jeudi 12 novembre 2009

La prépa : mode d'emploi.

Sujet du jour : la prépa, passage obligé si vous voulez essayer d'entrer à Normale Sup', mais pas seulement.

On intègre les classes préparatoires aux grandes écoles sur dossier, déposé pendant votre année de terminale. Une des conditions nécessaires est bien sûr d'avoir le bac, mais attention, le dossier se fait avant le fameux examen terminal. Sont recrutés : les meilleurs élèves du lycée, ceux, en particulier, qui sont bons un peu partout. Pas forcément besoin d'avoir 18 de moyenne dans toutes les matières, surtout si vous postulez pour une prépa en province.

L'optique est généraliste : vous y retrouverez les matières de terminale, français, histoire, philo, langues vivantes et anciennes, géographie. Par contre, le rythme de travail est vraiment différent : versions, vocabulaire à apprendre, commentaires de textes dans toutes les langues, exposés, lectures... En fait, la principale difficulté, c'est que, avec plus ou moins le même nombre d'heures de cours qu'en terminale, on vous demande deux à trois fois plus de travail personnel... tout en vous mettant des DS le samedi matin et des colles dans les deux/trois heures de libre de votre emploi du temps.

La première année est donc souvent fatigante, mais, pas de panique, on commence doucement et ce n'est que progressivement que le rythme s'accélère (grosso modo, la vitesse de croisière est atteinte vers décembre, au moment du premier concours blanc). Même chose pour le travail personnel : au début, on a l'impression qu'on n'y arrivera jamais, puis on se rend compte avec étonnement que, ah, si, finalement, on y est arrivé (valable également pour la deuxième année).

Le tout est en fait de mettre en place des stratégies de travail et de savoir comment on fonctionne, en particulier quel type de mémoire on a, pour être le plus efficace possible. Si vous ne le savez pas encore, ce sera très vite le cas. Par exemple, je me suis rapidement rendue compte que j'apprenais nettement plus facilement mon vocabulaire latin (mais ça marche aussi pour toutes les autres listes de mots à se rentrer connement dans le crâne) en le répétant à haute voix, presque en le psalmodiant (vous voyez les gamins de certaines écoles coraniques qui répètent des sourates à voix basse en se balançant ? c'était moi, sauf que j'avais aussi une fâcheuse tendance à battre la mesure, avec un doigt, sur ma table, ce qui pose problème en CDI... :p). Vous travaillez mieux en groupe ? trouvez-vous des petits camarades qui ont le même "profil" et tout le monde en profitera.

La prépa est d'ailleurs souvent l'occasion de faire de belles rencontres et de comprendre ce que le mot "solidarité" veut dire (ne serait-ce que parce que, se payer tous entre trois et cinq à la première dissert' de philo, ça crée des liens... et ce n'est pas si traumatisant, même quand on a été dans la tête de classe pendant toute sa scolarité, parce que tout le monde est dans le même cas). Elle a par contre aussi le désavantage de vous mettre en décalage avec le Reste du Monde (seul quelqu'un qui s'est senti coupable à la seule idée de n'avoir pas mis à profit ses dix minutes de pause pour apprendre du vocabulaire anglais peut comprendre l'angoisse d'un préparationnaire tentant d'expliquer à ses potes que, non, il ne peut vraiment pas sortir samedi soir, sinon ce sera l'horreur la semaine prochaine). Quand on en sort, on a parfois un peu l'impression d'être un survivant, d'où quelques ricanements convulsifs lorsque quelqu'un de la fac crie à la Catastrophe parce qu'il n'a que trois semaines pour faire sa version latine...

Ceci dit, même quand on n'intègre pas l'ENS (ce qui est le cas d'environ 90 % des préparationnaires littéraires), ces deux, voire trois années ne sont jamais perdues. Sur le plan de la capacité de travail, les progrès sont souvent impressionnants, surtout lorsqu'on réintègre ensuite l'université. Ensuite, votre formation généraliste fait que vous avez beaucoup plus de références en tête que la plupart des étudiants (en lettres classiques, à la fac, le cursus ne prévoit pas d'histoire ancienne, par exemple, si les étudiants ne décident pas de l'étudier par eux-mêmes ; or il est parfois impossible de traduire un texte si l'on n'a pas un minimum de bases historiques derrière...). Désavantage là encore : vous aurez besoin d'un temps d'adaptation pour comprendre ce qu'on attend de vous (passer de dissertations en six heures à des dissertations en seulement trois heures rend un peu perplexe quant au résultat final à rendre...).

Maintenant, ce qui est intéressant, c'est aussi de bien choisir sa prépa. Répétons l'axiome archi connu, mais qui a malgré tout éternellement besoin d'être répété : ce n'est pas un lycée qui fait les bons élèves, ce sont les élèves qui font un bon lycée. Non, les prépas parisiennes, pour ce que j'ai pu en entendre raconter, ce sont pas un enfer sur terre (il y aurait une étude à faire sur les fantasmes scolaires suscités par Henri IV et Louis le Grand), mais elles n'ont pas non plus que des profs excellents et donc nécessairement bien meilleurs que ceux de province : il leur arrive aussi de se récupérer des brèles, dont, comme dans les prépas de province, on se demande comment elles ont fait pour échouer là.

Le vrai critère de choix d'une prépa, c'est vous. Si vous êtes persuadé que vous n'avez de chance que dans une prépa parisienne, demandez une prépa parisienne. Si vous n'avez pas envie de partir loin de chez vous, demandez-en une qui sera à côté. Si vous avez besoin d'être un peu "coucouné", demandez une prépa de province pas trop grosse. L'idée est la même que pour la méthode de travail : la meilleure tactique pour avoir de vraies chances d'intégrer et/ou de ne pas être totalement traumatisé par votre passage en prépa, c'est de choisir ce qui, à votre avis, sera le mieux pour vous. De l'utilité, parfois, des portes ouvertes et des discussions avec les élèves, en personne ou sur un forum.

C'est ici qu'intervient mon plaidoyer pro domo, parce que c'est bien gentil de vous dire cela, mais si j'avais intégré à partir d'une grosse prépa parisienne, je pourrais, sans doute à juste titre, être accusée d'hypocrisie. Or il se trouve que j'ai intégré d'une prépa de province, celle d'Orléans pour ne pas la nommer, et même, pire, que j'ai khûbbé là-bas (i.e. que j'ai refait une deuxième année, entre autres parce que j'étais, dès ma première tentative, admissible à l'ENS Paris - post à venir sur le concours, pas de souci).

Soyons clair : le problème des prépas de province, ce n'est ni leur taille, ni leur niveau, c'est le Complexe du Provincial. Personne, ni prof, ni élève, sous prétexte qu'ils enseignent ou étudient en province, ne croit possible d'intégrer une grande école. Facteur aggravant, mais qui découle aussi de cet état de fait : comme les élèves n'y croient pas, lorsqu'ils sont bons, ils se dépêchent de faire des pieds et des mains pour passer dans une prépa parisienne (qui se frotte les mains : Ducros n'a pas à se décarcasser pour les faire intégrer ; tout est déjà fait).

L'année où j'ai khûbbé à Orléans, tout le monde y croyait, profs et élèves. Résultat : trois admissibles (sur un effectif de quinze, ce n'est quand même pas si mal ; on est passés cinquièmes au classement national) ; une admise. Mais si on élargit, on se rend tout de suite compte de ce que les résultats de cette prépa pourraient être sur le papier : la première année où j'étais admissible (toute seule, cette fois-là), un élève qui avait fait son hypokhâgne (surnom de la première année) à Orléans, récupéré ensuite par Henri IV, a intégré du premier coup ; l'année d'après, donc, c'était moi ; l'année suivante, un élève qui est allé khûbber à Henri IV (admissible du premier coup l'année où j'ai été admise) a intégré lui aussi ; le garçon qui a khûbbé avec moi a été pris sur dossier comme étudiant (sera expliqué dans le post sur le concours ou dans un post ultérieur). Pas mal, non ? Et ça fait des années que c'est comme ça.

L'avantage d'une prépa de province en général et d'une prépa de taille relativement modeste comme celle du lycée Pothier d'Orléans en particulier, c'est son atmosphère "familiale" qui fait que vous n'êtes quand même pas totalement lâché dans la nature, ce qui n'est pas le cas lorsque vous êtes plus ou moins "noyé" dans une classe de soixante (au bas mot) élèves. Autre avantage : vous ferez nettement plus d'exercices ; corriger quinze copies prend moins de temps qu'en corriger soixante, donc on peut répéter plus souvent l'exercice. Evidemment, vu comme cela, ce n'est pas très réjouissant, mais si vous avez un peu de mal, c'est particulièrement efficace, il faut le reconnaître : c'est en se colletant avec des versions latines qu'on améliore son niveau de latin.

Donc, choisissez bien votre prépa, réfléchissez et, surtout, ne vous considérez pas comme des ratés si vous êtes en province : vous avez tout autant de chances que les parisiens, il suffit d'y croire !

3 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'ai lu avec intérêt votre sujet. Je suis actuellement en Terminale S dans un lycée proche d'Orléans et j'envisage d'entrer en prépa AL au Lycée Pothier à la rentrée prochaîne. Mes professeurs de Lycée me conseillent plutôt Tours ou Paris. Que faire ?
    Mon adresse mail pour échanger. Merci
    meroline@sfr.fr

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  2. Je ne connais pas bien la prépa de Tours : de mon temps, il n'y avait pas de khâgne Ulm là-bas, seulement une hypokhâgne, leur khâgne Lyon n'était pas très motivée et ils visaient très clairement les IEP.

    Pour ce qui est de la prépa d'Orléans, je vais te dire ce que j'ai déjà plus ou moins dit dans cet article : elle est bonne, son problème est qu'elle se fait piquer ses bons élèves par Paris, bons élèves qui intègrent ensuite sans aucun problème, vu qu'ils auraient tout à fait pu intégrer depuis Orléans.

    C'est une prépa assez petite (deux classes d'une quarantaine d'élèves en première année ; ensuite la khâgne Lyon en a une trentaine, la khâgne Ulm entre quinze et vingt), mais, du coup, assez "familiale" : l'ambiance est bonne, les profs sont attentifs et ont toujours le temps d'écouter et d'essayer de trouver des solutions aux problèmes de chacun. Il n'y a donc pas de "traumatisme" dû au fait de se retrouver d'un coup tout seul dans une grande ville et une classe à effectif pléthorique.

    Autre avantage (pas très enthousiasmant au départ, je te l'accorde, mais quand même) : comme la classe n'est pas énorme, on fait plus d'exercices préparatoires, parce que les profs ont moins de copies à corriger ; on a donc plus d'occasions de s'entraîner, avec des DM ou des DS.

    C'est donc, finalement, le côté "matériel" qui doit t'amener à prendre ta décision ; la qualité de l'enseignement est exactement la même. Si tu penses avoir besoin de l'idée que tu es dans une prépa parisienne pour avoir une chance d'intégrer, alors va à Paris. Si tu penses que rester dans un environnement que tu connais sera mieux pour toi pour travailler (et tu vas vraiment beaucoup travailler, même si, en première année, on monte progressivement en puissance, donc pas de panique par rapport au rythme de terminale), alors reste à Orléans. Le fait que les parents soient là également pour écouter et assurer l'intendance aide beaucoup aussi, à mon avis.

    L'intégration, c'est aussi une question de tactique. Un de mes profs, lors de ma première khâgne, disait que c'était un tiers de travail, un tiers de sommeil, un tiers de chance.

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  3. (je continue dans un autre commentaire, le premier étant trop long...)



    Moi j'ai fait trois ans de prépa à Orléans. J'étais admissible dès la première année, j'ai khûbbé là-bas parce que je ne voyais pas l'intérêt d'une perte de temps par un changement de décor et que, surtout, la préparation était bonne.

    Pour te donner une idée, un exemple (parmi tant d'autres, parce que les profs ont vraiment été géniaux) : une de mes bêtes noires, c'était l'oral d'anglais : faire une sorte de commentaire composé en une heure, j'avais beau avoir un bon niveau de langue, je n'y arrivais pas. Résultat : à l'oral, la première année, j'ai eu 6,5. Ouïe. Quand je suis arrivée en khûbbe, je suis allée voir la prof (que je n'avais pas eue l'année d'avant, elle reprenait le porte de l'autre, qui était parti à la retraite) et je lui ai expliqué mon problème. On s'est mises d'accord pour que je m'oblige toute l'année à faire mes commentaires en une heure, même à la maison, que je lui rende systématiquement mon plan pour qu'elle me le corrige et, entre les écrits et les oraux, j'ai dû passer une bonne quinzaine de khôlles supplémentaires (avec un pic entre les résultats d'admissibilité et mon départ pour Paris : j'en passais une par jour). Au final, j'ai eu 14. Je crois que la progression parle d'elle-même... :)

    Et je pourrais aussi parler des profs de latin et de grec qui nous ont aidé, mon cokhûbbe et moi, en histoire ancienne, de la prof de français qui s'est mise en quatre pour régler mes problèmes d'analyse de sujet, etc.

    Maintenant, tu es différente de moi, donc c'est à toi de voir de quoi tu as besoin, en particulier de ce qui est peut-être le plus rassurant, et de décider en fonction de ça. Je ne peux pas faire le choix à ta place, mais, si tu veux vraiment intégrer, je peux te garantir que c'est possible depuis Pothiers : je l'ai fait. :)

    Et si tu te rends compte que ce que tu as choisi pour l'hypokhâgne n'est pas ce qui est mieux pour toi, que ce soit Paris ou Orléans, tu pourras toujours changer pour ta khâgne... :)

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