ce, fin de la parenthèse.


Pour en revenir à mes moutons, ça fait un petit moment que cette info circule. Je me suis inscrite à la mailing-list du comité de Normale contre les réformes de l'année dernière (ce n'est pas parce qu'on ne peut pas participer aux manifs pour cause de dissert' de sept heures qu'on n'a pas envie d'être courant de ce qui nous concerne directement) et j'avais déjà vu passer un mail rediffusé par deux personnes différentes (c'est à dire un X rediffusant à sa mailing-list un mail de Y, qui lui-même rediffusait un mail de Z). N'ayant rien trouvé d'autre à ce sujet (et étant devenue légèrement parano par rapport à toutes les informations que je reçois depuis que je travaille sur les rumeurs), j'avais préféré attendre de voir. Là, étant donné que c'est un mail d'une représentante officielle des élèves, adressé à tout le monde, je pense que c'est une information qui mérite d'être diffusée.

dimanche 13 décembre 2009

Un compte de Noël

Il était une fois, quelque part au ministère de l'Education nationale, très très profondément au coeur du service des concours...

Flonflons, guirlandes et cotillons.

«Youuuuuuuuhouuuuuuuu !!!! Joyeux Noëëëëël !!!!! Vive le puuuuuuuuuuunch !!!!!! Vive le rhuuuuuuuuuum !!!!!!!! Vive nouuuuus !!!!!!!!!!!!!
- Bah dis donc, Gégé, ça te fait de l'effet, l'alcool !!! Je ne suis pas sûr que tu devrais te resservir...
- Pourquoi ? C'est cool ! Et puis on a fini de bosser !!! Euh... attends, j'ai soudain l'impression d'avoir oublié un truc, là...
- Comment ça, tu as oublié un truc ?
- Oui, j'ai dans l'idée d'avoir oublié un truc très important, mais vraiment très très très important, mais ze chais pu c'que ch'était...
- Bon sang, Gégé, déconne pas ! Si on n'a pas tout fait, on va franchement se faire engueuler par le chef et ça ira très mal pour nous !
- Ah, ça y est, je sais ! J'ai oublié d'entrer le nombre de postes à l'agrèg' dans l'ordinateur, pour qu'ils paraissent au journal officiel !
- TU AS QUOI ???????!!!!!!!!!!!!!
- Mais t'inquièèèète paaaaas ! J'vais l'faire maintenant et pis on s'ra tranquilles ! Ouh... ça tourne ! Tu veux pas m'aider à aller jusqu'à mon poste ?
- Et toi, tu ne veux pas que je le fasse à ta place ? Ce serait mieux, je pense.
- Nan ! C'est MON jouet, c'est MOI qui joue !!!! Pis d'abord, y a que moi qu'ai l'code de l'interfesse !»

Quelques titubements plus tard...

«Aaaaaloooors... Voyons.... Grammaire : cinq... Histoire : 84... Allemand : 34... Anglais : 128...
- Paulot ! Tu viens ? On va danser le cancan et c'est toi qui lèves la jambe le plus haut !
- Ah oui, super ! Euh... Gégé, tu peux t'en charger tout seul ?
- Ouais, ouais...! T'inquiète ! Je... hip ! contrôle la situation ! Vas-y, je vous rejoins ! Italien : 14... Polonais : 1... Ouh... J'ai la tête qui tourne, moi... Portugais : 2... Russe : 1... Lettres classiques... zzzzzzZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ»

Quelques instants plus tard :

«Hé, Gégé ! C'est con, t'as raté le... Merde ! il s'est endormi et sa tête a violemment tapé dans le clavier ! Il a les touches incrustées dans le front, c'est marrant ! Bon, il en est où ? Lettres classiques : 46, lettres modernes : 80. Hum, son menton a déjà tapé sur la touche "envoi", donc ce qui est fait est fait. Il finira demain quand il aura cuvé. En attendant, on va le laisser roupiller sur son clavier, comme ça il ne nous gonflera pas.
- Hé, Paulot ! Tu viens ? On va entamer la bûche !
- J'arrive !!! Gégé est hors service, ça nous fera une part de plus !
- Génial ! N'oublie pas de fermer la porte de son bureau, sinon ses ronflements couvriront le bruit de la musique !
- Pas de problème ! Giggle bell, giggle bell...»


C'est la seule explication qu'on puisse trouver au fait que l'agrèg' de lettres classiques gagne six postes et celle de lettres modernes en perde dix...

jeudi 10 décembre 2009

Lendemain de soirée

«Ooooohhh... Quoi ? Ah, oui, d'accord... Et il est quelle heure...? Seulement neuf heures ? J'aurais cru qu'il était plus tard, vu l'heure à laquelle je me suis couchée, hier... Enfin, non, ce matin, plutôt.

Pardon ? Euh, non, je n'ai pas faim... A vrai dire, j'ai passé la soirée à manger des trucs... des machins... salés... sucrés... Alors du thé, juste du thé, ce sera parfait.

La vache ! j'ai une sale tronche, quand même ! Heureusement que je n'ai pas l'intention de sortir aujourd'hui, je sens que je vais rester cloîtrée dans ma chambre. Ma tête ? Non, non, ma tête va très bien, merci. C'est grâce aux gènes, tout ça : bonne tenue à l'alcool, pas de gueule de bois le lendemain, donc opérationnelle.

Comment ça ? Bah oui, je suis fatiguée, sauf que j'ai du boulot à faire, moi, et que j'aurai autre chose à foutre ce week-end ! En plus je me suis fait refiler un exposé sur Platon et le mythe des races pour la semaine prochaine : je ne suis pas sûre de passer, mais vous pouvez être sûrs que, si je ne le fais pas, il y aura le temps et j'aurais encore plus l'air d'une glandue. Non, que je sois plutôt latiniste n'y change rien, c'est la partie du cours qui porte sur la littérature grecque, et, oui, c'est frustrant de ne pas pouvoir me montrer sous mon meilleur jour en faisant enfin quelque chose qui soit précisément dans mon domaine, mais que voulez-vous, c'est la vie... J'arriverai peut-être un jour à faire un truc trash sur les coucheries de Tibère...

Sur ce, je vous laisse : j'ai un foie à désintoxiquer au thé vert et du Platon à traduire devant un truc en streaming. C'est con, chez moi, le grec appelle très souvent la série ou le film débile à regarder en même temps. Ça date de l'époque où je révisais mes verbes en -μι (les verbes irréguliers) à Noël devant la trilogie des Sissi : très, très efficace. Mais ça laisse des traces...»

mardi 8 décembre 2009

Work in "progress"

Pfff... J'ai jamais vu quelqu'un d'aussi peu efficace que moi en ce moment...

J'ai pô envie de bosser, pô envie de me lever à une heure décente le matin, pô envie d'aller en cours, pô envie de manger équilibré, bref, j'ai pô envie (la preuve, c'est que je suis en train de rédiger une note de blog à midi passé, alors que j'ai cours à 14h à Nanterre). Tout ce qui me dirait, ce serait de passer mes journées au lit à bouquiner ou à jouer du piano ou à regarder des trucs débiles en streaming , tout en mangeant tout un tas de cochonneries (à tout hasard, celles qui remplissent depuis un mois les rayons du Monoprix d'à côté).

("Merry Christmas !", photo par Gadl ; source : FlickR)


Bref, je suis atteinte d'une crise de flemmingite aiguë, aggravée par une noëlite périodique, se manifestant en général en décembre et se traduisant par une Fatale Attraction pour tout ce qui est sapin, boules de Noël, panettone, marrons glacés, chocolats, etc. (en clair : j'ai besoin de vacances, ce qui tombe mal parce qu'il reste encore deux semaines à attendre).

Heureusement, demain soir, c'est la fête de Noël à mon étage d'internat : ça va me faire une bonne excuse pour passer l'après-midi à cuisiner ! :p

(Sapin devant Notre-Dame de Paris, photo par Fredpanassac ; source : FlickR)

lundi 7 décembre 2009

Le concours d'entrée à l'ENS Paris

J'avais promis un post sur le concours d'entrée à Ulm, je le fais, mais je précise tout de suite qu'il y a eu certains changements (ou, tout du moins, qu'il en a été annoncé) dans son organisation depuis que j'ai intégré (en 2006), donc il est possible que ce message ne soit pas tout à fait à jour.

Le concours d'entrée se divise en deux parties : tout d'abord des écrits, puis des oraux. Ne sont admis à passer les oraux que les 180 premiers environ à l'issue des écrits ; on dit donc qu'ils sont "admissibles". Il existe aussi une sous-catégorie, celle, précisément, des sous-admissibles, qui n'ont pas été pris pour les épreuves orales, mais dont les résultats étaient quand même suffisamment bons pour mériter d'être officiellement reconnu (c'est important, parce que ça permet ensuite d'être relativement tranquille pour les équivalences à la fac, surtout si vous avez khûbbé). Au final, ce sont les 75 premiers à l'issue des oraux (sachant qu'on ajoute les points des oraux à ceux des écrits) qui sont admis.

Malheureusement, comme dans tous les concours, la barre de sous-admissibilité (comme la barre d'admissibilité) dépend du niveau général de tous les candidats : s'il est mauvais, elle est basse ; s'il est bon, elle est haute. En gros, elle tourne autour de 7 ou 8, ce qui correspond plus ou moins à la moyenne des écrits. On raconte aussi qu'à peu près un tiers des copies ont entre 0 et 2, mais ça tient sans doute plus de la légende urbaine (à l'exception des copies des personnes qui écrivent vraiment comme des cochons et font des fautes d'orthographe tous les deux mots : quand on a deux cents copies à corriger, on n'a pas de temps à perdre, donc c'est "poubelle" de suite). Ceux qui aiment les statistiques chiffrées peuvent aller jeter un coup d'oeil aux rapports des jurys successifs, même, si, de mon point de vue, ça ne sert pas à grand chose.

Les écrits se composent de six épreuves : dissertation d'histoire (6h), de philo (6h), de français, (6h aussi), version de langue ancienne avec dictionnaire (4h), de langue vivante sans dictionnaire (3h), épreuve d'option (durée variable : dans mon cas, comme j'étais en lettres classiques, c'était version latine et court thème, en 5h, mais en histoire-géo, c'est une dissert' de géo en 6h ; pour les lettres modernes, commentaire de texte en 4h, si je me souviens bien).

On retrouve plus ou moins les mêmes disciplines pour les oraux : un sujet d'histoire à traiter, un sujet de philo, commentaire d'un texte de français, commentaire et un peu de traduction d'un texte en langue étrangère, traduction (sans dico cette fois) et commentaire d'un texte de langue ancienne, épreuve d'option (en lettres classiques, il y en a deux, dont on ne garde que la moyenne des notes pour ne pas être avantagé face aux autres candidats : traduction et commentaire d'un texte dans l'autre langue ancienne que vous n'avez pas choisie pour l'épreuve simple et la Terrible Epreuve d'histoire ancienne... où tout le monde se fait plus ou moins dégommer parce que presque personne n'a vraiment eu de cours à ce sujet ; en tout cas, ce n'était pas mon cas, du moins la première année).

Mon conseil de vieille routarde ayant la (très) fâcheuse habitude de se planter pendant ses oraux, c'est de, vraiment, bétonner vos écrits : vous ne savez jamais ce qui se passera ensuite (tout comme vous ne savez jamais si vous avez réussi ou raté vos écrits et, d'une manière générale, vos épreuves, oraux compris, donc pas la peine de vous torturer, une fois que c'est fait, c'est fait ; pensez à l'épreuve suivante, ce sera plus constructif ; et vous pouvez me croire, je vous le dis d'expérience : j'ai intégré avec des notes catastrophiques à mes oraux de philo et d'histoire) et ce sera déjà ça de gagné.

Par ailleurs, si jamais vous avez la chance d'être admissible et que vous vous trouvez à devoir choisir entre un sujet original, mais assez flippant à cause de ça, et un sujet archi-rebattu, donc plutôt rassurant, prenez le premier, sauf si vous êtes absolument sûr de faire une prestation géniale sur le second : on sera en effet plus indulgent et plus appréciatif de votre courage et de votre originalité, tandis que sur quelque chose de très connu, on vous attendra au tournant à la kalachnikov (je ne plaisante pas, ça m'est arrivé).

Ce sont finalement les seuls conseils que je puisse vous donner (à part, bien sûr, croyez en vous, nom de nom, même si vous n'appartenez pas aux Fameux Prépas Parisiennes ! Mais, ça, j'en ai déjà parlé ailleurs). Si vous avez d'autres questions (ou des remarques et des infos sur d'éventuels changements), laissez-les en commentaires et j'y répondrai.

Je songe aussi à faire un petit best-of de mes propres oraux, histoire de montrer, en se marrant un peu sur mon dos, que rien n'est jamais totalement désespéré ! :p

dimanche 6 décembre 2009

Petit Papa Noël...

Puisqu'on est à 19 jours de Noël (et pis aujourd'hui, c'est la Saint Nicolas - je mange à tous les rateliers :p), c'est le moment de faire ma lettre au Père Noël.

Donc :

"Cher Papa Noël,

j'ai été très sage, cette année, j'ai beaucoup travaillé, j'ai été reçue à l'agrèg et je n'ai même pas trop séché les cours (ceux sur Bonaventure des Périers et Bernanos ne comptent pas, ils étaient vraiment trop mauvais !). Depuis quatre mois, je bosse très beaucoup aussi sur mon sujet de master et même que je pense avoir trouvé une idée de thèse.

Alors je crois que j'ai droit à demander deux micro trucs pour mes petits souliers.

Primo : je voudrais le Companion to Greek and Roman Historiography. L'est beau, l'est neuf... l'est cher... :S



Secondo, éventuellement : le Dictionnaire étymologique de la langue latine d'Ernout et Meillet, que tout bon chercheur en littérature latine devrait avoir sous la main, même s'il ne donne pas de bibliographie à la fin de chaque article, comme son équivalent grec.



Voilàààààà !!!! Et si ce n'est pas possible pour Noël, mon anniversaire est en févrieeeeer !!! :p


Gros gros poutous,

Lina."

samedi 5 décembre 2009

Achats romains : guide archéologique de Rome de F. Coarelli, catalogue de l'exposition "Roma, la pittura di un impero".

Petite revue de mes achats romains.

Je suis revenue d'Italie en avion, donc il a fallu que je pense un minimum aux questions de poids (déjà que je ne pars jamais sans un certain nombre, et même un nombre certain, de livres...!), mais j'ai quand même cédé deux fois à la tentation. D'avance, je m'excuse pour les photos inversées : il n'est plus à prouver que je ne suis pas très douée en informatique et je n'ai pas réussi à les retourner...

Premier achat, donc : Le Guide archéologique de Rome de Filippo Coarelli.



Ce guide est ze must to have, bien qu'il commence déjà à être vieux, puisque sa première édition date de 1974 (on en est à la sixième). Il n'empêche qu'il est très bon scientifiquement parlant pour tout ce qui est topographie de la ville de Rome, au point que c'en est, finalement, un guide assez frustrant pour les touristes "de base". Coarelli y fait en effet allusion aux diverses hypothèses de localisation de tel ou tel monument, parfois sans trancher ; donc si vous avez absolument de besoin de certitudes (du genre : "ici, à cet endroit précis du forum, ces ruines sont le temple de ****"), ce n'est pas exactement le genre de guide que je vous conseillerais. Par contre, si vous faites de l'histoire, de l'archéologie ou que vous avez besoin d'informations scientifiques solides, jetez-vous dedans, il est génial et, en plus, il est plein de plans et de photos. L'intro est très bonne, aussi.


Second achat : le catalogue de l'exposition "Roma : la pittura di un impero", qui se trouve actuellement aux Scuderie del Quirinale, jusqu'au 17 janvier.



Franchement, elle est assez bonne (d'où l'achat du catalogue). Elle est très riche, les peintures sont magnifiques et c'est fascinant de se retrouver face à des fresques qui faisaient partie de la vie quotidienne de Romains (ou pas, parce que la dernière section, sur les portraits, contient un certain nombre de ceux du Fayoum).

Deux bémols, cependant. Le premier concerne la scénographie : les peintures d'un côté de la salle, les textes explicatifs de l'autre, c'est une bonne idée, mais ces derniers sont trop longs et (ceci entraînant sans doute aussi cela) trop répétitifs parce que trop descriptifs ; il aurait été notamment intéressant de parler également des techniques picturales.

Second bémol : la thèse générale de l'exposition, qui donne lieu à quelque chose d'assez curieux. Lorsqu'on entre dans l'expo, on est accueilli par un long texte expliquant que la peinture romaine est l'héritière de la peinture grecque et que, la seconde ayant disparu corps et biens, la première permet d'avoir une idée de ce qu'elle pouvait être. Cette thèse est relativement fragile, du point de vue scientifique, ne serait-ce que parce que, étant donné qu'on n'a plus rien de la peinture grecque, il est impossible d'affirmer avec certitude qu'il y a un lien de continuité et d'imitation entre celle des Romains et elle.

Ceci dit, toute l'équipe qui s'est chargée de cela ne devait pas être d'accord là-dessus, parce qu'ensuite, à l'intérieur des salles, il n'y est plus du tout fait question (et pour cause !), d'où mon "quelque chose d'assez curieux" : ou on assume jusqu'au bout une thèse et on la démontre au sein de l'expo ou on ne la mentionne pas, et surtout pas au tout début de l'expo qui plus est.

Malgré cela, elle est vraiment très bien et, je le redis, les peintures sont magnifiques et tout à fait saisissantes.

Pour ceux que ça intéresse, le catalogue contient des contributions d'Andrew Wallace-Hadrill, Eugenio La Rocca (qui est le commissaire de l'expo), Serena Ensoli (participante), Barbara Borg, Stefano De Caro, Paul Zanker, Massimiliano Papini (participant), Stefano Tortorella (participant), Jas Elsner, Barbara Bianchi.

Et si vous voulez un avis romain sur la peinture antique (et l'art de l'Antiquité en général), vous pouvez lire les livres XXXV et XXXVI des Histoires naturelles de Pline l'Ancien, qui portent respectivement sur la peinture et la sculpture (je ne vous les ai trouvés que sur Perseus : livre XXXV en latin, traduction en anglais ; livre XXXVI en latin, traduction en anglais).

vendredi 4 décembre 2009

Jour 5 : fin d'une semaine de merde

Bon, comment résumer ma journée ?

Après avoir survécu à l'Apocalypse (pas d'électricité, donc : pas de lumière, pas de réveil, pas de radio, pas d'eau chaude, pas de bouilloire, pas d'internet, pas de batterie d'ordi, pas d'imprimante, pas de piano, rien ; z'auraient quand même pu choisir une saison où il fait AU MOINS jour à 6h), j'ai passée une journée bibliographique qui s'est terminée par la fermeture à la Bnf.

Pour être plus précise, après avoir failli tomber en panne de batterie (mais je l'avais prévue, celle-là : retour au système papier-stylo pour les quarante dernières minutes), j'ai précisément fini de lire mon article au moment où retentissait l'annonce "Mesdames, Messieurs, dans un instant, les salles de lecture vont fermer, nous vous prions de rendre vos documents et de regagner la sortie".

J'ai mis mon manteau au son de "Mesdames, Messieurs, dans un instant, la bibliothèque va fermer, nous vous prions de regagner la sortie".

Je suis arrivée chez moi à 21h. Chouette.

Heureusement, demain, c'est samedi.

jeudi 3 décembre 2009

Jour 4 : la série continue.

Aujourd'hui, fameuse journée à la Bnf et, comme d'habitude, la Poisse m'a poursuivie.

Déjà, en y allant, j'ai dû faire demi-tour une fois pour récupérer ma bibliographie, puis une seconde fois, alors que j'étais déjà sortie de l'internat, parce que j'avais oublié ma carte d'il y a un an (vu que j'avais été plus ou moins soumise à la Question, je ne voulais pas risquer de me faire renvoyer illico dans mes pénates pour une connerie).

En fait, l'accréditation s'est bien passée : je suis tombée sur une dame très gentille, qui m'a appris notamment que 1) l'histoire du formulaire de pré-accréditation sur internet avait juste pour but de faciliter les choses et 2) que beaucoup de personnes oubliaient la fameuse lettre d'accréditation. Quand je pense à combien j'étais angoissée et catastrophée hier, à l'idée qu'elle ne soit pas tamponnée en bonne et due forme par la fac...

Je pensais donc que tout fonctionnait comme sur des roulettes, mais c'était compter sans ma scoumoune bnfesque. Je descends (intense moment d'angoisse), je m'installe, je commence à essayer de commander les documents dont j'ai besoin.

Je trouve le premier sans aucun problème ; le second n'apparaît nulle part. Ou, plutôt, si, il apparaît, mais jusqu'à 1999. De quelle année ai-je besoin ? Euh... 2001. C'est marrant, ça me rappelle quelque chose... Ah oui, c'est ça ! A Ulm, ils ont toute la collection jusqu'en... 2000. Comme a dit la copine qui m'accompagnait, c'est franchement pas de pot.

Bon, je finis par me dire que je verrai ça plus tard et je retourne à ma place. En attendant, je finis de recopier mes notes de mardi, puis je continue Tibère... Au bout d'une demi-heure, je vais à la banque de communication des documents : "Ah, non, désolée, il est encore marqué : "à prélever" - Ah bon ? Pourtant, ça fait déjà une demi-heure. - Alors ne vous inquiétez pas, il va bientôt arriver."

Je retourne à ma place, me replonge dans Tibère, oublie le temps. Quand je relève le nez, une autre demi-heure est passée. Je retourne à la banque de communication. "Ah, non, je suis désolée, il est toujours marqué "à prélever". - Vous plaisantez, là, ça fait presque une heure, maintenant. - Eh bien, il doit y avoir un problème. Ecoutez, je vais aller voir et on vous préviendra quand il sera arrivé."

Résultat : c'est seulement au bout d'une heure et demie que j'ai pu avoir ma revue et l'article que je devais consulter s'est révélé composé de quarante pages en italien... Au bout d'une heure et demie, j'étais tellement affamée que je m'endormais sur mon bouquin. Ma copine rentrait et je n'avais pas envie de demander une sortie temporaire (on vous accorde royalement une permission de deux heures pour déjeûner dans un quartier où il n'y a que des businessmen et dont les endroits pour manger archi chics sont résolument hors de prix ; même un simple sandwich coûte les yeux de la tête), alors je suis rentrée avec elle, mais, du coup, je suis condamnée à y retourner demain, en fin d'après-midi, après la paléo. Je suis partie pour bosser de 17 à 20, dans la joie et la bonne humeur...

Mais bon, voyons le bon côté des choses : j'ai maintenant le fameux sésame et ma relecture de Tibère est désormais finie...

mercredi 2 décembre 2009

Jour 3 : Galérathon

Comment vous dire...? Vous voyez ces journées où toutes les tuiles s'accumulent ? Eh bien c'est celle que j'ai eue aujourd'hui.

La matinée n'était pourtant pas mal : j'ai fini Auguste, commencé Tibère, recopié les notes que j'ai prises au colloque d'hier (oui, je sais, j'aurais mieux fait de les prendre directement sur ordinateur : c'est une étape que je n'ai pas encore franchie, mais ça va venir, parce que ce petit divertissement me fait perdre du temps).

A partir de midi, galère.

D'abord, en rentrant des courses, je tombe sur une affiche sur la porte d'entrée : "En raison du remplacement d'un transformateur, nous vous annonçons qu'il y aura une coupure d'électricité générale vendredi 4 de 6h à 8h". Ooooh...!!! Comme cet horaire est bien choisi ! C'est vrai que ce n'est pas du tout le moment où les gens ont besoin d'entendre leur réveil sonner, prendre leur douche, petit-déjeûner, tout ça à une période de l'année où, précisément, il fait NOIR, maintenant, de 6 à 8...! Et c'est qui qui doit se lever à 6h le vendredi...? C'est Bibi !!!

La série noire continue ensuite sur le plan de la cuisine : tous les mercredi, nous faisons un repas commun que chacun prépare à tour de rôle. Cette semaine, c'est moi et comme je n'avais pas d'idée de recette, je m'en suis fait conseiller une. Une vraie réussite, je dois l'avouer : non seulement j'ai réussi à repeindre presque intégralement les murs de la cuisine en fouettant le mélange avec le batteur électrique de mon voisin (tout ça pour un truc qui n'a pas monté d'un pouce), mais en plus le mélange en question s'est révélé tout bonnement dégueulasse. Immangeable. Ruée sur les oeufs vendus à Monop' pour se rabattre sur un gâteau au yahourt ; grosse grosse perte de temps et quand j'essaie de profiter des quarante petites minutes qui me restent avant de devoir partir pour Paris X, la perceuse se met de la partie.

Donc, après-midi très peu productif (sauf en terme de peinture des murs de la cuisine), qui se termine sur le cours de mon directeur à Nanterre. La semaine dernière, je lui avais confié la lettre de recommandation à faire pour la Bnf ; il devait me la rendre aujourd'hui ; il avait oublié. Mais bon, c'était ma faute, aussi, j'aurais dû le lui rappeler hier ; aussi j'avais prévu la Chose et préparé un autre formulaire, dûment rempli et n'attendant plus que la signature. Il s'exécute et c'est là que nous nous rendons compte qu'il faut un tampon. "Mais, je n'ai pas de tampon, moi ! C'est bête, vous me l'auriez dit avant, on serait passé au secrétariat ! Maintenant, tout est fermé." L'espace d'un instant, la perspective de me faire refouler juste pour un tampon me rend muette. Heureusement, mon chef en dégotte un dans son bureau. Halléluïa, je l'ai échappé belle.

Mais quand même, quelle journée de merde !

Demain, c'est Bnf, donc : je me demande ce qu'ils vont encore m'inventer...!

mardi 1 décembre 2009

Jour 2 : le marathon

Bon, je vous la fais courte, parce que je suis crevée et que je n'ai qu'une envie : retrouver mon lit, vous allez vite comprendre pourquoi.

Ce matin, après moultes hésitations hier, levée 6h pour pouvoir travailler un peu avant d'aller à la journée Quinte-Curce organisée à l'Ecole. Pas si dur de se traîner jusqu'à la douche, par contre le petit dèj' s'est fait à la vitesse d'un escargot ; du coup je n'ai pu accorder qu'une demi-heure à Augustinouchouchou : pas grave, j'ai noté les idées que je n'avais pas le temps de développer, je ferai ça demain.

Puis départ pour ralliement de l'Ecole à pied. Oui, je sais, je suis chtarb', mais je mettrais le même temps en bus et vous avez déjà testé le Rer B aux heures de pointes ? Je considère que pouvoir respirer (pour se remplir les poumons de pollution) et avoir un minimum d'espace vital vaut une petite marche de trois quarts d'heure. Et puis ça me fait faire du sport. Mens sana in corpore sano.

Dans la matinée, colloque. Aucun latiniste de ma connaissance jusqu'à 10h, prends des notes avec application. C'était très intéressant, même si c'est toujours paradoxal de voir des enseignants-chercheurs lire leur papelard : certains s'en tirent bien, d'autres moins, surtout quand l'heure tourne et qu'il faut se presser. J'ai été obligée de m'esquiver juste avant le début de la dernière allocution de la matinée : ils avaient pris trop de retard et c'était ça ou renoncer à déjeuner. Comme ma mère m'a inculqué un certain nombre de réflexes de survie, j'ai (plus ou moins) filé à l'anglaise.

Sandwich acheté rapido presto et mangé tout aussi en vitesse dans le Rer. Finalement, j'avais une demi-heure en avance : si j'avais su, j'aurais écouté la dernière intervention. Tant pis. De toutes façons, je ne pouvais vraiment pas me permettre de rater ce cours ou d'y arriver en retard : la prof en fait six ; je n'ai pas pu assister aux deux premiers ; rater aussi le troisième, ça commence à faire ( à faire mauvais genre, surtout, en particulier si je veux continuer dans cette fac l'an prochain).

Après le cours, retour dans le Vème. Re-demi-heure de boulot à la bibli (décidément, j'ai eu du mal à dépasser la demi-heure aujourd'hui ! Mais, vu le programme, c'était déjà pas mal), sur un article à lire. Puis paléo. Puis dîner chez mon grand-oncle et ma grand-tante.

Viens de rentrer. Suis crevée. Dodo.

lundi 30 novembre 2009

Tornata dall' Italia, molto lavoro previsto !

Salve !

Afin de me faire pardonner de ne rien avoir posté la semaine dernière pour cause de week-end élargi en Italie (Bononiae-Romae-Bononiae, mais surtout Romae ; vivent les locatifs ! :p), je vais essayer de poster des brèves tous les jours de celle-ci : elle s'annonce dense (colloque, cours, mémoire, visite à la Bnf : j'en sue d'angoisse d'avance...!) et mon mémoire est en train de dépasser le stade "lecture/prise de notes sur l'oeuvre - sondages bibliographiques plus ou moins dans le vague", qui est difficilement racontable, parce qu'assez répétitif (deux articles, ça va ; trois articles, bonjour les dégâts !).

Cet après-midi, par exemple, une fois arrivée dans mes pénates depuis l'aéroport, j'ai réglé son compte à la Vie d'Auguste. J'ai déjà lu tous les Douze Césars en latin, je le relis désormais en français pour vérifier que je n'ai rien raté et voir comment mes deux versions françaises traduisent tel ou tel passage (pour l'usage du conditionnel, notamment : ce n'est pas la même chose que d'écrire "on dit que Tibère aimait beaucoup la chair fraîche" et "on dit que Tibère aurait beaucoup aimé la chair fraîche" :p ; en latin, le conditionnel dans le discours indirect s'exprime avec une structure un peu compliquée, donc il peut y avoir un vrai choix de la part du traducteur).

Ensuite, j'ai repris toutes les occurrences que j'avais relevées et je les ai entrées dans mon maGnifiK Taaaableau sous l'équivalent NéoOffice d'Excel, ce qui me permet à chaque fois de me rappeler combien mes cours de "maths-informatique" de première L sont loin... et de me promettre à chaque fois de les ressortir du placard dès le prochain week-end chez ma mère. :p

J'essaie de voir si je peux tirer quelque chose du nombre de ces occurrences, en chiffres absolus et en pourcentages : par exemple, les dernières Vies présentent moins de références à des sources précises, donc on peut s'attendre à ce qu'elles comportent plus de rumeurs ; ce n'est pas le cas en chiffres absolus, mais comme elles sont aussi moins développées que les premières, quand on passe en pourcentages, ce sont effectivement elles qui ont les plus hauts. Par contre, ce qui est étonnant, c'est que c'est la Vie de Titus qui remporte le gros lot, alors qu'elle est, de loin, la plus positive, au point qu'on a parfois parlé de panégyrique (même si, pour avoir bossé sur les panégyriques pendant deux ans pour diverses raisons, je peux vous dire que la lèche de Suétone est beaucoup moins appliquée que celle de Pline le Jeune ; mais c'est vrai que Titus était mort lorsqu'il a écrit, tandis que Trajan, lui, était bien vivant).

J'arrête là-dessus avec mes histoires de chiffres, surtout que, comme tous les chiffres, ils ne valent rien s'ils ne sont pas interprétés et, pour le faire, il faut travailler sérieusement sur le texte, ce qui est quand même la base de ce que je fais. Je reprends donc à nouveau mes notes, pour voir ce que je peux en tirer, sur cette Vie en particulier, celles des autres Césars en général, l'oeuvre tout entière en encore plus général. C'est lent, au début on ne sait pas par quel bout le prendre, ça prend du temps, mais c'est aussi passionnant, parce que tout se met en place petit à petit.

Si je pouvais avoir fini toute cette relecture avant Noël, ce serait parfait, mais je n'y crois pas trop : je n'ai fini que César, je suis seulement au milieu d'Auguste et il m'en reste encore dix comme ça derrière, même s'ils sont de moins en moins développés. Le but est donc d'en faire le plus possible, mais la journée de demain ne sera pas productive du tout : journée Quinte-Curce le matin, cours à Nanterre l'après-midi, puis retour à Ulm pour cours de paléo ou suite de la journée, je ne sais pas encore. Et, comme je mange chez des parents le soir, la soirée ne sera pas fructueuse non plus.

Mais bon, sait-on jamais !

Pourquoi j'aime Rome :



D'habitude, je ne prends pas de photos (les mots sont toujours mieux pour faire passer les choses et je déteste les séances photos des gens qui rentrent de voyage ; mais je changerai très certainement d'avis quand j'aurai des cours à illustrer), mais là, ça se passe commentaires, je pense.

La photo du centurion devant la fontaine de Trévi est floue parce que ce coglione n'arrêtait pas de bouger : les fins de journée sont dures aussi pour les figurants...!

dimanche 22 novembre 2009

La brève du dimanche matin : le CNRS, première place au classement Scimago !

Personne n'en parle, mais le CNRS est classé premier par le Scimago, organisation espagnole d'évaluation des organismes de recherche !

Cela vaut d'autant plus la peine de le signaler que ce classement se fonde sur des critères beaucoup plus complets, concrets et réalistes que, par exemple, la fameux classement de Shangaï (que tout le monde critique à qui mieux mieux, mais sans en proposer d'autres, qui constitueraient des alternatives).

Si ça vous intéresse, vous pouvez le télécharger ici. Le comité "Sauvons la recherche" en a aussi fait un compte-rendu intéressant. Pour un point argumenté sur le classement de Shangaï, allez faire un tour ici.

Ne cherchez pas l'ENS, elle est en 495ème position... Mais ce n'est pas étonnant, vu que sa principale fonction est de former les gens : c'est lorsqu'ils sont sortis que, en général, ils commencent à publier (donc sous le nom d'une autre institution) et les profs ne sont pas suffisamment nombreux pour concurrencer les facs en nombre de publications. C'est injuste (d'où la supplique de Monique, à ma conférence de rentrée des conscrits : "Je vous en prie, quand vous écrirez des articles, pensez à nous et ajoutez "ENS" au nom de la fac où vous serez ! C'est quand même nous qui vous aurons formés !"), mais c'est comme ça, même si on pourrait militer pour que la formation des étudiants, qui seront ensuite à leur tour chercheurs, soit également prise en compte.

On peut quand même se demander pourquoi personne n'en parle (personnellement, je l'ai appris dans le "Canard enchaîné"). Peut-être parce que cela représente un cinglant démenti aux contre-vérités assenées par Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse ?

samedi 21 novembre 2009

Chronique parisiano-centrée (désolée pour les autres...)

Alors c'est l'histoire d'une fille, elle veut aller à la gare d'Austerlitz et elle sait dès le début que ça va être galère.

Depuis deux ans, c'est simple : elle prenait la 4 et changeait à Odéon pour prendre la 10 (pour les non-parisiens, le plan interactif de la Ratp peut être éclairant) : neuf stations, puis cinq, un seul changement ; ce n'était pas compliqué et ça permettait de bouquiner pendant le voyage.

Oui, mais depuis début novembre et jusqu'à la fin décembre, les quais de la ligne 4 sont fermés à Odéon pour cause de rénovation, donc "les trains ne marquent pas l'arrêt" (à lire avec une voix d'hôtesse de l'air ne ressemblant pas du tout à celle des annonces dans le métro, qui écorche l'oreille et est souvent incompréhensible ; depuis que je l'ai vécu à New York, à chaque fois que ça arrive à Paris, j'ai une pensée pour les étrangers perdus). D'où mise en place d'un Itinéraire Alternatif : 4 jusqu'à Denfert, puis 6 jusqu'à Place d'It', puis 5 jusqu'au Saint Graal Ferroviaire. C'est la plaie dans les escaliers avec ma grosse valise, je ne peux pas travailler (pas assez de stations entre les changements), mais bon. Deux mois, ce n'est pas la mer à boire, finalement.

C'était compter sans la Ratp, qui m'a réservé un chien de sa chienne pour cet après-midi : d'abord, elle m'a fermé samedi et dimanche toutes les stations de la ligne 4 entre Saint-Michel et porte d'Orléans. Donc plus moyen de récupérer Denfert comme d'hab'. Mais j'avais un plan de secours : tram jusqu'à Cité U, Rer B, changement à Saint-Michel pour prendre le Rer C.


("Les sardines ont de la chance", photo par ~Thanh ; source : FlickR)


Entre alors en compte la loi des emmerdements maximum : arrivée sans trop d'ennuis à Cité U, le train du Rer B reste désespérément à quai ; les gens, croyant être là juste à temps, se dépêchent de monter, la place se réduit de plus en plus, l'atmosphère devient irrespirable. Je commence à craindre le pire : la dernière fois que ce genre d' "amusement" m'est arrivé, le chauffeur a fait une annonce pour dire que, finalement, le train ne prenait pas de voyageurs et qu'il fallait donc que tout le monde redescende sur le quai pour monter dans le suivant, déjà bondé à l'arrivée ; la raison : des p'tits malins avaient trouvé futé de descendre sur les voies, histoire d'explorer les tunnels et de gonfler les malheureux qui, eux, ont autre chose à foutre. Cette fois-là non plus, ça n'a pas raté, message du conducteur : "Bon, en raison de personnes sur les voies, on va aller jusqu'à Denfert et ensuite, euh... on verra si on peut continuer". Tout le monde sort et se dirige vers le métro, qui s'annonçait d'avance aussi accueillant qu'une boîte à sardines surpeuplée.

Résultat, marche jusqu'à Port Royal (heureusement que j'aime ça et que j'ai l'habitude d'aller à pied à l'ENS), puis bus 91. Train raté (mais bon, on avait déjà fait une croix dessus), attente du suivant, une heure après.

Qui a dit que j'ai la scoumoune en ce moment...?

Je prends l'avion pour l'Italie jeudi prochain, je rentre le lundi suivant en matinée et j'ai appris que deux syndicats de pilotes avaient posé un préavis de grève précisément à partir de ma date de retour. Ok, ils sont minoritaires, mais s'il n'y a qu'UN avion annulé, devinez lequel ce sera...?

Ce doit être une question de karma.

jeudi 19 novembre 2009

Une lettre d'amour

Technocrate mon amour, tu sais que je t'aime...?

Grâce à toi, il est 13h37 et je sais déjà que mon après-midi est (plus ou moins) foutu en l'air. Mieux : mon mémoire va prendre au minimum deux semaines de retard à cause de tes conneries.

Alors, vraiment, merci d'avoir décidé de regrouper une partie des collections universitaires au même endroit (qui n'est pas la Bnf). Et, surtout, merci d'avoir choisi, pour implanter ton Centre Technique du Livre de l'enseignement supérieur (CTLes ; à propos, pourquoi "enseignement supérieur" n'a soudain pas droit à des majuscules ?) ce village (dont je ne doute pas qu'il est magnifique) de Bussy Saint Georges, près de Marne la Vallée! C'est si pratique d'accès (RER A, puis bus 44) ! Et puis comme ça, en sortant, tout le monde ira faire un tour chez Mickey ! Tu crois qu'ils font des réductions spéciales chercheurs en université ? Si ce n'est pas le cas, ça ne saurait tarder !

("Mickey Mouse vinyl" photo par Ikayama ; source : FlickR)


Non, je déconne, j'ai vaguement compris qu'il serait quand même possible de consulter les Magnifiques Ouvrages que contiendront tes Tout Aussi Magnifiques Armoires Métalliques sans se déplacer sur place : il faudra faire une demande de "communication différée sur demande faite à l’avance des cotes transférées au CTLes" (là je cite le jargon officiel délivré sur le site de la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne - à ne surtout pas confondre avec la bibliothèque de la Sorbonne tout court, malheureux !).

Technocratinou d'amour, mon lapin, tu as déjà mis les pieds à la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne ? Non, bien sûr ! Donc tu ne sais pas quelle galère c'était déjà pour se faire communiquer un document en magasin, le temps infini qu'il fallait attendre, les gens pas sympas qui ne prennent pas la peine de t'expliquer la procédure (ils t'ont filé une brochure qui n'explique rien du tout, mais te donne tous les renseignements sur l'Histoire du Lieu, ça devrait te suffire, non ?!) et ses tables et chaises en bois qui te collent des bleus aux genoux et te donnent mal aux fesses au bout d'une heure, même avec un postérieur aussi rembourré que le mien...

Tu imagines ce que ce sera quand il faudra EN PLUS demander à faire venir À L'AVANCE des volumes contenus DANS UN AUTRE ENDROIT ? Pire : EN BANLIEUE ???!!! Sur le site, ils ne donnent même pas de date d'estimation de la fin de ce déménagement ! Je fais comment, moi, en attendant ? Et encore, heureusement que j'ai pensé, avant de partir, à vérifier que tout était ok là-bas, sinon je me serais déplacée pour rien !

Alors tu vois, je pense que, malgré mes tendances Bnfophobe (dont les manifestations sont proches de la claustrophobie, alors que je ne souffre pas de cette dernière), je vais tenter de déjouer un autre de tes Pièges Technocratiques et d'avoir accès aux salles de Rez-de-Jardin, les seules où je puisse désormais consulter ce dont j'ai besoin.

Alors encore merci pour ses (minimum, parce que j'en crains trois) deux semaines de retard.

Maintenant, tu as exactement trois secondes pour prendre tes jambes à ton cou, faute de quoi ce sera ma main dans ta figure (oui, des recherches bibliographiques contre-carrées au moment où l'on croyait voir le Bout du Tunnel peuvent provoquer des pulsions violentes), histoire de t'apprendre que, derrière tes chiffres et tes statistiques, il y a de vraies gens, que tu emmerdes très concrètement.

Ensuite, j'essaierai de réprimer mon envie de pleurer et de trouver ce que je pourrais bien faire en attendant.

mercredi 18 novembre 2009

Visite à la BU de Nanterre

Je n'ai pas grand chose de palpitant à raconter en ce moment, pour la bonne raison que j'ai mis un coup d'accélérateur à mon master 2 en général et à mes recherches bibliographiques en particulier, et que je n'ai rien à dire, à part me plaindre encore de ne pas trouver cette ###§§§§§!!!!!!!!!! de revue espagnole avec un homonyme italien, qui n'est même pas à la BNF (enfin, si, ils ont le numéro 7, mais pas le 8, dont j'ai précisément besoin ; pour info, j'ai lâché l'affaire avec les Russes), ce que j'ai déjà fait ici en long, en large et en travers.

Je vais donc continuer ma revue des bibliothèques, puisque j'en ai déjà fait pas mal (en plus, demain, il faut que j'aille à celle de la Sorbonne : ceux qui y ont déjà mis un pied sont compatissants ("bon courage : c'est la seule bibliothèque où j'ai toujours eu un mal de chien à avoir un document", m'a dit hier un camarade nanterrien) ; ceux qui n'y ont jamais mis les pieds le seront bientôt, quand j'aurai publié un billet sur ma visite d'aujourd'hui).

Aujourd'hui, je suis donc allée faire un tour à la BU de Nanterre, où j'avais déniché une revue présente absolument nulle part (comprendre : dans aucun autre endroit où elle me serait facile d'accès ; comprendre : pas à la bibliothèque d'Ulm, donc ; mais, pour info, elle n'était pas à la Sorbonne non plus). J'ai rapidement compris pourquoi : la série d'articles sur la rumeur qu'elle contenait tenait plus de la causerie au coin du feu que du travail scientifique et même si Marcel Detienne m'a donné un bon aperçu de ce qu'évoque le mot "rumeur" dans la pensée grecque, ça n'avance pas du tout mon schmilblick romain.

Reste donc que j'ai passé deux heures à la BU, dans un cadre assez agréable, années 70/80. J'avais un peu l'impression d'être dans une sorte de réplique géante de la bibli où j'allais avec ma mère et mes frères quand j'étais petite. C'est d'ailleurs le problème de cette bibliothèque : les gens de l'admin' sont sympas, mais elle est immense ! Vous me direz "bah oui, c'est normal, c'est une BU" ; ouais, sauf que moi, la seule que je connaisse (plus ou moins), c'est celle de la Sorbonne, qui n'est pas aussi grande (mais qui a des étagères en bois et une salle très "tradi" : ça compense).

Je milite donc pour qu'ils mettent ici et là de jolis petits plans, parce que leurs vagues flèches indiquant la salle "Littérature et langages", c'est sympa, mais une fois qu'on y est arrivé, on a totalement oublié comment on fait pour retourner à l'accueil récupérer les bouquins qu'on a commandés ! «Bon, alors, j'ai monté un escalier, donc il faut que j'en descende un... Merde ! Je suis où ? Les panneaux m'indiquent la sortie, mais je fais comment pour trouver l'entrée ?"» C'est là où la carte "Vous êtes ici" m'aurait bien aidée... J'ai erré une bonne dizaine de minutes avant de retrouver la Voie.

Tout ça pour dix pages intéressantes, soixante pages pas utiles : la recherche biblio, parfois, c'est pô très gratifiant...

dimanche 15 novembre 2009

Aperçu de l'univers des "Après"

Hier soir, avec des amis, je suis allée voir Lorenzaccio, monté par la troupe des archicubes, i.e. des anciens élèves de l'Ecole.

Petit point de jargon ulmien : les première année sont appelés "conscrits", ceux des années suivantes "vieux cons" (étant en quatrième année, je suis donc une très vieille conne) et ceux qui sont sortis de l'Ecole "archicubes" (ça, ce sera moi l'an prochain).

Il existe donc une troupe des archicubes qui monte des pièces de théâtre. Je n'y étais jamais allée jusque-là, d'abord parce que je n'étais pas au courant qu'elle existait, ensuite parce que, soyons honnête, j'avais aussi autre chose à faire.

Mais cette année, il avait transpiré au département et ailleurs que notre prof de latin, qui se trouve aussi être ma tutrice préférée, tenait un rôle dans la pièce. On est tombés sur l'affiche vendredi dernier et avons donc monté un plan pour y aller.

Je passe sur l'école privée catholique du VIIIème et sa salle à crucifix où avait lieu la représentation, ainsi que sur la pièce en elle-même (mise en scène pas mal du tout, interprétations assez inégales, sauf pour Alexandre, Lorenzaccio et le cardinal Cibbo - à ce propos, je dois dire que Christophe Barbier joue franchement bien).

Ce qui était surtout bizarre, c'était le public. Bon, on est d'accord que le VIIIème abrite une faune assez particulière (dans le métro, au retour, on était dans le même wagon qu'une troupe de blondinets de bonne famille tentant de jouer aux rebelles avec leur mèche au vent ; c'était d'autant plus marrant que, si on leur tordait le nez, il en serait sorti du lait :p), mais l'Ecole normale supérieure n'est quand même pas un tel Repère de Grands Bourgeois ! Là, nous étions manifestement en Très Bonne Compagnie ! Pour vous donner une idée, nous sommes arrivés en même temps qu'un père et ses trois fils (eux aussi blondinets, d'ailleurs - 'sont tous blonds, dans ce quartier ?), très classes, sandwichs Lenôtre à la main, et aux places juste devant nous se trouvaient... Jean-François Copé et sa femme...

D'un autre côté, on aurait pu s'en douter : quand j'ai cherché sur internet des précisions sur les tarifs, la pièce était signalée dans le bottin mondain en ligne (non, moi non plus je ne savais pas que ça existait).

A part ça, public plutôt normal (les Grands Bourgeois aussi sont des êtres humains ; il leur arrive même parfois de faire caca ! :p) : le petit vieux trois sièges à ma droite, qui a passé les vingt dernières minutes avant le lever de rideau à saluer des connaissances («Bonsoiiiir, très cheeeer (chèèèèère) ! Comment allez-vous ?» J'exagère à peine :p), s'est instantanément endormi quand les lumières se sont éteintes. Il semblerait que l'adage comme quoi tous les enfants sont les mêmes, quelle que soit la condition sociale de la famille où ils sont nés, s'applique aussi, dans une certaine mesure, aux personnes âgées...! :p

Je n'ai donc plus qu'une suggestion à faire à la troupe du théâtre de l'Archicube : pourquoi jouer dans le VIIIème ? Je me doute bien que c'est parce que c'est là que vous avez trouvé une salle et/ou parce que c'est un quartier que vous connaissez bien, mais pourquoi ne pas prévoir des représentations aussi à Sarcelles, par exemple ? Si l'Ecole normale supérieure est un peu ce qui reste de l'esprit des hussards noirs de la République et de la méritocratie républicaine (je sais, je suis une grande naïve ; d'un autre côté, ça a marché pour moi !), ce serait une bonne manière de promouvoir la culture et la littérature française, en se montrant dignes de nos Glorieux Prédécesseurs, non ? C'est peut-être gratifiant de prêcher des convertibles (no lapsus here), mais ça l'est plus de faire découvrir des textes à des gens qui ne les connaissaient peut-être pas !

Allez hop ! Le théâtre de l'Archicube hors les murs !

jeudi 12 novembre 2009

La prépa : mode d'emploi.

Sujet du jour : la prépa, passage obligé si vous voulez essayer d'entrer à Normale Sup', mais pas seulement.

On intègre les classes préparatoires aux grandes écoles sur dossier, déposé pendant votre année de terminale. Une des conditions nécessaires est bien sûr d'avoir le bac, mais attention, le dossier se fait avant le fameux examen terminal. Sont recrutés : les meilleurs élèves du lycée, ceux, en particulier, qui sont bons un peu partout. Pas forcément besoin d'avoir 18 de moyenne dans toutes les matières, surtout si vous postulez pour une prépa en province.

L'optique est généraliste : vous y retrouverez les matières de terminale, français, histoire, philo, langues vivantes et anciennes, géographie. Par contre, le rythme de travail est vraiment différent : versions, vocabulaire à apprendre, commentaires de textes dans toutes les langues, exposés, lectures... En fait, la principale difficulté, c'est que, avec plus ou moins le même nombre d'heures de cours qu'en terminale, on vous demande deux à trois fois plus de travail personnel... tout en vous mettant des DS le samedi matin et des colles dans les deux/trois heures de libre de votre emploi du temps.

La première année est donc souvent fatigante, mais, pas de panique, on commence doucement et ce n'est que progressivement que le rythme s'accélère (grosso modo, la vitesse de croisière est atteinte vers décembre, au moment du premier concours blanc). Même chose pour le travail personnel : au début, on a l'impression qu'on n'y arrivera jamais, puis on se rend compte avec étonnement que, ah, si, finalement, on y est arrivé (valable également pour la deuxième année).

Le tout est en fait de mettre en place des stratégies de travail et de savoir comment on fonctionne, en particulier quel type de mémoire on a, pour être le plus efficace possible. Si vous ne le savez pas encore, ce sera très vite le cas. Par exemple, je me suis rapidement rendue compte que j'apprenais nettement plus facilement mon vocabulaire latin (mais ça marche aussi pour toutes les autres listes de mots à se rentrer connement dans le crâne) en le répétant à haute voix, presque en le psalmodiant (vous voyez les gamins de certaines écoles coraniques qui répètent des sourates à voix basse en se balançant ? c'était moi, sauf que j'avais aussi une fâcheuse tendance à battre la mesure, avec un doigt, sur ma table, ce qui pose problème en CDI... :p). Vous travaillez mieux en groupe ? trouvez-vous des petits camarades qui ont le même "profil" et tout le monde en profitera.

La prépa est d'ailleurs souvent l'occasion de faire de belles rencontres et de comprendre ce que le mot "solidarité" veut dire (ne serait-ce que parce que, se payer tous entre trois et cinq à la première dissert' de philo, ça crée des liens... et ce n'est pas si traumatisant, même quand on a été dans la tête de classe pendant toute sa scolarité, parce que tout le monde est dans le même cas). Elle a par contre aussi le désavantage de vous mettre en décalage avec le Reste du Monde (seul quelqu'un qui s'est senti coupable à la seule idée de n'avoir pas mis à profit ses dix minutes de pause pour apprendre du vocabulaire anglais peut comprendre l'angoisse d'un préparationnaire tentant d'expliquer à ses potes que, non, il ne peut vraiment pas sortir samedi soir, sinon ce sera l'horreur la semaine prochaine). Quand on en sort, on a parfois un peu l'impression d'être un survivant, d'où quelques ricanements convulsifs lorsque quelqu'un de la fac crie à la Catastrophe parce qu'il n'a que trois semaines pour faire sa version latine...

Ceci dit, même quand on n'intègre pas l'ENS (ce qui est le cas d'environ 90 % des préparationnaires littéraires), ces deux, voire trois années ne sont jamais perdues. Sur le plan de la capacité de travail, les progrès sont souvent impressionnants, surtout lorsqu'on réintègre ensuite l'université. Ensuite, votre formation généraliste fait que vous avez beaucoup plus de références en tête que la plupart des étudiants (en lettres classiques, à la fac, le cursus ne prévoit pas d'histoire ancienne, par exemple, si les étudiants ne décident pas de l'étudier par eux-mêmes ; or il est parfois impossible de traduire un texte si l'on n'a pas un minimum de bases historiques derrière...). Désavantage là encore : vous aurez besoin d'un temps d'adaptation pour comprendre ce qu'on attend de vous (passer de dissertations en six heures à des dissertations en seulement trois heures rend un peu perplexe quant au résultat final à rendre...).

Maintenant, ce qui est intéressant, c'est aussi de bien choisir sa prépa. Répétons l'axiome archi connu, mais qui a malgré tout éternellement besoin d'être répété : ce n'est pas un lycée qui fait les bons élèves, ce sont les élèves qui font un bon lycée. Non, les prépas parisiennes, pour ce que j'ai pu en entendre raconter, ce sont pas un enfer sur terre (il y aurait une étude à faire sur les fantasmes scolaires suscités par Henri IV et Louis le Grand), mais elles n'ont pas non plus que des profs excellents et donc nécessairement bien meilleurs que ceux de province : il leur arrive aussi de se récupérer des brèles, dont, comme dans les prépas de province, on se demande comment elles ont fait pour échouer là.

Le vrai critère de choix d'une prépa, c'est vous. Si vous êtes persuadé que vous n'avez de chance que dans une prépa parisienne, demandez une prépa parisienne. Si vous n'avez pas envie de partir loin de chez vous, demandez-en une qui sera à côté. Si vous avez besoin d'être un peu "coucouné", demandez une prépa de province pas trop grosse. L'idée est la même que pour la méthode de travail : la meilleure tactique pour avoir de vraies chances d'intégrer et/ou de ne pas être totalement traumatisé par votre passage en prépa, c'est de choisir ce qui, à votre avis, sera le mieux pour vous. De l'utilité, parfois, des portes ouvertes et des discussions avec les élèves, en personne ou sur un forum.

C'est ici qu'intervient mon plaidoyer pro domo, parce que c'est bien gentil de vous dire cela, mais si j'avais intégré à partir d'une grosse prépa parisienne, je pourrais, sans doute à juste titre, être accusée d'hypocrisie. Or il se trouve que j'ai intégré d'une prépa de province, celle d'Orléans pour ne pas la nommer, et même, pire, que j'ai khûbbé là-bas (i.e. que j'ai refait une deuxième année, entre autres parce que j'étais, dès ma première tentative, admissible à l'ENS Paris - post à venir sur le concours, pas de souci).

Soyons clair : le problème des prépas de province, ce n'est ni leur taille, ni leur niveau, c'est le Complexe du Provincial. Personne, ni prof, ni élève, sous prétexte qu'ils enseignent ou étudient en province, ne croit possible d'intégrer une grande école. Facteur aggravant, mais qui découle aussi de cet état de fait : comme les élèves n'y croient pas, lorsqu'ils sont bons, ils se dépêchent de faire des pieds et des mains pour passer dans une prépa parisienne (qui se frotte les mains : Ducros n'a pas à se décarcasser pour les faire intégrer ; tout est déjà fait).

L'année où j'ai khûbbé à Orléans, tout le monde y croyait, profs et élèves. Résultat : trois admissibles (sur un effectif de quinze, ce n'est quand même pas si mal ; on est passés cinquièmes au classement national) ; une admise. Mais si on élargit, on se rend tout de suite compte de ce que les résultats de cette prépa pourraient être sur le papier : la première année où j'étais admissible (toute seule, cette fois-là), un élève qui avait fait son hypokhâgne (surnom de la première année) à Orléans, récupéré ensuite par Henri IV, a intégré du premier coup ; l'année d'après, donc, c'était moi ; l'année suivante, un élève qui est allé khûbber à Henri IV (admissible du premier coup l'année où j'ai été admise) a intégré lui aussi ; le garçon qui a khûbbé avec moi a été pris sur dossier comme étudiant (sera expliqué dans le post sur le concours ou dans un post ultérieur). Pas mal, non ? Et ça fait des années que c'est comme ça.

L'avantage d'une prépa de province en général et d'une prépa de taille relativement modeste comme celle du lycée Pothier d'Orléans en particulier, c'est son atmosphère "familiale" qui fait que vous n'êtes quand même pas totalement lâché dans la nature, ce qui n'est pas le cas lorsque vous êtes plus ou moins "noyé" dans une classe de soixante (au bas mot) élèves. Autre avantage : vous ferez nettement plus d'exercices ; corriger quinze copies prend moins de temps qu'en corriger soixante, donc on peut répéter plus souvent l'exercice. Evidemment, vu comme cela, ce n'est pas très réjouissant, mais si vous avez un peu de mal, c'est particulièrement efficace, il faut le reconnaître : c'est en se colletant avec des versions latines qu'on améliore son niveau de latin.

Donc, choisissez bien votre prépa, réfléchissez et, surtout, ne vous considérez pas comme des ratés si vous êtes en province : vous avez tout autant de chances que les parisiens, il suffit d'y croire !