vendredi 2 avril 2010

De l'amour des grammairiens latins comme grave perversion

Vous vous souvenez de mes déboires avec mon fameux Pseudo-Fronton ? Voici la suite.

Un peu désespérée devant la note désespérément rouge qui me rappelait, en plein milieu de ma première partie, que je n'avais rien de chez rien sur ce satané grammairien dont-on-a-cru-que-c'était-Fronton-mais-en-fait-non-mais-on-sait-pas-non-plus-son-vrai-nom, j'ai fini par envoyer à Chef un mail un peu désespéré, qui m'a aussi servi de prétexte pour lui demander comment il voulait prendre connaissance de ladite première partie (post là-dessus à venir). Et Chef m'a répondu : «Vous avez regardé dans les Grammatici Latini de Kiel ?»

Le Kiel, c'est un recueil des textes des grammairiens latins des IIIème-IVème siècles, fait au milieu du XIXème siècle (donc tout en latin, sans traduction ; ne hurlez pas à la lune, ça aurait pu être pire, du moins de mon point de vue : il aurait pu être tout en allemand :p) Ô bonheur ! la Piste était bonne : non seulement j'ai trouvé mon Pseudo-Fronton, mais je l'ai trouvé en ligne (ça me fait penser que ce serait une bonne idée de faire quelque chose sur les textes antiques disponibles sur internet) !

Mais bon, fidèle à mon credo, j'ai quand même voulu vérifier sur un vrai bouquin, avec une couverture, du papier et - très probablement, hélas - un nuage de poussière à chaque page tournée.

Je passe sur le temps idiot qu'il m'a fallu pour mettre la main dessus : j'ai buggué, je ne sais pas comment, et erré pendant une demi-heure dans le rayon, puis dans les salles en examinant les livres sur les tables, des fois qu'ils aient été sortis et pas rangés. Grâces soient rendues à ma copine qui bosse sur la littérature latine tardive et sait donc parfaitement où se trouve le fameux bouquin.

Mon problème, c'est que, sur internet, j'ai trouvé mon passage non sous le nom de Fronton ou de Pseudo-Fronton, mais sous celui de Charisius. Vous n'en avez jamais entendu parler ? rassurez-vous, moi non plus, mais étant donné que le nom "Pseudo-Fronton" est un pis-aller, il est logique d'en conclure que l'auteur a fini par être identifié. La Recherche avance, quoi qu'en prétendent certains.

J'ai donc récupéré le tome I, dédié audit Charisius, et je l'ai épluché. Le problème, c'est que mon De Differentiis, annoncé dans le sommaire, disparaissait corps et bien une fois le nez mis dans le texte. Rien. Que dalle.

J'ai fini par m'installer avec le bouquin devant un ordi et refaire une recherche sur le texte en ligne. Le truc, c'est que, précisément pour Charisius, ils utilisent une édition Teubner de 1964 (donc avec un établissement du texte béton). Mais ils donnent quand même les correspondances, sous-partie par sous-partie, avec l'édition de Kiel. Problème, mon passage était, lui aussi, situé dans un point noir.

A nouveau désespérée, j'ai fini par cliquer sur "Etablissement du corpus" et là, je tombe sur "Par exemple, les textes du pseudo-Fronto (GL 7,515-532 = 387-403 Barwick) et de l’anonyme De idiomatis generum (GL 4,573-584 = 450-463 Barwick) apparaissent sous le nom de Charisius".

Haaaalleluïa !!! Kiel ne savait pas encore que le De Differentiis était de Charisius et l'avait donc classé sous le nom de Pseudo-Fronton, au tome VII et non au tome I !

Sous le coup de l'enthousiasme, je tape "Charisius" dans le moteur de recherche de la bibliothèque d'Ulm et là, nouveau miracle ! IL Y EST !!!

Miracle de courte durée, i.e. le temps d'aller jusqu'au bout de la ligne : "Exemplaire manquant". Bah merde, alors ! Je suis allée vérifier : effectivement, il n'est pas là.

En ce qui me concerne, ce n'est pas grave, puisque les références données sur internet sont celles de l'édition, donc mon problème est résolu. Mais quand même : il y a vraiment de grands pervers qui rôdent dans la bibliothèque de l'ENS. Voler une édition d'un grammairien latin du IVème siècle : quelle idée ! Faut être sacrément dérangé !

3 commentaires:

  1. C'est une conspiration, ils ont entendu parlé de tes recherches via ton twitter... et wala :o! Ils ne voulaient pas être devancé au bout de 1600 ans quand même... c'est pas sympa! :p

    Bon courage ^^".

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  2. J'ai lu ta mésaventure avec une sincère compassion doublée aux franges d'une pointe de soulagement que me procurait la certitude de ne jamais avoir personnellement affaire à ce Charisius.
    Je suis ensuite allé sur le CGL (chouette, un corpus en ligne que je connaissais pas) et j'ai rentré un mot dans le moteur de recherche, au hasard, Pélops.
    Charisii ars, K. Barwick 1964, hein ?
    Bon bah, il y a une occurrence de Pélops dedans.
    Eet meerde...

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  3. De toutes façons, les références de l'édition sont données et, comme c'est une Teubner, il n'y aurait pas eu de traduction avec, donc on n'y perd pas grand chose, mais quand même !

    Ceci dit, tu peux aussi te consoler avec Pricien, Diomède, Scaurus et Arusianus Messius... s'ils sont à la bibli et si le même pervers n'a pas sévi pour eux aussi !


    @Paige : Aaaah... C'est donc ça ! La Secte des Adversaires Cachés des Antiquisants a encore frappé...!

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