dimanche 7 avril 2013

L'adaptation, ça marche dans les deux sens

Ce billet m'a été inspiré par le "livetweet" d'une de ses formations "Savoir se vendre et cultiver son réseau" par l'excellente Caroline M. (dont vous devriez lire le blog si vous voulez meubler intelligemment votre temps de cerveau disponible).

Personnellement, j'essaie d'éviter ce genre de formations, non parce que je pense qu'elles n'ont rien à m'apporter, mais parce que j'estime avoir plus urgent à faire (à tout hasard, candidater à des postes d'ATER ou commencer à rédiger ma thèse) et que l'idée de passer huit ou douze heures sur ce sujet, même pour accumuler des attestations de présence, ne fait pas palpiter mon petit coeur d'antiquisante pourtant archi favorable aux Digital Humanities.

J'ai néanmoins la chance d'être dans une université qui organise ses formations doctorales de la manière la plus pertinente et adaptée possible, donc je précise que ce qui m'est proposé ne ressemble pas à la (presque) caricature dont je vais parler, mais, en général, sous l'intitulé "Savoir se vendre et cultiver son réseau" se cachent des aberrations de type :
  • management de bas étage ("Tout le monde répète après moi : JE PEUX Y ARRIVER !!!")
  • "psychologie" à la mords-moi le noeud ("Si vous n'arrivez pas à trouver un poste, c'est parce que vous manquez de confiance en vous ! Dites-vous juste : JE PEUX Y ARRIVER et vous y arriverez !!!")
  • "gestion des rapports humains" à vomir ("Une personne, en soi, n'est pas intéressante. Ce qui vous intéresse, c'est qui elle connaît, quelle position elle occupe, qu'est-ce qu'elle peut vous apporter. Qui elle est et ce qu'elle fait, on s'en fout.")
  • "conseils pratiques" à la con ("Mais faites-vous faire des cartes de visite, bon sang !!!" Lina Kigali, pas encore docteur en littérature latine et sans poste fixe, ça en jette, non ?)
  • "touche 2.0" tous azimuth ("Inscrivez-vous partout ! Sur LinkedIn, sur Monster, partout !!!" ; aucune mention d'Academia ou de HAL, encore moins d'Hypothèse.org)
  • bashage des réseaux sociaux ("Twitter, un blog, ça sert à rien ! Faut envoyer des mails et des candidatures spontanées !")
Bref, ces individus sortent la même soupe, qu'ils interviennent devant des chômeurs de Pôle Emploi, des doctorants ou des charpentiers-menuisiers. En général, quand on pose des questions et qu'on essaie de remettre en question la Vulgate, on s'entend répondre : "Ah oui, mais non, vous, vous êtes en lettres classiques, c'est fini tout ça ! Il faut vous adapter !"

(Cet homme est en train de cultiver son réseau ; "Acrobate ou jardinier ?" photo par Lorna 689 ; source : FlickR)


Alors, pour une fois, j'aimerais faire un Incroyable Voeu de Fou et demander à ces glandus qu'ils m'expliquent (entre autres) :
  • comment je fais pour avoir le mail de quelqu'un qui n'a ni de page perso, ni de véritable fiche annuaire sur le site de sa fac (quand il en a une sur le site de sa fac et pas sur le site de la fac où il était il y a déjà cinq ans)
  • comment je fais pour contacter quelqu'un qui, bien souvent, consulte sa boîte mail perso une fois par semaine et jamais celle qu'il a automatiquement dans son université
  • à quoi ça va me servir de mettre mon CV sur Monster et autres quand aucune fac ne consulte ces sites et que, de toute façon, aucun recrutement ne se fait de cette façon-là

 Les réseaux, dans le monde universitaires, ça peut se créer et se développer grâce :
  • à la participation active (intervenant) ou passive (auditeur) à des colloques ; ce qui implique de consulter régulièrement des sites d'appels à communication
  • à la participation, aussi, à des séminaires en lien avec ce que vous faites (sinon, les gens se demanderont principalement ce que vous foutez là)
  • à la participation, encore et toujours, aux séances régulières de sociétés savantes elles aussi en lien avec ce que vous faites (Société des Etudes Latines power !)
  • à une certaine visibilité sur internet, lorsque vous êtes en contact avec des gens que je n'ose qualifier de "normaux" pour ne pas sembler critiquer les autres, mais qui auront le réflexe google et pour lesquels il serait de bon ton que le seul résultat associé à votre nom ne soit pas celui d'une homonyme namuroise de 13 ans manifestement assez bonne au tennis dans les championnats régionaux (toute ressemblance avec un cas personnel étant bien sûr purement fortuite)
Mais de ces problèmes et de cet état de fait, ces gens des formations "Savoir se vendre et cultiver son réseau" ne nous en parleront pas, parce qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'est le monde universitaire.

("Mademoiselle, votre réseau est extrêmement mal cultivé !" ; détail d'un dessin de Berthali, publié le 7 mars 1863, illustrant les préparatifs pour Pâques ; source : Wikipedia Commons)

2 commentaires:

  1. C'est marrant car "savoir se vendre et cultiver son réseau", j'ai aussi connu (doctorat de lettres modernes)... et finalement, j'ai décidé de fuir ce "tout petit monde" (si bien décrit par David Lodge) pour me consacrer... à l'écriture!
    Au final, je suis heureux car vivant pleinement ma passion... mais je n'ai fait que retrouver un univers parallèle et semblable: savoir se vendre auprès des journalistes, des éditeurs, connaître les bonnes personnes pour décrocher des contrats intéressants...

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  2. Pour les rares littéraires qui seraient dans des unités CNRS:
    https://web-ast.dsi.cnrs.fr/l3c/owa/personnel.frame_recherche

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