mercredi 30 juin 2010

Ça commence à devenir presque comique...

Je crois qu'au point où j'en suis avec cette histoire de bourse de recherche, si ça continue, je vais finir par en rire (jaune), tellement ça devient absurde.

Je vous avais laissés il y a un peu plus d'une semaine sur mes histoires de papier à faire signer pour ma candidature à Nanterre, tout en espérant très fortement ne pas avoir à déposer ce dossier grâce à un Miracle Normalien.

Miracle qui, hélas, trois fois hélas, n'a malheureusement pas eu lieu : j'avais envoyé un mail lundi dernier à la responsable des bourses à l'ENS sur le thème "dites, c'est demain la date limite pour Nanterre, alors si vous pouviez me dire, même officieusement, s'il y a déjà eu des désistements, ce serait choupinou, parce que ça fait plus de deux semaines que les résultats sont tombés, maintenant...". Réponse dans la journée : "J'ai bien conscience que vous êtes dans une situation très inconfortable, mais il n'y a eu aucun désistement pour le moment, donc, vraiment, déposez un dossier à Nanterre".

Je fais par conséquant l'aller-retour à Nanterre mardi matin, dépose mon dossier, apprends le lendemain que je suis retenue pour l'oral du vendredi midi. Le tout en consultant bien sûr frénétiquement mes mails sur mon adresse ENS, dans le fol espoir de couper à cet énième oral... Comprenez-moi : j'ai beau en avoir passé une bonne vingtaine à présent, je stresse toujours autant comme une bête, même si je suis assez bonne dans ce genre d'exercice ; du coup, si je peux me l'épargner, tant qu'à faire...

Mais, évidemment, pas de mail jusqu'à vendredi matin, donc direction Nanterre.

L'oral s'est assez bien passé, ce qui n'était pas gagné d'avance, parce que, pendant que j'attendais dans le couloir, j'ai entendu un membre de la commission s'exclamer (oui, oui, je sais, dans de telles circonstances, on n'entend jamais vraiment ce qui est dit et on se fait de fausses idées, mais quand même) : "Ah, oui, c'est la bourse pour rien ! Mais, oui, enfin, ce sujet a déjà été traité un millier de fois depuis des années !". Il faut savoir que les écoles doctorales regroupent des chercheurs de diverses disciplines, en l'occurrence des géographes, des ethnologues, des sociologues, etc., qui ne voient pas toujours l'intérêt de continuer à étudier l'Antiquité, en particulier quelque chose d'aussi "mort" que la littérature latine. Ce n'est pas le cas de tous, mais il y en a toujours quelques-uns (je précise qu'il y a aussi des antiquisants qui considèrent comme "vulgaire" et "commun" de faire de la sociologie ou de la géographie, ce qui est tout aussi idiot). Chouette.

J'ai quand même pris mon courage à deux mains en essayant de ne pas trop avoir l'air d'une victime allant à l'abattoir (après tout, rien ne peut être pire qu'un oral de médiévale) et j'y suis allée. Je pense les avoir intéressés, ce qui est déjà ça, en particulier lorsque j'ai parlé de l'aide certaine que m'apporteraient les études sociologiques sur la circulation de l'information, la tradition orale et l'opinion publique ; j'ai pu m'appuyer sur ce que j'avais fait en master 2 pour donner des exemples précis, je pense que c'était une bonne idée, surtout devant des gens qui ne sont pas nécessairement familiers avec l'Antiquité (je pense que, si j'étais à leur place, je serais totalement larguée devant un étudiant dissertant sur la théorie sociologique). Chef m'avait conseillé de me méfier de tout le monde, en particulier des miens, qui peuvent poser une question piège en voulant aider, mais je n'ai pas eu trop de problème de ce côté-là, peut-être parce que le résultat était sans doute déjà plus ou moins plié avant même que le vote ait lieu.

La décision finale devait être connue le soir même. Ne voulant pas passer la journée à poireauter à Nanterre, j'étais rentrée chez moi ; n'ayant pas eu de nouvelles, j'en avais conclu qu'ils avaient fini trop tard pour que la secrétaire soit encore là et avais décidé d'attendre lundi avant d'envoyer un mail. Comme vous devez vous en douter, je n'ai pas passé un week-end totalement serein. Heureusement que Chéri était là et qu'il y avait mon appart' à repeindre, ça m'a permis de penser à autre chose.

Et puis, dimanche, coup de fil de Chef, de retour de son colloque en Italie, qui me confirme que mon oral était bon (la représentante de l'unité où je serais rattachée lui avait envoyé un mail de compte-rendu)... mais que je n'ai pas eu de bourse, parce qu'ils ont considéré que j'avais déjà eu ma chance à l'ENS.

Lundi matin, mail officiel de la secrétaire de l'Ecole doctoral : "Malgré l'incontestable qualité de votre projet et de votre présentation orale, nous sommes au regret de vous annoncer..." etc., etc. J'ai un peu envie de dire : "Mais, bordel, puisque mon sujet est franchement bon, POURQUOI personne ne veut me donner de bourse ?!", mais je commence à comprendre dans la douleur que, dans l'univers universitaire, c'est loin d'être l'intérêt de la science qui prime (oui, je sais, je suis présomptueuse, mais je n'ai plus grand chose d'autre auquel me raccrocher, universitairement parlant, en ce moment).

Je me retrouve donc dans une situation que l'on pourrait résumer ainsi : l'ENS n'a pas voulu me donner une bourse de suite, malgré la très bonne évaluation de mon projet par un expert indépendant, pour des questions de quotas, et m'a donc mise deuxième sur liste d'attente en se disant que j'étais sûre d'en avoir une du second coup ou, au "pire", à Nanterre - sauf que, pour la première fois depuis que Normale est Normale, on arrive fin juin et il n'y a encore eu AUCUN désistement ; et l'Ecole doctorale ne m'en a pas donné non plus, parce qu'elle a estimé que j'aurais dû l'avoir du premier coup à l'ENS.

En bref : il y a donc manifestement quelqu'un qui, quelque part, passez-moi l'expression, a chié dans la colle et c'est moi qui, pour le moment, en fais les frais, en me trouvant dans une situation absurde. Quand j'ai envoyé un mail à ma tutrice pour lui annoncer l'échec de ma candidature nanterroise, elle m'a assurée que c'était sûr, que j'allais avoir une bourse à Normale, que les choses allaient bouger début juillet, mais, début juillet, ça commence demain et je vous avoue que je commence à sentir que la première année où il n'y aura eu aucun désistement tombera sur moi.

Finalement, dans cette histoire, je vous dirai que je n'ai qu'un regret : celui de ne pas avoir pu faire passer à la commission de Nanterre que cette bourse comptait vraiment pour moi et qu'elle avait peut-être même plus de valeur que celle de l'ENS, parce que, cette fois, c'était l'Ecole doctorale elle-même qui choisissait de m'accueillir ou non, au lieu d'une sorte de "parachutage". Evidemment, s'ils m'avaient attribué une allocation et que j'avais appris ensuite que l'ENS le faisait aussi, j'aurais renoncé à la leur, exactement pour les mêmes motifs qui les ont amenés à me la refuser : c'est dégueulasse de prendre une bourse à un étudiant quand on a la possibilité d'en avoir une ailleurs et lui non.

Etant donné que je m'attendais à des questions un peu sournoises, je pensais que j'allais en avoir une du genre "Mais mademoiselle, vous êtes normalienne, n'avez-vous pas demandé une bourse à Ulm ?". En fait, ce n'est pas du tout venu sur le tapis. Dommage : j'avais des choses à expliquer et je me retrouve finalement à le faire ici.

Sur ce, quand même, the show must go on !!! Après tout, je suis en vacances et je ne pars pas avant le 15 juillet, date où, de toute façon, si je n'ai rien, étant donné que les sous ne poussent pas sur les arbres et que, de toute façon, ceux-ci ne sont pas pléthore à Paris (les arbres, hein, pas les sous ! Enfin, ça dépend pour qui...), il me faudra me signaler à l'Education nationale pour avoir un poste à la rentrée prochaine.

Le mot d'ordre des jours (et peut-être des semaines) à venir est donc toujours le même : wait and see.

mardi 22 juin 2010

Quando res proferentur ?

Le problème avec le mois de juin, c'est que, pour peu que vous ayez réussi à rendre tôt, vous avez l'impression d'être en vacances et de pouvoir enfin ne rien faire de vos journées. Erreur : vos semaines vont en effet, comme par magie, se remplir de petites obligations cumulées qui vont vous faire un emploi du temps de (quasi) ministre.

Prenons un exemple choisi tout à fait au hasard : ma journée d'hier.

Théoriquement, je n'avais que mon dernier cours de danse avant le spectacle de jeudi prochain, dans la soirée. Mais, date-limite pour la demande de bourse à Nanterre oblige, il fallait que je retourne à la fac, de préférence en début de journée, afin de remédier à un éventuel bug en cas de non-signature de ma fiche signalétique. Je devais aussi passer à Ulm récupérer une attestation de note en cours de langue pour le premier semestre (Nota : toujours se méfier quand une secrétaire vous assure que, non, non, il n'y aura besoin de rien, puisque vous êtes dispensée pour cause de cours adéquats suivis ailleurs) : ce n'était pas urgent, mais le plus tôt était le mieux, d'autant qu'il est plus facile de soutenir un dossier de thèse avec un master clos aussi administrativement parlant.

J'avais donc prévu de partir à 10h pour arriver à Nanterre vers 11h-11h30, lorsque, à peine mise en route, coup de fil de Chef : "Oui, bonjour, je voulais savoir où vous en êtes de vos histoires de papiers administratifs. Ah ? vous allez justement à Nanterre ? Parfait ! J'aurais des papiers à y déposer, pourriez-vous le faire pour moi ?" J'ai bien sûr accepté : quitte à y être... Je devais le retrouver dix minutes plus tard à l'arrêt du tram, mais, après en avoir vu deux me filer sous le nez et le suivant annoncé à sept minutes, j'ai fini par me décider à faire les cent mètres qui séparent l'arrêt de la maison de mon directeur.

Le temps de récupérer ses papiers, d'aller avec lui jusqu'à Cité U prendre le RER et de passer à Ulm récupérer la fameuse attestation, je suis arrivée à Nanterre à midi passées. Youpi, vivent les plans sans accroc...

Du coup, j'ai couru toute la journée : après être passée, aussi vite que possible, par les divers bureaux où je devais aller, j'ai quitté Nanterre à 12h30, mangé en vitesse un sandwich sur la route, suis revenue chez moi plus ou moins en coup de vent pour récupérer mes partitions et aller à mon cours de piano, d'où je me suis dépêchée de rentrer pour faire des courses (quand y a plus rien à manger, y a plus rien à manger...!) et avaler un truc avant de me rendre à la danse.

Tout le reste de la semaine s'annonce comme ça...

Rappelez-moi, c'est quand, les vacances, déjà ?


("Trunk Bay, Saint John Island" ; photo par Rennett Stowe ; source : FlickR)

samedi 19 juin 2010

Home, sweet home...!

J'ai trouvé un appartement ! Au départ, je voulais attendre d'être fixée pour l'allocation de l'ENS, mais, l'attente (et l'internat) me rendant folle, j'ai fini par chercher quand même. J'avoue que je ne pensais pas trouver aussi vite, mais je dois reconnaître que dire, très doucement, "Non, madame, je ne suis pas étudiante, je suis fonctionnaire" (ce qui est la stricte vérité) et avoir les fiches de paie ad hoc ont un effet extraordinaire sur les agents immobiliers ; l'une d'eux a même insisté pour me passer sa carte, j'étais gênée devant les quatre étudiants qui visitaient en même temps que moi.

En même temps, j'avais aussi mis le paquet : cheveux relevés, talons hauts et petite aigue-marine en pendentif, i.e. le costume du "je suis une fille sérieuse et fiable" (ce qui, là encore, est la stricte vérité). Alors, étudiants, un conseil : pour une visite d'appartement, évitez le jean-baskets débraillé et, surtout, la gueule de bois manifeste de type "je viens de me lever il y a cinq minutes et, bon sang, qu'est-ce que je me suis mis dans la gueule hier soir !" ; le pauvre garçon avait "HS" gravé sur le front...

D'un autre côté, même en exprimant votre sérieux vestimentairement parlant, si vous êtes noyé dans une masse de trentenaires dynamiques, ne vous faites pas d'illusion : vous serez tout aussi peu intéressant (en même temps, c'était pour un gourbis sombre et infâme, meublé moche alors que annoncé vide et 18 m2, en étant gentil, au lieu des 20 de l'annonce ; je n'ai même pas déposé un dossier pour le fun).

J'ai donc trouvé un appartement, mais il faut repeindre les murs, ce qui n'est pas un problème (j'ai des antécédents familiaux, bien que, pour autant que je sache, on n'ait pas de peintres en bâtiment dans la famille - pas encore, en tout cas), d'autant que le flambant neuf n'a jamais été mon truc. Bref. Chéri arrive jeudi prochain ; je crains de l'exploiter honteusement dans les semaines qui vont venir...

D'un autre côté, tout cela va me faire penser à autre chose qu'à cette histoire de bourse. Je n'ai en effet toujours pas de nouvelles. Par contre, j'ai récupéré l'évaluation de mon projet par l'expert indépendant : j'ai A+ partout (sachant que la note la plus haute est A++). C'est donc franchement rageant de ne rien avoir eu du premier coup, mais ça m'a beaucoup remonté le moral : je devais donner à ma tutrice un exemplaire de mon mémoire, je me suis précipitée dans son bureau avec ledit volume et la feuille de l'évaluation comme une gamine fière d'exhiber une bonne note. Ça ne fait pas avancer le schmilblick, mais ça fait du bien à l'ego, car c'est la preuve que ce n'est pas mon projet qui est en cause.

Or cette confirmation est importante, parce que la limite pour déposer un dossier de bourse de thèse à l'Ecole doctorale de Nanterre est mardi prochain 12h30 : puisque mon projet n'est pas en cause, je peux m'appuyer dessus pour rédiger celui pour la fac (rédiger, i.e., en réalité, principalement opérer une réduction, car il doit faire, cette fois, trois pages et non cinq, mais sans biblio, ni notes). Je suis toujours embêtée à ce sujet, mais je n'ai pas trop le choix. Mon mémoire est soutenu, il me reste à imprimer mon CV, mon nouveau dossier, et à récupérer la fiche signalétique que j'ai laissée au secrétariat pour que la directrice de mon labo me la signe.

Je suis donc encore partie pour passer ma semaine à faire des aller-retour à Nanterre : I love RER A...


(Métro de Paris, line 3, station Bourse ; photo par Clicksouris ; source : Wikipedia Commons)

dimanche 13 juin 2010

Quooootaaaas... Votre univers impitoyaaaaaaable...!

Quelques nouvelles, quand même, de ma semaine AMN entre désespoir, méfiance et petite lueur de sortie.

Vendredi soir, donc, désespoir le plus intense. C'est Chéri qui, innocemment présent sur gchat, a essuyé l'écume de mon découragement («Allora ? Come è andata la serata alla BNF ? - Bouhouhouh ! J'ai pas eu ma bourse !!! - Cazzo ! Ancora un coup de quelque mafia ! - Même pas ! On est en France, pas en Italiiiiiiiie...!!!! »).

Chéri... et Chef. Car Chef aussi a été génial, sur ce coup-là. Electronique missive désespérée envoyée aussitôt ; un quart d'heure après, quatre mails, quatre idées : «Ce n'est pas clair, tout ça : donnent-ils un délai ?», «Et puis c'est quoi, les conditions, ensuite, notamment pour le monitorat ?», «Et cette histoire de désistements aussi est obscure.», «Ne vous inquiétez pas, vous êtes en bonne place, ça va bien se passer, on trouvera un moyen de vous sortir d'affaire.».

Pendant que je passais mon week-end à essayer de ne pas chouiner devant Chéri continuant d'assurer le SAV et de persuader mes parents que, si, si, ça va, je garde le moral, mais non, vraiment, je n'ai pas envie de répondre au téléphone, Chef battait le rappel de ses anciens collègues et prévenait ma tutrice, que la nouille que je suis avait oubliée. Il m'a même envoyé un mail dimanche matin pour me tenir au courant !

J'ai vu ma tutrice (qui harcèle plus ou moins par mail la responsable des bourses) mardi et appris un certain nombre de choses tout au long de ma semaine. Entre autres : que c'est très probablement le fait que nous soyons deux en lettres classiques à Nanterre qui a coincé et non mon projet. Après, les avis divergent sur ce qui a fait pencher la balance entre mon pote et moi : personne ne sait vraiment et, comme je n'ai toujours pas récupéré mon dossier avec les annotations de l'expert, je ne peux pas me faire une idée. Chef penche pour l'arbitraire, ma tutrice pour le fait qu'il soit déjà en relation avec un éditeur, moi pour le rang à l'agrèg' (mais c'est vrai que l'argument de l'éditeur est de poids).

Après ça, tout le monde m'assure que je suis assurée d'avoir une allocation ; il paraît même qu'ils ont fait exprès de me mettre deuxième pour être sûrs que j'en aie une. Sauf que personne ne peut me donner une idée quand je serai fixée (ce qui est fort peu commode lorsqu'on doit aussi chercher un appartement) et que je suis quand même un peu méfiante : après tout, en janvier-février, tout le monde y allait en choeur de ses "Oui, vous êtes deux, mais, soyez confiants, vous verrez, cela ne posera absooooolument pas problème !" : ouais, bah, j'ai vu, donc là, maintenant, comme dirait ma mère, j'aimerais du concret !

Je vais donc quand même préparer une demande de bourse à Nanterre : le délai est jusqu'au 22, ; si, d'ici-là, je n'ai pas de nouvelles, je déposerai un dossier, quitte à me désister si j'ai des nouvelles. Evidemment, si je n'en ai pas avant l'entretien, les conditions ne seront pas optimales pour plaider mon cas : "Oui, bonjour, alors, euh... je demande une bourse, mais, en fait, j'attends de savoir si je peux en avoir une autre ailleurs, ce qui veut dire que je risque de me désister ensuite si vous me la donnez, alors, euh... soyez cools !"

Et je peux vous dire que ça ne m'amuse pas, parce qu'il va falloir que je reprenne rendez-vous avec la directrice de mon équipe d'accueil, pour qu'elle me signe un nouveau papelard... En plus, Chef n'est pas très encourageant sur mes chances d'avoir quelque chose de cette manière-là...

Ceux qui ont eu leur allocation du premier coup avaient huit jours pour accepter ou se désister : je suis donc encore partie pour passer mon temps à vérifier mes mails 150 000 fois par heure...


("Ría" ; photo par Eric Caballero, source : FlickR)

samedi 12 juin 2010

Articlologie 3 : le Destructor

Puisque la vie continue et qu'il ne me reste plus qu'à attendre que deux personnes renoncent à leur bourse (pour résumer très rapidement le branle-bas de combat qui a eu lieu cette semaine), après l'article mouchophile et l'article freudianoridicule, voici un autre type d'article sur lequel mes Passionnantes Recherches sur Posidippe m'ont donné l'occasion de tomber : le Destructor.

Le principe du Destructor est simple : niché au milieu d'un recueil d'autres articles globalement positifs sur tel ou tel auteur, il commence par faire semblant d'apporter sa pierre au moulin, puis se livre à une descente en règle sous couvert d'analyse. Dans le cas qui nous occupe, il s'agissait de comparer ledit Posidippe avec un autre grand poète des débuts de la littérature hellénistique (i.e. fin IIIème siècle avant J.C.), Callimaque.

Petit résumé de la première partie : "CALLIMAQUE est grand, beau et fort ; il est entouré de tous les plus brillants esprits de son époque ; la cour des Lagides (les rois d'Egypte après la mort d'Alexandre le Grand, dont la Cléopâtre de César est une des dernières représentantes) l'estime à un point inconcevable. Il écrit des poèmes teeeellement variés et spirituels : cet homme est un génie, il sait tout faire. C'est un héros de la littérature, un Modèle pour l'Humanité, un... Hum, bon, bref."

C'est alors qu'on passe au coeur de notre sujet, Posidippe : "Pendant ce temps-là, Posidippe est un pouilleux qui, après un séjour avec d'autres poètes dans l'île de Samos - période d'où date le meilleur de sa poésie : mais quel dommaaaaaage que sa jeunesse en fasse quelque chose de si peu abouti, surtout par rapport à ce que faisait CALLIMAQUE au même moment -, se retrouve tellement dans la dèche qu'il se voit obligé de se faire épigrammatiste professionnel. Cela explique un certain nombre de traits de sa poésie : son caractère terrrrrriblement concret et adapté à la situation - eh oui, il faut que cela corresponde aux attentes du client (qui, comme chacun sait, est roi), afin qu'il soit content ; alors que CALLIMAQUE, lui, sait teeeeellement bien faire des épigrammes si délicieusement fictives -, l'absence totaaaale de subtilités mythologiques - car son public de ploucs n'y aurait rien compris ; tandis que CALLIMAQUE, lui, sait être teeeeellement spirituel et était entouré de gens si cultivés et de si bon goût !-, son vocabulaire si technique - pour que client content, il est nécessaire de parler de ce qui fait son univers ; alors que CALLIMAAAAQUE, lui...!-. Et puis, Posidippe est tellement un crétin qu'il n'a pas compris que ce sont les Syriens qu'il faut flatter, pas les Macédoniens, parce que c'est le côté syrien de la famille qui domine à la cour : ah, mon Dieu, quel manque de jugeotte ! Tandis que CALLIMAAAAQUE, lui...!"

Et cela pendant soixante pages.

Je me demande bien ce que ses collègues ont pensé lorsqu'ils ont découvert, au milieu de leurs articles, qui, globalement, réhabilitaient ce poète (je ne suis pas très fan de la littérature hellénistique, mais je ne vois pas le problème d'une poétique du concret), cette chose qui démolissait l'objet même de leurs recherches.

Quand on sait, en plus, que le gars en question apparaît dans presque tous les grands recueils d'articles sur Posidippe, on en vient à se poser des questions. Mais, finalement, ce ne serait pas le seul exemple de chercheur ayant paradoxalement passé toute sa vie à travailler sur un auteur qu'il haïssait.


Statue représentant Posidippe (regardez, son nom est inscrit en grec sur la base) tenant un rouleur de papyrus à la main, d'où son identification avec l'épigrammatiste, qui, dans un de ses derniers poèmes, souhaite qu'on le représente ainsi - Museo Pio-Clementino, Rome.

vendredi 4 juin 2010

De profundis

Juste un message rapide pour dire que je n'ai pas eu ma bourse de thèse au premier tour.

Je suis deuxième sur la liste complémentaire, ce qui veut dire que si deux personnes renoncent à la leur, j'en aurai une. Je sais qu'il y a, tous les ans, des scientifiques qui changent d'avis, mais je ne sais pas combien et, même si le mail se termine par "rassurez-vous, vu votre classement, ça devrait aller", vous comprendrez que ce n'est pas la joie.

Je ne sais pas ce que je vais faire si je n'ai rien du tout.

Je ne sais plus rien.

Pour le moment, je vais aller prendre une douche et essayer de dormir. J'ai encore passé la soirée à la BNF à cause de cette histoire de Posidippe et je suis trop épuisée pour penser.

jeudi 3 juin 2010

Journée de merde

Déjà, ça avait mal commencé : le prof de littérature hellénistique (vous vous souvenez ? celui qui nous faisait deux fois le même cours) avait pris un air encore plus vague et endormi que d'habitude et s'était gratté la tête pensivement, avant de demander : "Ah... oui... c'est vrai qu'il y a les validations... Comment on va faire, alors...?" Il restait dix minutes à son tout dernier cours : il était temps.

Evidemment, personne n'avait osé ouvrir la bouche : ça faisait environ cinq minutes qu'on avait tous plus ou moins considéré comme acquis qu'il validerait à la présence, il n'était pas question de lui suggérer de nous donner du boulot en plus, en cette période où on en a déjà par-dessus les oreilles.

"Bon, eh bien... je ne sais pas... je pense que je vais vous faire passer de petits entretiens sur mon cours... Mardi prochain, ça vous va...?" L'helléniste conscrite (i.e. en première année) à l'ENS est sur le point d'acquiéscer, mais je la coupe : "Non, monsieur, moi je ne peux pas. - Vous êtes sûre ? - Ah oui, absolument. Je suis à Lyon (mon fameux voyage d'étude à Lyon). - Ah... bon... dommage... - Mais je peux vous envoyer quelque chose par mail, si vous voulez. - Ah... oui... Eh bien, on va faire comme ça pour tout le monde, alors... Vous allez me faire une fiche sur Posidippe (un poète hellénistique) ou sur le Nimruh Dag (un monument funéraire en Turquie)".

C'est alors que la conscrite, qui peut tout à fait, quand elle veut, se comporter en caricature de normalien voulant à tout prix et, surtout, crétinement, montrer à ceux de la fac qu'il leur est supérieur, se précipite pour demander, d'un petit air entendu et satisfait d'avance de sa sortie : "Avec une bibliographie ?" Le prof, ravi : "Oui... enfin, vous n'êtes pas obligés... mais c'est toujours mieux avec une bibliographie...". Consternation dans les rangs : s'il faut une biblio, ça vaut dire qu'il va falloir perdre un nombre substantiel d'heures à lire des articles pour rien. Visiblement, y en a des qui vont avoir vraiment besoin de quatre ans pour apprendre ce que signifient les regards noirs lui intimant de la fermer.


Ça, c'était il y a une semaine. A l'époque, j'avais déclaré que je n'en avais rien à faire et qu'il attendrait que j'aie fini mon mémoire et pas une semaine, comme annoncé sur le moment. Aujourd'hui que j'ai fini de rédiger (et que, soit dit en passant, mon Chef s'est bien marré en apprenant que j'avais encore ce truc improbable à faire), il faut bien que je m'y mette. Je me lève donc ce matin et j'ouvre ma littérature grecque : rien, i.e. un demi paragraphe, donc rien.

Je pianote sur l'Année Philologique et sélectionne une dizaine d'articles et d'ouvrages récents. Je vais sur le site de la bibliothèque, trouve mes articles, mais les ouvrages les plus importants sont... empruntés. Texto au copain lui aussi à Nanterre : "Dis-moi que ce n'est pas toi qui a emprunté TOUS les bouquins sur Posidippe ?" Réponse : "Non, j'ai tout rendu jeudi."

Je commence alors à me faire bouillir la rate : on est trois, si ce n'est pas lui, étant donné que ce n'est pas moi, c'est elle. Non seulement elle fait chier tout le monde, mais, en plus, elle la joue perso en monopolisant tous les bouquins. Je lui envoie un mail plus ou moins incendiaire, sur le thème : "Tu es mignonne, mais tu vas apprendre à te moucher toute seule et rendre fissa ces livres à la bibliothèque, parce que tu n'es pas la seule à en avoir besoin." Réponse indignée : "Ce n'est pas moi, je bosse sur l'autre sujet et je trouve très injuste d'être agressée comme ça." Re-réponse : "Toutes mes excuses, mais aussi, avec ta sortie sur la bibliographie, tu m'avais déjà gonflée."

Malgré tout, je vais à la bibli : j'ai quand même d'autres ressources, à part ces bouquins. Mon n°1 a... disparu ; mon n°2 aussi, tout comme mon n°3, avec, en plus, toute la collection des Studi di egittologia e di papirologia. Par la suite, je me rends compte que toute la partie du rayonnage consacrée à Posidippe est vide. Je n'ai pu mettre la main que sur UN ouvrage, réchappé du cataclysme on ne sait comment. Il n'y a PLUS RIEN d'accessible sur Posidippe à la bibliothèque de l'Ecole normale supérieure. Incroyable, mais vrai.

Je finis par aller à l'accueil pour demander s'ils ne peuvent pas me passer le nom de la personne qui a emprunté tous les bouquins, que j'essaie de trouver un accord avec elle. Et là, ils me donnent... le nom de mon pote. "Je suis désolée, ce n'est pas possible, il m'a dit qu'il les avait rendus. - Bah, écoutez, contactez-le, parce que, là, ils sont sur sa carte. - Non, mais, je l'AI contacté ce matin et il m'a dit qu'il ne les avait plus ! - Bon, ben, dites-lui de passer pour régler la situation, alors... - Et pour les bouquins, je fais comment ? - Ben... je suis désolée pour vous..." Super. J'ai perdu deux heures et je n'ai rien pour travailler.

Devinez qui va se taper la fermeture, demain, à la BNF...?

Et en plus, les résultats des bourses de thèse ne sont toujours pas tombés...

mercredi 2 juin 2010

Après le passage de l'ouragan Latina

Lorsqu'on ouvre la porte, ce qui frappe, c'est l'aspect du sol, qui, manifestement, n'a pas été balayé depuis au moins trois semaines.

Dans le placard à moitié ouvert, on distingue nettement des étagères de plus en plus dégarnies de leurs vêtements. Avant même d'entrer dans la chambre, on sait donc déjà que le panier à linge sale est sur le point de faire une indigestion de fringues : il est même tellement obèse que la lampe Ikéa, à côté, à l'air de se recroqueviller pour ne pas se faire écraser contre le mur.

Ce qu'on ne sait pas, en revanche, c'est qu'on aura un peu de mal à ouvrir la porte intérieure qui donne sur cette même chambre, pour cause de draps de lit attendant eux aussi leur tour d'être lavés, mais en boule, par terre. Voyons le bon côté des choses : au moins, les draps du lit ont été changés, à défaut de passer par la case "buanderie".

La salle de bain, elle, tient du petit musée des horreurs : les cheveux s'accumulent dans la douche et l'évier est constellé de taches de thé... Le tube de dentifrice agonise et, sur la porte, un mot : "ACHETER DES COTONS DÉMAQUILLANTS !!!!!!!!"

Quant à la chambre... Le bureau est encombré de papiers et les livres ont commencé à coloniser le piano, signe que Schumann et Chostakovitch ont "beaucoup" avancé. La corbeille à fruits, elle, est vide, mais la poubelle laisse entrevoir des emballages de M&M's, bouteilles de coca, Schtroumpfs et autres sucreries gélatinées. Ce qui nous vaut cet autre mot, scotché sur la lampe : "PAS DE SCHTROUPFS AVANT D'ALLER EN COURS !!! ILS COLORENT LA LANGUE EN BLEU !!!!"

Par terre, une pile de feuilles de brouillon. Sur la première : "Partie I : Premières approches, sociologiques, linguistiques et statistiques" ; le texte est constellé de corrections en rouge.

Les chaussures sont éparpillées un peu partout, on sent que l'occupante est sortie en coup de vent. Mais qu'est-elle allée faire...? Ça sent... ça sent... non, pas seulement le renfermé... Ça sent les deux dernières semaines de rédaction, suivies d'une course chez l'imprimeur ! :p

Il est né, le divin master ! :p

mardi 1 juin 2010

Faire-part de naissance

Il est beau, il est gros, il devrait peser trois fois dix kilos ou le poids de cent quatre-vingt pages imprimées en recto simple (pas la peine de m'agonir d'injures : quand j'ai vu le mastodonte, j'ai immédiatement regretté de ne pas avoir demandé le recto-verso) et en trois exemplaires : un pour Chef, un pour mon autre examinateur, un pour Bibi. Vu le prix que ça va me coûter, je crains que les futurs exemplaires supplémentaires ne soient imprimés au compte-goutte : je vais bientôt avoir un vrai loyer à payer, moi, avec de vraies charges, une vraie facture d'eau, d'électricité, etc.

Je vous raconte ça demain soir, si j'ai encore du jus, jeudi matin si je n'en ai plus. Aujourd'hui, je me suis levée à 5h30 pour cause de voyage d'étude à Lyon (ça sonne classe, hein ?! je pourrais dire "sortie scolaire", vu qu'il s'agit de visiter les collections de manuscrits anciens d'une bibliothèque et deux musées, mais se lever aux aurores pour une sortie scolaire, ce n'est pas très motivant, donc on va dire "journée d'étude") et je rentre à 23h.

Demain, je rends ma Prose après l'avoir récupérée chez l'imprimeur et je fais mon Fameux Exposé sur les épigrammes dans les Douze Césars (que vous risquez fort d'avoir en avant-dernière).

Derrière, j'ai encore une "synthèse" sur Posidippe (billet là-dessus à venir aussi) et, peut-être, un topos pour les agrégatives de Nanterre (si je ne suis pas morte de fatigue d'ici là).

Donc, rendez-vous mercredi soir, jeudi matin au pire. Pour le moment, j'm'en va prendre le TGV !