J'ai passé trois ans en classe préparatoire à Paris, dans deux lycées différents : l'hypokhâgne à Claude Monet (13e) puis deux khâgnes à Henri-IV (5e). J'en garde le souvenir de certaines des années les plus intenses et les plus exaltantes de ma vie, et elles ont énormément compté dans ma formation intellectuelle.
Que dire ? Quelques mots sur l'ambiance, je suppose, puisque c'est surtout là-dessus qu'on base les visions monstrueuses qu'on donne parfois de la prépa.
Eh bien, ce que j'ai à dire est d'une grande banalité : non, ça n'est pas toujours horrible, et non ça n'est pas toujours l'idéal non plus... la vérité est que ça dépend des gens. Des élèves, donc de la classe, et des professeurs. L'attitude des professeurs compte énormément, mais l'ambiance de groupe au sein de la classe compte énormément aussi.
Dans l'ensemble, à Monet comme à Henri-IV, je suis tombé sur des professeurs dans l'ensemble compétents, dont quelques-uns étaient même brillants, dont quelques autres étaient en-dessous de la moyenne. Certains étaient très doués sur le plan du cours lui-même mais pas du tout sur le plan humain, d'autres adorables sur le plan humain mais pas vraiment parfaits sur le plan du contenu des cours. Chacun apportait quelque chose d'important. Parfois on ressortait d'un cours avec la cervelle bouillonnante d'idées mais l'impression qu'on ne s'en sortirait jamais, d'autres fois on se marrait en cours grâce à un professeur d'histoire ou de grec terriblement sympathique et qui avait l'art de trouver des formules à la fois drôles et exactes sur le plan pédagogique.
Je n'ai pas vraiment connu de professeur tortionnaire, ni de pression terrible. En hypokhâgne, la pression est installée par le changement d'exigence, et en khâgne la perspective du concours suffit largement. Les professeurs le savent. A Henri-IV, j'ai même été frappé par la relative décontraction d'ensemble (probablement due au fait qu'ils n'ont plus rien à prouver).
Mes pires souvenirs en matière de professeurs sont heureusement liés à des colles faites par un colleur particulièrement sec, que je n'ai pas eu en cours par ailleurs, et qui n'a donc pas suffi à me plomber le moral, de très loin.
On ne dit jamais assez à quel point l'ambiance de classe dépend aussi des élèves qui se trouvent là. D'une année à l'autre, ça peut être le jour et la nuit. J'ai de bien meilleurs souvenirs de ma seconde khâgne que de la première, par exemple - tout simplement parce que "quelque chose a mieux pris", que l'ambiance était meilleure, on discutait, on plaisantait, on s'entraidait beaucoup.
La chose qu'il faut savoir aussi, c'est qu'en prépa chaque élève pense toujours que les autres travaillent plus et mieux que lui, alors que ce n'est pas le cas. Il ne faut pas rester seul mais discuter avec les autres, et savoir relativiser un peu : ce qui marche bien pour un élève ne marche pas pour les autres, et même les élèves en apparence les mieux préparés ne réussissent pas systématiquement mieux. Par exemple, j'ai toujours beaucoup culpabilisé de ne pas faire assez de fiches, alors que certains de mes camarades se promenaient avec des classeurs entiers. Oui mais voilà : je n'ai jamais vraiment réussi à bien assimiler mes manuels/articles/cours avec des fiches, mon truc à moi c'était de prendre plein de notes en cours pour les relire et les compléter à la maison ; pour les lectures, je préférais souligner (au crayon, je hais les Stabilo). Chacun a sa façon d'apprendre et sa méthode qui ne marcheraient pas forcément pour le voisin. Une fois qu'on sait ça, on peut relativiser. Et surtout, discuter avec les autres permet souvent de relâcher le stress - on plaisante énormément en prépa et on part dans des délires d'anthologie sur des sujets totalement obscurs au profane (on retrouve ça en préparant l'agreg, d'ailleurs) - et de voir que les autres ne sont pas mieux lotis que vous. On peut s'entraider, se remonter le moral. Et forger des amitiés durables (voire plus que des amitiés).
Alors les prépas "paniers de crabes" ça existe sûrement aussi. S'il y en a où les professeurs installent volontairement ce type d'ambiance, il faut s'en plaindre et y mettre fin (en plus ça ne sert à rien !). Mais ça dépend aussi de l'ambiance entre les élèves. Un tas de réactions individuelles, plus des effets de groupe. Difficile d'émettre de grandes généralités définitives là-dessus.
Quant à mon pire souvenir de prépa, il n'a rien à voir avec le concours : c'était une bête déception amoureuse. Ça aurait été pareil en fac !
Il ne faut pas confondre les exigences envers les élèves et la "pression" dont on parle tout le temps. Être exigeant avec les élèves, c'est une très bonne chose. Je préfère ça de loin à la première année de fac où on laisse les étudiants brusquement tout seuls (comme s'ils étaient miraculeusement devenus autonomes en décrochant le Bac : la bonne blague !), où 50% s'égayent un peu partout et n'ont pas leur année, et se retrouvent sur le carreau. En prépa, au moins, on vous oblige à bosser, et on vous apprend comment.
Après, qu'il y ait des excès dans certaines prépas, c'est certain, mais il faut arrêter de vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain. Les prépas marchent bien, elles ont des défauts : corrigeons les défauts et arrêtons de dire que les prépas en elles-mêmes sont mauvaises.
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