Sur le papier, ça n'a pas l'air, comme ça. Vous voyez sur la plaquette de présentation des cours : "séminaire mensuel" ; vous tiquez sur "le samedi matin de 10h à 12h30" ; vous en parlez à votre cheffe, qui en est une des organisatrices, pour savoir ce que c'est exactement ; vous en ressortez avec l'impression que ça a l'air bougrement intéressant, l'horaire et la périodicité ayant été choisis de cette manière parce qu'on fait venir pas mal de participants d'endroits différents. D'où votre conclusion : "Bon, ce n'est qu'un samedi par mois... Pour un samedi par mois, je peux me lever."
Ouais.
Ça, c'est la théorie.
Parce que, dans la pratique, s'il est tout à fait faisable de mettre son réveil à huit heures (notez que je gagne une heure sur les jours de semaine !) et de se traîner sous la douche avant d'avoir eu le temps de se rendormir, bercée par les catastrophes quotidiennes déversées fidèlement par le journal à la radio, le séminaire du samedi souffre de deux défauts qui le minent et font que c'est vraiment une manifestation de volonté et de motivation que d'y assister :
Un : il vous fout quand même votre week-end en l'air. Parce que, de quoi est synonyme le mot "week-end" pour la plupart des gens, y compris pour ceux qui ont un plan et une bibliographie de M2 à rendre, ainsi qu'un projet de thèse à monter, et qui vont donc le passer à bosser (toute ressemblance avec un cas connu n'étant absolument pas fortuite) ? "Grasse matinée". C'est beau, une grasse matinée : c'est la libération de la tyrannie du réveil, c'est le sentiment qu'on a, enfin, le temps de se réveiller quand on veut, de se lever, de déjeuner et de décider (ou non) de prendre une douche et de s'habiller.
Quand on a un séminaire le samedi matin, on est crevé comme d'habitude le vendredi, on est quand même obligé de se lever tôt le lendemain matin, comme si c'était un jour ordinaire, le samedi après-midi paraît inexistant, le dimanche passe encore plus vite et, au finish, on arrive au dimanche soir avec la même idée qu'on avait en tête le vendredi à la même heure : "Merde ! demain, il va falloir se lever".
(Hermaprodite endormi. Hermaphrodite : marbre grec, copie romaine du IIe siècle ap. J.-C. d'après un original hellénistique du IIe siècle av. J.-C., restauré en 1619 par David Larique ; matelas : marbre de Carrare, réalisé par le Bernin en 1619 sur commande du cardinal Borghèse ; musée du Louvre ; photo par Jastrow (2007) ; source : Wikipedia Commons)
Et deux : ça tombe toujours au mauvais moment. Toujours. C'est toujours le week-end où, précisément, on aurait vraiment besoin de dormir tout son saoul le samedi matin, où on a prévu un truc, où on aurait dû aller je ne sais où, où on devait voir quelqu'un, etc., etc., rayez la mention inutile (s'il y en a une). Pour vous donner deux exemples personnels : ce mois-ci, pour moi, ça tombe la veille de mon départ pour l'Italie ; le mois prochain, je me suis rendue compte ce matin que c'est le lendemain de l'arrivée de mon copain. Et pourtant, tout le monde se met d'accord sur les dates, chacun essaie d'arranger l'autre et la phrase prononcée cent fois à la ronde est "C'est comme vous voulez, moi, je n'ai rien de prévu".
Evidemment : quatre mois à l'avance, sauf colloque dans les tuyaux depuis six mois, personne n'a quelque chose de prévu. La seule demande, c'est "Heu... Moi, j'ai des enfants et, là, ça tombe en plein dans les vacances scolaires, alors si on pouvait décaler un peu...". Mais, au final, comme par "magie", ça tombe toujours au plus mauvais moment. Damenèd.
En même temps, si on sèche, ça veut dire qu'il y aura deux mois entre la dernière séance et la prochaine.
Pourtant, le séminaire du samedi matin a des arguments pour lui. D'abord, l'ambiance n'est pas la même : elle est plus détendue, c'est quand même presque comme si on était en week-end, d'ailleurs on fait un "goûter", à un moment, au milieu de ces deux heures et demie... Et puis on est entre gens motivés, il y a une certaine reconnaissance entre les uns et les autres, presque comme entre des initiés. On rencontre des gens qu'on ne rencontrerait peut-être pas autrement, on se fait voir, aussi, lorsqu'on est étudiant ou jeune chercheur, on peut prendre la parole en sentant moins l'épée de Damoclès de la Connerie suspendue au-dessus de sa tête...
Bref, le séminaire du samedi, c'est sympa.
Mais, bon, c'est quand même le samedi matin, quoi.
PS : Ceux qui ont suivi auront vu que je pars en Italie demain. Je ne rentre que jeudi, donc ne vous attendez pas à ce que je poste beaucoup pendant ce temps-là.
Ceci dit, pour me faire "pardonner" (et vous faire saliver d'avance), je vous promets ensuite une traduction du chapitre que A. J. Woodman, très grand chercheur anglais en historiographie latine, a écrit pour le Companion to Greek and Roman Historiography et qui est une démonstration magistrale de la nécessité de lire les textes antiques dans la langue originale.
Je le ferai même avec d'autant plus de fierté que, après envoi d'un mail, j'ai reçu non seulement une réponse (la classe ! Ne vous foutez pas de moi : quand on a attendu pendant des semaines que quelqu'un réponde à votre mail...), mais en plus son autorisation (s'il n'avait pas été d'accord, vous n'en auriez bien sûr pas vu la couleur) ! Donc coming soon...!
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