Chère Monique (tu permets que je t'appelle Monique ? Après tout, c'est la quatrième année que tu es ma directrice),
depuis le temps qu'on se connaît, toi et moi, je pense qu'il est temps que je te donne un petit conseil. Non, ne me remercie pas, il vrai que je ne suis allée à aucun de tes buffets (qui, ai-je entendu dire, sont excellents, d'après ce qu'en disent les internes du Vème, qui essaient ainsi de palier la tambouille très peu digérable du Pot du soir), mais vois-tu, c'est la deuxième année que tu passes pour une boulette pour les mêmes raisons et sur le même sujet, alors je considère qu'il est de mon Devoir d'Elève et, surtout, d'Interne, de te donner un coup de pouce. Après tout, sait-on jamais, des bruits de couloirs disent que tu seras reconduite pour quatre nouvelles années (et, les bruits de couloirs, c'est mon affaire, en ce moment).
Le sujet est grave, tu t'en rendras tout de suite compte. Il s'agit des exercices d'évacuation. Il y en a un tous les ans, plus ou moins dans la nuit, pour vérifier que tout est (relativement) au point, ce qui est parfaitement normal pour un internat. Je t'avouerai que je n'ai aucun souvenir de celui qui a eu lieu pendant ma première année à Montrouge (peut-être pour la très bonne raison que je n'y étais sans doute pas présente cette nuit-là) ; l'année dernière, c'était vers 22h30, je sortais à peine d'une douche bien méritée après deux heures de cours de danse et je me rappelle m'être félicitée que ce ne soit pas arrivé une dizaine de minutes plus tôt, quand j'avais encore du shampooing plein les cheveux ; cette année, c'était vers 6h du matin, j'avais hésité la veille entre mettre mon réveil pour aller à la BNF, et dormir encore un peu, j'étais tentée par l'idée de repousser l'Heure Fatidique, l'alarme a réglé la question : c'était fort gentil au service "Hygiène et Sécurité" ne m'aider à trancher ce Dilemme (et de m'arracher aux bras de Morphée).
En fait, là n'est pas le problème. Le problème, c'est que, depuis deux ans, tu te fends d'une petite lettrounette pour nous informer qu'il y a eu un exercice d'évacuation : l'année dernière, elle était affichée sur les portes des deux tours ; cette année, nous avons l'Immense Honneur d'en avoir chacun un exemplaire dans notre casier.
Or, de toute évidence, celle de l'an dernier n'était qu'un amuse-gueule. Datée du 20 octobre, elle parlait d'un exercice qui, "comme vous avez pu le constater", avait eu lieu le... jeudi 26 octobre. Comment te dire ? il était déjà amusant de te voir parler, avec six jours d'avance dignes de la Sibylle et de la Pythie réunies, d'un exercice qui avait en fait eu lieu le 14, soit précisément six jours avant, mais apprendre en plus qu'il allait y avoir un jeudi 26, alors que c'était un samedi devenait désopilant et trahissait de ta part quelques petits problèmes de repérage dans le temps (ou d'agenda, au choix, dans le sens le plus matériel de cette expression).
Nous avions donc déjà beaucoup ironisé, comme des chacals agrégatifs que nous étions alors (et que nous sommes encore aujourd'hui : il suffit juste de remplacer "agrégatifs" par "agrégés"). Nous ne nous doutions pas que tu ferais encore mieux cette année.
Ta note est exquise, vraiment. A vrai dire, je ne suis même pas sûre qu'elle soit vraiment destinée aux internes. Datée du 25 janvier, elle revient sur l'exercice d'évacuation qui a eu lieu le... 16 octobre : quelle Célérité Administrative. Je reconnais d'ailleurs bien volontiers que je ne me souviens pas de la date avec exactitude, mais je soupçonne quand même que tu t'es un chouïa gourée cette fois-ci aussi, parce que tu parles d'un vendredi : or ma matinée du vendredi est archi pleine, donc il était fort peu probable que je planifie d'aller à la BN ce jour-là ; personnellement, je parierais plutôt sur le jeudi 15, mais bon, on ne va pas chipoter.
Le texte commence exactement par la même phrase que l'année dernière : "Comme vous avez pu le constater, un exercice d'évacuation a eu lieu le...". Je serais vilaine et mauvaise langue, je dirais que tu as seulement changé la date (enfin, "toi" : ta secrétaire, quoi !), mais ce ne serait vraiment pas chou et puis, pour introduire ce genre de papier, c'est vrai qu'il n'y a pas quinze mille formules possibles.
Ce que je goûte par contre tout particulièrement, c'est lorsque, après nous avoir rappelé que c'est-obligatoire-et-pour-notre-sécurité, tu nous annonces que c'est aussi l'occasion pour nous de nous "familiariser avec la tonalité du signal d'évacuation". Aaaaahhh... la douce tonalité du signal d'évacuation... ces deux notes charmantes qui retentissent avec la légèreté d'un deux tonnes et l'harmonie naturellement parfaite du nouveau visage plastifié d'Ornella Muti... Non, vraiment, là, c'est moi qui te remercie.
Suit la récapitulation des consignes à suivre. Je ne les détaillerai pas ici (ce post prend déjà suffisamment d'ampleur), mais je te ferai remarquer que, étant donné que nous autre, internes de Montrouge, vivons dans les tours B et C, nous n'avons aucune idée d'à quoi correspondent les points de rassemblements que sont "le long du tennis" (on a un tennis, à l'internat ???), "le long de la tour L" et "le long de la rue Pasteur" (ah, si, attends, je viens de trouver sur Google Map ; il semblerait qu'on ait vraiment un tennis ! Waow ! Mais pourquoi, en trois ans, n'en ai-je jamais entendu parler ?). Le plan annoncé ci-joint nous serait donc en effet fort utile... si, ci-joint, il l'avait été effectivement.
Enfin, ce qui me fait douter que cette note faite à la va comme j'te pousse ait vraiment été destinée aux internes, tu nous remercies de notre "participation active à l'amélioration de la sécurité sur notre lieu de travail". Notre "lieu de travail" ? un internat ? Ok, dans mon cas, je veux bien, mais un internat, c'est quand même censé être majoritairement un lieu de vie, non ? Bon, je sais, vous autres, à l'admin', vous avez "un peu" tendance à l'oublier (je passe sur la "capacité" du frigo, dont j'ai déjà parlé, mais, par exemple et pour faire dans le trivial, s'il était possible de renouveler le papier toilette plus souvent que toutes les trois semaines, ça m'éviterait d'avoir l'impression de me retrouver périodiquement de nouveau à Madagascar), mais quand même.
Je ne serai bientôt plus à l'internat : je vais devoir m'Aventurer dans le Vrai Monde, avec un vrai loyer et de vraies factures d'eau, d'électricité, de chauffage, d'internet, etc. Mais, je t'en prie, fais-moi plaisir, l'an prochain, cesse de contribuer à la déforestation massive de l'Amazonie en nous pondant une note de ce genre (je te rappelle qu'une liasse sur les consignes d'évacuation en cas d'incendie nous est distribuée tous les ans, en début d'année, quand nous venons récupérer notre clé), surtout quand, en plus, le résultat en est une si belle cagade.
depuis le temps qu'on se connaît, toi et moi, je pense qu'il est temps que je te donne un petit conseil. Non, ne me remercie pas, il vrai que je ne suis allée à aucun de tes buffets (qui, ai-je entendu dire, sont excellents, d'après ce qu'en disent les internes du Vème, qui essaient ainsi de palier la tambouille très peu digérable du Pot du soir), mais vois-tu, c'est la deuxième année que tu passes pour une boulette pour les mêmes raisons et sur le même sujet, alors je considère qu'il est de mon Devoir d'Elève et, surtout, d'Interne, de te donner un coup de pouce. Après tout, sait-on jamais, des bruits de couloirs disent que tu seras reconduite pour quatre nouvelles années (et, les bruits de couloirs, c'est mon affaire, en ce moment).
Le sujet est grave, tu t'en rendras tout de suite compte. Il s'agit des exercices d'évacuation. Il y en a un tous les ans, plus ou moins dans la nuit, pour vérifier que tout est (relativement) au point, ce qui est parfaitement normal pour un internat. Je t'avouerai que je n'ai aucun souvenir de celui qui a eu lieu pendant ma première année à Montrouge (peut-être pour la très bonne raison que je n'y étais sans doute pas présente cette nuit-là) ; l'année dernière, c'était vers 22h30, je sortais à peine d'une douche bien méritée après deux heures de cours de danse et je me rappelle m'être félicitée que ce ne soit pas arrivé une dizaine de minutes plus tôt, quand j'avais encore du shampooing plein les cheveux ; cette année, c'était vers 6h du matin, j'avais hésité la veille entre mettre mon réveil pour aller à la BNF, et dormir encore un peu, j'étais tentée par l'idée de repousser l'Heure Fatidique, l'alarme a réglé la question : c'était fort gentil au service "Hygiène et Sécurité" ne m'aider à trancher ce Dilemme (et de m'arracher aux bras de Morphée).
En fait, là n'est pas le problème. Le problème, c'est que, depuis deux ans, tu te fends d'une petite lettrounette pour nous informer qu'il y a eu un exercice d'évacuation : l'année dernière, elle était affichée sur les portes des deux tours ; cette année, nous avons l'Immense Honneur d'en avoir chacun un exemplaire dans notre casier.
Or, de toute évidence, celle de l'an dernier n'était qu'un amuse-gueule. Datée du 20 octobre, elle parlait d'un exercice qui, "comme vous avez pu le constater", avait eu lieu le... jeudi 26 octobre. Comment te dire ? il était déjà amusant de te voir parler, avec six jours d'avance dignes de la Sibylle et de la Pythie réunies, d'un exercice qui avait en fait eu lieu le 14, soit précisément six jours avant, mais apprendre en plus qu'il allait y avoir un jeudi 26, alors que c'était un samedi devenait désopilant et trahissait de ta part quelques petits problèmes de repérage dans le temps (ou d'agenda, au choix, dans le sens le plus matériel de cette expression).
Nous avions donc déjà beaucoup ironisé, comme des chacals agrégatifs que nous étions alors (et que nous sommes encore aujourd'hui : il suffit juste de remplacer "agrégatifs" par "agrégés"). Nous ne nous doutions pas que tu ferais encore mieux cette année.
Ta note est exquise, vraiment. A vrai dire, je ne suis même pas sûre qu'elle soit vraiment destinée aux internes. Datée du 25 janvier, elle revient sur l'exercice d'évacuation qui a eu lieu le... 16 octobre : quelle Célérité Administrative. Je reconnais d'ailleurs bien volontiers que je ne me souviens pas de la date avec exactitude, mais je soupçonne quand même que tu t'es un chouïa gourée cette fois-ci aussi, parce que tu parles d'un vendredi : or ma matinée du vendredi est archi pleine, donc il était fort peu probable que je planifie d'aller à la BN ce jour-là ; personnellement, je parierais plutôt sur le jeudi 15, mais bon, on ne va pas chipoter.
Le texte commence exactement par la même phrase que l'année dernière : "Comme vous avez pu le constater, un exercice d'évacuation a eu lieu le...". Je serais vilaine et mauvaise langue, je dirais que tu as seulement changé la date (enfin, "toi" : ta secrétaire, quoi !), mais ce ne serait vraiment pas chou et puis, pour introduire ce genre de papier, c'est vrai qu'il n'y a pas quinze mille formules possibles.
Ce que je goûte par contre tout particulièrement, c'est lorsque, après nous avoir rappelé que c'est-obligatoire-et-pour-notre-sécurité, tu nous annonces que c'est aussi l'occasion pour nous de nous "familiariser avec la tonalité du signal d'évacuation". Aaaaahhh... la douce tonalité du signal d'évacuation... ces deux notes charmantes qui retentissent avec la légèreté d'un deux tonnes et l'harmonie naturellement parfaite du nouveau visage plastifié d'Ornella Muti... Non, vraiment, là, c'est moi qui te remercie.
Suit la récapitulation des consignes à suivre. Je ne les détaillerai pas ici (ce post prend déjà suffisamment d'ampleur), mais je te ferai remarquer que, étant donné que nous autre, internes de Montrouge, vivons dans les tours B et C, nous n'avons aucune idée d'à quoi correspondent les points de rassemblements que sont "le long du tennis" (on a un tennis, à l'internat ???), "le long de la tour L" et "le long de la rue Pasteur" (ah, si, attends, je viens de trouver sur Google Map ; il semblerait qu'on ait vraiment un tennis ! Waow ! Mais pourquoi, en trois ans, n'en ai-je jamais entendu parler ?). Le plan annoncé ci-joint nous serait donc en effet fort utile... si, ci-joint, il l'avait été effectivement.
Enfin, ce qui me fait douter que cette note faite à la va comme j'te pousse ait vraiment été destinée aux internes, tu nous remercies de notre "participation active à l'amélioration de la sécurité sur notre lieu de travail". Notre "lieu de travail" ? un internat ? Ok, dans mon cas, je veux bien, mais un internat, c'est quand même censé être majoritairement un lieu de vie, non ? Bon, je sais, vous autres, à l'admin', vous avez "un peu" tendance à l'oublier (je passe sur la "capacité" du frigo, dont j'ai déjà parlé, mais, par exemple et pour faire dans le trivial, s'il était possible de renouveler le papier toilette plus souvent que toutes les trois semaines, ça m'éviterait d'avoir l'impression de me retrouver périodiquement de nouveau à Madagascar), mais quand même.
Je ne serai bientôt plus à l'internat : je vais devoir m'Aventurer dans le Vrai Monde, avec un vrai loyer et de vraies factures d'eau, d'électricité, de chauffage, d'internet, etc. Mais, je t'en prie, fais-moi plaisir, l'an prochain, cesse de contribuer à la déforestation massive de l'Amazonie en nous pondant une note de ce genre (je te rappelle qu'une liasse sur les consignes d'évacuation en cas d'incendie nous est distribuée tous les ans, en début d'année, quand nous venons récupérer notre clé), surtout quand, en plus, le résultat en est une si belle cagade.
Il fut un temps où il n'y avait pas de sirènes en bon état de fonctionnement dans tous les bâtiments. Un employé devait alors passer dans les couloirs avec un mégaphone. Une année, le message d'alerte n'est pas passé, et à l'issue de l'exercice le rapport de mon laboratoire a été « la plupart des gens ne sont pas sortis parce qu'ils n'ont rien entendu ni remarqué ».
RépondreSupprimerC'est pas mal, le coup du mégaphone : ils ont de l'idée (et pas de moyens).
RépondreSupprimerMaintenant, il suffit qu'une casserole de lait déborde sans que la totalité des fenêtres de la cuisine soit ouverte pour que toute la tour soit bonne pour se retrouver, au petit matin, debout dans le froid en attendant l'autorisation de remonter...
Ne vous plaignez pas, il y a 10 ans les tours de Montrouge auraient pu être fermées en raison du non respect des normes incendie. Je crois qu'il a fallu installer des affiches « n'utilisez pas les ascenseurs en cas d'incendie » (facile) et changer les portes pour mettre des portes anti-feu (plus dur).
RépondreSupprimerIl y a toujours les baignoires d'étage que personne n'utilise?
Des baignoires d'étage ??? C'est la première fois que j'entends parler de ça ! Elles étaient où ? dans la pièce en face des toilettes qui est maintenant réservée au "service" ?
RépondreSupprimerÇa doit être ça. C'est loin...
RépondreSupprimerLes douches se bouchent toujours autant? À l'époque, il fallait toujours avoir du Destop ou équivalent chez soi.