mercredi 24 octobre 2012

"Rappelez-moi sur quoi vous travaillez, déjà ?"

Fun fact : mon directeur fait un blocage sur mon sujet de thèse. Un gros blocage. Du genre qui fait dire, au bout de deux ans, "Et voici Melle Lina qui travaille... qui travaille... Eh bien, expliquez à vos camarades sur quoi vous travaillez exactement !" Comme dirait mon frère : awwwkwaaaaard !

Ça a commencé avec mon projet de thèse. A l'époque, il avait parfaitement retenu mon sujet de M2, sur les rumeurs chez Suétone (sujet que tout le monde retenait extrêmement bien, d'ailleurs, 'm'demande bien pourquoi...?). C'est quand il a fallu que je monte mon dossier pour un contrat doctoral que les choses se sont compliquées.

Mon idée de départ était assez simple : étudier les mentions de sources chez Tacite et Suétone et comparer les diverses versions qu'ils donnent d'un même événement, pour voir quels choix ils ont fait au moment de l'élaboration de leur récit. Et Chef n'arrêtait pas de me dire : "Ouiiiii... il faudra traiter aussi la question des sources..." Ce que je ne comprenais pas, parce que cette question a déjà été faite et bien faite. Je répondais donc : "Vous avez raison, mais, si je m'intéresse aux mentions, à la limite, je peux me passer de Quellenforschung (= recherche des sources, en allemand : comme ce sont les Allemands qui ont majoritairement fait ça, on a gardé leur mot) ; ce qui m'intéresserait, ce ne serait pas de savoir s'il y a vraiment une source derrière un dicitur, mais pourquoi ils éprouvent le besoin d'attribuer cette information à un dicitur, au lieu de la reprendre avec un indicatif pur et simple." Chef trouvait alors que j'avais raison, puis oubliait entre temps et, dix jours plus tard, me ressortait : "Cette question des sources serait intéressante à traiter..." 

Au final, j'avais fini par aller voir Super Tutrice pour lui demander son avis et elle m'avait dit : "Bah non, les sources, c'est déjà archi fait ! Il est déjà très bien comme il est, votre projet, n'y changez rien !" J'avais fait valoir l'argument à Chef en l'attribuant cette fois à Super Tutrice (de l'utilité du dicitur !) et Chef avait plus ou moins cessé de me ressortir cette perspective.

Je pensais qu'il avait compris (et approuvait, donc !) ce que je voulais faire. Erreur Grave. 

Première année de thèse, séance 1 de son séminaire : "Et voici Melle Lina, qui travaille sur Suétone" ; moi : "Et Tacite !" Colloque quelconque : "Et voici Melle Lina, qui travaille sur les rumeurs chez Suétone" ; moi : "Euh... c'était mon sujet de M2, vous vous souvenez, monsieur...? Mon sujet de thèse, c'est l'élaboration du récit chez Tacite et Suétone..." ; lui : "Ah oui, c'est vrai !" Société des Etudes Latines : "Et voici Melle Lina, qui travaille sur... sur... Suétone ?" ; moi : "Et Tacite !" (semper repetita placent).

Deuxième année de thèse, séance 1 de son séminaire : "Et voici Melle Lina, qui travaille sur Suétone... et Tacite !" (la répétition est l'essence de la pédagogie).

Troisième année de thèse, séance 1 de son séminaire : "Rappelez-moi sur quoi vous travaillez, déjà ?"

Back to start again.

En plus, j'étais en train de vanter ses mérites de directeur de thèse à la fille à côté de moi : "Il est vraiment très bien, tu verras : il répond vite aux mails, il a beaucoup d'idées, une culture très étendue et il te suit attentivement."

Awwwkwaaaaard...!


2 commentaires:

  1. Excusez mon point de vue de scientifique habilité à diriger les recherches et muni de deux doctorants, mais comment peut-on oublier le sujet de thèse de ses propres doctorants? Il en a combien?

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  2. Je ne sais pas exactement, mais moins de dix (ce qui est relativement raisonnable face aux 15 ou 20 doctorants que peuvent avoir certains en histoire de l'art ou en archéologie). Je ne pense pas que ce soit une question de nombre : à mon avis, il fait un blocage, sans que j'arrive vraiment à deviner pourquoi. Ceci dit, maintenant qu'il a (enfin) jeté un coup d'oeil à mon plan de thèse, tous les espoirs sont permis !

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