vendredi 3 février 2012

Réaction à l'article de Marie Desplechin

Il y aurait beaucoup à répondre à l'article de Marie Desplechin sur les conséquences d'un passage en classes prépa pour le Monde Culture et Idées : choix de témoignages uniquement négatifs, réduction de ceux qui ont apprécié leurs années de prépa aux seuls "très bons", discréditation des aspects positifs mis en avant par ceux qui pèsent le pour et le contre, parisianocentrisme très manifeste (alors qu'il y de grandes différences entre prépas de province et prépas parisiennes - entre prépas parisiennes aussi, d'ailleurs), etc. L'avantage du Monde, c'est qu'ils font leur boulot sérieusement et qu'ils ont donc publié aussi des avis de profs sur le sujet.

On peut aussi s'étonner de voir Mme Desplechin écrire subitement un article dans le Monde à ce sujet : elle a, certes, une formation de journaliste, mais, même si j'avoue ne pas suivre ses diverses activités à la loupe, il me semblait qu'elle était écrivain à plein temps. Alors pourquoi ça, maintenant, tout à coup ? Et à quel titre ?

Oui, il y a beaucoup à dire, mais finalement, le principal ne serait pas dit.

Lycéens envisageant une classe préparatoire, parents de lycéens envisageant une classe préparatoire, personnes s'intéressant, pour une raison ou pour une autre, à ce sujet, oui, en prépa, on travaille beaucoup ; oui, en prépa, on travaille énormément ; oui, la perspective du concours, de tout concours, ceux des Grandes Ecoles et les autres, peut être écrasante, mais cela dépend de la personnalité du préparationnaire ; oui, la charge de travail, la différence parfois abyssale entre les notes qu'on avait jusque-là et les notes qu'on a désormais, les interros, les DM, qui s'accumulent et se succèdent peuvent avoir un poids écrasant, au point qu'on finit par se demander désespérément comment on va bien pouvoir faire, mais ça dépend de la personnalité du préparationnaire ; oui, l'expérience des colles peut être déstabilisante, mais ça dépend de la personnalité du préparationnaire - et de celle du colleur, qui, dans la majorité des cas, ne vise pas du tout à détruire celui qui passe devant lui.

Mais aussi : oui, on peut se rendre compte avec étonnement de la capacité de travail qu'on a et/ou de ses limites ; oui, passer un concours peut avoir quelque chose d'exaltant, qu'on le passe sérieusement ou non (et le "ou non" concerne une très grande partie des préparationnaires français, en particulier en lettres) ; oui, on peut relativiser l'effet "bonnes notes" qu'on a toujours connu et se voir trouver des moyens de faire ce qui nous semblait impossible ; oui, les colles peuvent apprendre à passer n'importe quel entretien, à exposer des idées clairement à l'oral et à argumenter ou nuancer son point de vue en fonction de la réaction de son interlocuteur.

La manière dont on vit la prépa dépend de la personnalité de chacun. Personnellement, j'y ai appris énormément, y compris sur moi-même, je m'y suis épanouïe, j'y ai rencontré des gens formidables, parmi les élèves comme parmi les profs, j'y ai eu des fous rires, j'y ai fait des jeux de mots, j'y ai déliré en agréable compagnie. Au final, j'ai intégré, mais cela n'est finalement pas important : l'important, c'est que ça a été une expérience extrêmement enrichissante. D'un autre côté, un de mes frères a lui aussi fait prépa et il n'a supporté ni l'ambiance, ni le fonctionnement, ni ce qu'on lui enseignait ; il est resté jusqu'à la fin de la première année, en faisant le minimum syndical ; il l'a vécu assez mal, pour différentes raisons, puis il est parti en fac, où il a enfin trouvé sa voie.

La prépa est une sorte de couvercle qu'on pose sur sa marmite personnelle pendant deux ou trois ans. Si vous étiez déjà fragile psychologiquement, cela n'arrangera rien ; au mieux, vos problèmes se mettront entre parenthèses, mais, soyez-en sûrs, ils ressortiront à la fin, que vous intégriez ou non ; au pire, ils s'aggraveront et vous prendrez, je l'espère, la meilleure décision à prendre : quitter la prépa et/ou, surtout, essayer de comprendre ce qui vous arrive.

Mais, si vous allez relativement bien, la prépa ne vous fera rien. Qu'elle vous corresponde ou non, que vous intégriez au final ou non, c'est une expérience dont on peut toujours tirer du positif.

Et, si vous ne vous sentez pas de faire une prépa ou si vous n'en avez tout simplement pas envie, eh bien n'en faites pas et dites-vous bien que ce n'est pas grave : il y a une vie en dehors de la prépa, il y a également d'excellentes formations ailleurs, y compris des formations aussi généralistes (c'est le moment de faire un peu d'autopromo pour ma fac - dont les Portes Ouvertes sont mercredi prochain, soit dit en passant).

Dites-vous bien aussi que, si vous choisissez cette voie, il y a des gens qui s'épanouissent en prépa qui seraient très mal là où vous êtes : c'est la même chose, c'est une question de choix, de choses qui correspondent aux uns et non aux autres.

Dans tous les cas : essayez de vous connaître et de connaître ce qui vous correspond ; si vous vous posez des questions, c'est normal ; si vous vous rendez compte que vous vous êtes trompés, ce n'est pas grave ; si vous vous rendez compte que vous aviez raison, c'est tant mieux.


Ajout d'Eunostos le 4 février : Lina vous propose de venir parler sur ce blog de votre expérience en prépa.

2 commentaires:

  1. Merci, Lina.
    En tant que professeur, je suis très touchée de vous lire -- et je me suis sentie blessée par le texte de Mme Desplechin :
    http://leblogdelapresidente.over-blog.com/article-l-enfer-des-cpge-ou-une-belle-operation-d-intox-98522018.html
    F. Guichard, CPGE (lettres class), lycée Cézanne, Aix

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