lundi 6 décembre 2010

Coup de gueule

Ami lecteur, bonjour : si tu es pacifique et que tu ne supportes aucune explosion de violence, passe ton chemin ou, plutôt, lis le post de mon collègue et ami sur Homère et Star Wars, tu passeras un bon moment. 

J'avais l'intention de faire une note intitulée "Corrections, pièges à cons", qui ne saurait malgré tout tarder, car je suis en pleine lecture des Oeuvres de mes chers étudiants, mais, là, le Service du personnel enseignant de ma fac pousse vraiment le bouchon trop loin. Ce sera donc un gros coup de gueule, en espérant que le défoulement sera suffisant pour que ce ne soit pas le prochain commentaire qui trinque. 

("No Horn Blowing", photo par Saragoldsmith ; source : FlickR)



Lorsque je leur ai remis mon dossier complet et parfaitement rempli, j'ai demandé quand ils pensaient que je pourrais signer mon contrat doctoral, en précisant qu'il fallait que j'en envoie une copie à l'Education nationale avant la fin du mois de novembre. On était alors mi-septembre et la responsable m'a fait un grand sourire complice en me disant que c'était assez large et que je n'avais pas à me faire de souci. 

La suite, on la connaît : ils ont merdouillé pendant deux mois et m'ont fait signer seulement le 8, juste à temps pour que je sois payée fin novembre et pas fin décembre. "Assez large", c'est ça ? My foot. 

Je me suis donc dépêchée de tout photocopier pour l'envoyer au Ministère la veille de mon départ en Italie. Et là, lundi d'après, coup de fil de l'Education nationale : "Mademoiselle, bonjour, il nous faudrait de toute urgence l'avenant à votre contrat, parce qu'il n'y a rien sur celui-ci qui nous garantit que vous avez effectivement un service d'enseignement."

Je retourne au Service du Personnel Enseignant : "Oui, oui, on sait, on est en train de vous faire ça, ne vous inquiétez pas, en plus votre UFR nous a déjà communiqué la liste de ses moniteurs, donc ça ira vite". 

Vendredi 26, re-coup de fil du ministère : "Il nous faut VRAIMENT votre avenant, sinon on vous considère en congé sans traitement et votre monitorat ne validera pas votre agrégation" (ce qui signifie plus ou moins : "tu as bossé comme une dingue pour avoir ton agrégation ? eh bien, tant pis pour toi ! tu vas la perdre à cause d'administratifs glandus incapables de faire leur boulot en temps et en heure !") J'ai donc passé l'après-midi à essayer de joindre quelqu'un au SPE : évidemment, personne n'a répondu. Seul résultat : j'ai grillé mon forfait.

J'y suis donc allée lundi 29 aux aurores : "Oui, oui, je sais, je suis désolée, mais l'université a obtenu du ministère un délai jusqu'au 8 décembre. On fait tout signer aujourd'hui et je commence demain à appeler les doctorants pour qu'ils viennent signer."

Au bout de quatre jours, toujours pas de nouvelles. J'y retourne : "Ecoutez, je suis désolée, mais le texte est encore en attente de validation et moi, à ce stade, je ne peux vraiment plus rien faire. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est l'université qui a demandé un délai au Ministère, donc ils vont être obligés de le respecter..." Voilà qui était vraiment du meilleur augure...

Et, aujourd'hui, le coup de grâce dans un mail de la secrétaire de mon UFR : "Je vous informe que le SPE sera fermé du lundi 6 au vendredi 10 décembre inclus, pour cause de déménagement". 

Donc, là, j'ai pété les plombs et envoyé un mail très énervé à la directrice des ressources humaines, expliquant, en gros, qu'il s'agissait de mon avenir, que ça faisait plus de deux mois qu'ils ne faisaient pas leur travail et que s'ils ne se magnaient pas TRÈS VITE le cul, j'allais leur exploser la gueule à mains nues contre un mur.

Tactiquement, je pense que ce n'était pas très futé. 

Humainement, bordel, qu'est-ce que ça fait du bien !

Et ce n'est qu'un début : qu'ils attendent demain ! déménagement ou pas, je viens aux aurores pousser une GROSSE gueulante !!! Ils ont intérêt à déménager sur Neptune, car la colère d'Achille sera de la gnognotte à côté de mon Ire !!!

("Anger & Axis CBS LosAngeles Graffiti Art", photo par anarchosyn ; source : FlickR)



Mise à jour du 08/12/10 : ça y est, j'ai enfin signé ! J'avais deux mails hier matin, un de la responsable des ressources humaines, un d'une dame dont je n'avais encore jamais entendu parler, m'indiquant que mon contrat était prêt ! Ai scanné et envoyé le tout par mail à l'Education nationale dès que je suis rentrée chez moi. Aucun accusé de réception, mais je suppose que l'absence de coup de fil de leur part vaut tout comme. 

6 commentaires:

  1. Ben ouais, c'est comme ça l'administration à la fac. Il faut dire que les universités ont plutôt cherché à maintenir les postes d'EC et ont donc fait des économies sur les postes administratifs ; ces personnels sont souvent des pauvres précaires avec des CDD à mi-temps renouvelables tous les ans qui doivent gérer les dossiers de centaines d'étudiants et de profs pour lesquels ils ne sont pas qualifiés (sinon il faudrait les payer plus).

    J'espère que tu commences à réaliser à quel point il est insupportable d'avoir ces grandes écoles qui accaparent tous les moyens pour une poignée d'étudiants (je suis l'"énervé" par l'ENS et j'attends la fin!). Tu comprends maintenant ce qu'on doit subir par rapport aux conditions d'études de l'ENS et pourquoi je parlais de "maternage" ; les études à la fac ressemblent un peu au Vietnam à côté.

    RépondreSupprimer
  2. Là, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'un service qui fonctionne avec des étudiants ou d'anciens étudiants sous-payés et exploités, mais d'un service avec personnel fonctionnaire, très certainement en CDI, qui ne fait pas son boulot.

    Les Grandes Ecoles n'ont, en l'occurrence, rien à voir là-dedans (la fin arrive, je n'ai pas oublié ; je finis de la rédiger et je la mets en ligne dès que j'arrive à relever le nez de mes copies) : il faudrait arrêter d'en faire les responsables de tout et n'importe quoi. Si les sandwichs de la fac sont dégueulasses, ce sera la faute de l'ENS aussi (en plus, les sandwichs de l'ENS sont tout aussi dégueu) ?

    C'est comme pour les bourses au mérite et les salaires : il faut que l'Etat donne plus de moyens à l'université, point barre, d'autant que l'ENS aussi a de gros problèmes de budget (même si elle est loin d'être à plaindre en comparaison des autres, on est d'accord). Il n'y a qu'à voir la bibliothèque : personnel sous-payé, acquisitions difficiles, informatisation pas faite après 1996, etc.

    Enfin : je SAIS combien les études à la fac peuvent ressembler au Vietnam, ça fait cinq ans que j'y étudie (six, si on compte le parcours du combattant pour m'inscrire en cumulatif quand j'étais en troisième année de prépa)!

    RépondreSupprimer
  3. Ah ouais quand même... le truc bien dans l'affaire, c'est qu'ils ont été en contact avec le Ministère, donc le Ministère a dû leur râler dessus aussi. Et là, tu as vraiment fait tout ce que tu pouvais, donc si le service en question à la fac ne suit pas, tu n'y peux pas grand-chose.

    Sauf que c'est quand même ultra flippant et que ce serait scandaleux que ce soit à toi de payer les pots cassés, donc je comprends le recours ultime à la stratégie de survie "coup de gueule pour avoir ce p**** de papier urgent".

    @ Anonyme : Accessoirement, les élèves des ENS sont aussi inscrits en fac en parallèle, donc ils ont autant intérêt que n'importe quel étudiant à ce que les facs aient des sous et fonctionnent correctement. Il n'y a aucun conflit d'intérêt dans l'histoire.
    Quand aux aspects les plus injustes de la politique de prestige dont bénéficie en partie une structure comme l'ENS, ils sont à considérer dans une démarche politique qui affecte le monde de l'éducation et de la recherche dans son ensemble (gestion autonome des facs changées en simili-entreprises, mise en concurrence des facs les unes avec les autres, création de "pôles d'excellence" un peu partout) et qui vise à renforcer ou à créer une éducation à deux vitesses dont nous n'avons aucune envie que l'ENS devienne le symbole. Car stigmatiser les grandes écoles revient à ne voir que la partie émergée de l'iceberg de la réforme. Que penser du plus grand pouvoir accordé aux présidents d'universités par la réforme de la mastérisation, et des prétendues "primes d'excellence" qui divisent pour mieux régner ? La logique concurrentielle n'existe pas que dans une opposition facile entre les grandes écoles et la fac, elle existe aussi et même surtout dans les facs elles-mêmes (et dans toutes les structures affiliées : équipes de recherche, écoles doctorales, etc.), et l'autonomie des universités ne fait que renforcer ce panier-de-crabage.

    Je pense pour ma part que le système des prépas-grandes écoles et le système de la fac ont tous les deux leur raison d'être, puisqu'ils répondent à des besoins différents et peuvent intéresser différents profils d'étudiants (encore une fois, on peut être excellent mais "pas fait pour le concours". Pour rester dans mon domaine, certains des plus grands spécialistes de la Grèce ancienne, Jean-Pierre Vernant par exemple, n'étaient pas normaliens et n'ont pas l'air en avoir été moins brillants). Mais le "maternage" dont vous parlez (très politique) n'a pas lieu d'être, ni d'être renforcé - nous sommes d'accord.

    Le problème de la politique actuelle est qu'elle tend à créer, de façon générale, un enseignement à deux vitesses, tous domaines confondus, avec un nombre restreint de postes dits d'excellence et une précarisation du reste. Mais cela n'a rien à voir avec la raison d'être des grandes écoles publiques, fondées sur les concours de la fonction publique (à bien distinguer des écoles privées et payantes), qui était de former des enseignants-chercheurs à partir d'une sélection fondée sur un concours aussi impartial que possible. Il ne faut pas confondre le principe du système avec ses dysfonctionnements effectifs (qu'on peut corriger), ni avec les directions plus ou moins souhaitables que les réformes successives peuvent lui faire prendre (et qu'on peut réformer dans l'autre sens).

    RépondreSupprimer
  4. Au fait, ils acceptent les envois de documents importants (TM) par mail à l'Educ Nat, maintenant ? Un parano comme moi irait jusqu'à leur téléphoner pour s'assurer qu'ils ont bien tout reçu et que tout est vraiment bien qui finit vraiment bien. Mais je suis un cas, donc pas forcément un exemple ^^

    RépondreSupprimer
  5. Ils l'acceptent quand ils sont particulièrement désespérés face à l'inorganisation universitaire...

    Au début, j'avais proposé de faire ça seulement en attendant qu'ils reçoivent la vraie photocopie par la poste et la responsable m'a dit au téléphone : "Non, mais, vous savez, je peux aussi l'imprimer moi-même, à ce point...".

    Etant donné qu'ils savent tout à fait me téléphoner en catastrophe quand il manque quelque chose, je pense que, s'ils ne me contactent pas aujourd'hui, c'est que tout va bien, d'autant qu'ils se sont apparemment plus ou moins donné jusqu'au 15 avant de vraiment considérer que les gens qui n'ont rien envoyé sont en CST.

    RépondreSupprimer
  6. @Lina: Un détail juridique. Un personnel fonctionnaire ne peut être en CDI, tout simplement car un fonctionnaire n'a pas de contrat de travail. Le fonctionnaire est dans une situation statutaire et règlementaire, autrement dit sa relation à son employeur est fixée par la loi, les décrets, les arrêtés, et non par contrat.

    Et, en effet, parmi les personnels dépassés, il n'y a pas que des CDD sous-formés. Il y a des titulaires auquel on donne trop de charge de travail, ou encore des titulaires à qui on confie des responsabilités au dessus de leurs qualifications formelles. Il y a aussi, c'est vrai, des gens qui ne savent pas s'organiser, mais qui ont réussi à avoir un concours administratif, qui justement ne mesure pas cette qualité (je ne sais pas, peut-être avaient-ils lu la Princesse de Clèves).

    On en conclut que dans un laboratoire de recherche, l'agrément de travail des chercheurs dépend énormément de la qualité des personnes administratifs, et que quand on a une bonne secrétaire il faut lui donner envie de rester. :-)

    RépondreSupprimer