dimanche 7 novembre 2010

To register or not to register ?

Comme tous les ans à peu près au même moment, j'ai reçu la petite enveloppe de l'association des élèves et anciens élèves de l'ENS (qui s'appelle maintenant "A' Ulm", au lieu de "AAEENS"- Association des Anciens Elèves de l'ENS -, ce qui est une amélioration notable, de mon point de vue, et regroupe également les "amis" de l'ENS, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de lien direct avec nous, mais qui voudraient quand même nous soutenir en versant des sous-sous). Et, comme tous les ans, je me pose la même question : to register or not to register ? 

La première année où j'étais à l'Ecole, j'étais assez tentée : d'abord parce que ma mère était très enthousiaste ("Penses à ta mère, qui adoooorerait que sa fille soit dans le même catalogue que tous ces gens connus, hein ! Fais-moi plaisir !"), ensuite parce que je trouvais absolument fandard de faire figurer mon bled dans ce registre, à la rubrique "classement par villes et départements". Au final, la fiche d'inscription a dû partir à la poubelle avec la tonne et demie de documentation inutile qui nous est distribuée en début de première année, car, quand j'y ai repensé, environ six mois plus tard, elle avait Mystérieusement Disparu. 

Ensuite ce sont posés des problèmes plus éthiques, encore actuels aujourd'hui. Que je vous dise tout de suite, je n'aime pas trop le côté "on forme un petit club d'initiés et on se sert les coudes entre nous, les autres peuvent crever". Je ne dis pas que c'est l'état d'esprit de "A' Ulm", loin de là, mais c'est quand même à cela que ça sert : je suis normalien, Bidule est normalien aussi, je ne le connais pas le moins du monde, mais je vais me servir de ça pour me faire plus ou moins pistonner. Personnellement, je ne suis pas du tout dans ce genre de "social networking", mais c'est sans doute aussi une question d'origine sociale et familiale. 

Maintenant, je trouve très bien ce que fait cette association pour aider les jeunes (et moins jeunes) normaliens dans la merde (parce qu'il y en a) ou pour simplement donner un coup de pouce financier à la réalisation de projets (l'année dernière, les profs d'épigraphie et de paléo se sont débrouillés pour qu'ils nous remboursent intégralement le voyage d'étude commun à Lyon). Et évidemment que, si jamais je reçois un mail d'un jeune qui aurait besoin d'aide, ça ne me posera aucun problème. Mais je l'aiderai et répondrai à ses questions, qu'il soit normalien ou pas : ça ne changera pas. Je dirai même : jouer sur une pseudo-solidarité normalienne serait le meilleur moyen de se faire envoyer balader ; si je peux vous aider, je le ferai, d'où que vous veniez. C'est comme cela que fonctionne (ou devrait fonctionner) la méritocratie républicaine et j'adhère tout à faire à cette manière de penser.

Enfin, argument final qui risque fort d'emporter le morceau, l'inscription dans l'Archicubier (l'annuaire des anciens élèves, qui sont appelés "archicubes" une fois sortis de l'Ecole) représente aussi, d'une certaine manière une sorte de preuve que vous êtes bel et bien normalien. Ce n'est pas que j'éprouve le besoin de le prouver (je m'en fous, je sais que je le suis et si vous ne le croyez pas, c'est tant pis pour vous), encore moins de le proclamer (je ne suis d'ailleurs pas sûre que ce soit très stratégique pour faire carrière dans le monde universitaire, même si on ne correspond pas au cliché du normalien arrogant et imbu de lui-même). Mais enfin, c'est quand même une manière de reconnaître un état de fait.

Et, après tout, c'est à moi d'en faire ce que je veux, de cette inscription à l'Archicubier, n'est-ce pas ?


8 commentaires:

  1. Heureusement que tu ne refuse pas les avis de petits terminal S qui traîne sur ton blog! Enfin, personnellement je sais que j'ai aucune chance d'intégrer ( hahaha... j'ai quand même majoré en géographie, ma seule fierté d'hypokhâgneuse \o/ ) mais je sais que si j'ai des questions sur les lettres classiques : tu n'hésiteras pas à me répondre. Au contraire, se cantonner à un groupe de personne telle une sphère supérieure : c'est pas cela qui va permettre de rendre les langues anciennes plus accessibles. Enfin, l'ENS est un lien géographique et regroupe des personnes avec des passions très diverses : sciences, lettres, histoire... c'est plus une association de grande école qu'un moyen de discussion non?

    Quand tu as du mal à trouver les financements pour ta thèse, aucun ne s'est battu pour toi : tu as réussi à y parvenir seule... c'est assez vague comme lien on dirait! ^^.

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  2. Félicitation pour ta majoration en géo ! Je n'ai jamais réussi à faire ça ! Et ne tire pas un trait définitif sur l'intégration, c'est loin d'être joué en novembre... :)

    Les anciens élèves ne m'ont pas aidée parce qu'ils n'y pouvaient rien et que je ne leur ai rien demandé. Mais je crois qu'ils ont aussi des fonds pour financer certains thésards vraiment en rade.

    De toute façon, remplir leur formulaire ne voudra pas dire que je vais cesser d'essayer de combattre le préjugé selon lequel les lettres classiques ne seraient par définition pas accessibles à tous ! :)

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  3. Hum... je suis assez réaliste ^^... je suis dernière en italien avec 6...( arg ça fait mal quand on est habituée à etre première)... je suis dans le dernier tiers en français(7 de moyenne alors que celle de classe est à 9 x) ), de même en philo. Les seules matières où j'ai des notes correctes c'est grec (13 de moyenne ^^), latin ( 11 ), géographie (12) et histoire (9 alors que la moyenne de classe est à 6 :p)...

    Enfin, le plus important selon les profs c'est le classement au "khoncours" blanc qui commence le 25 novembre. Mais je suis assez sceptique pour le moment. Mais la bonne nouvelle, je suis en bonne voie pour mes 3 équivalences ^^ ( lettres classiques, histoire et géo)

    Carpe diem :p!

    Je devrais travailler au lieu de procrastiner... mais la tentation est trop forte x)

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  4. "La méritocratie républicaine" a quand même du plomb dans l'aile avec une école comme l'ENS. Elle sélectionne 3 fois ses étudiants (à l'entrée en prépa, en prépa et à l'entrée de l'ENS). On confie ces étudiants à 1500 profs alors qu'ils ne sont même pas 2000 (contre 640/17000 dans ma fac), ils ont des "voyages d'études", des zoulis locaux en plein cœur de Paris (ma fac est plutôt crasseuse), on leur "trouve" quasiment un job à la sortie et le comble, les normaliens sont payés (Argh!!!), 1300€/mois+logement (re-Argh!!!)!

    Et pour enfoncer le clou, il y a ces associations d'anciens, qui servent surtout à se pistonner ; je te remercie de ne pas rentrer dans ce jeu là.

    Bref, il n'y en a que pour eux et on les considère comme les meilleurs du monde à la sortie, encore heureux! ce serait un scandale si certains sortaient mauvais avec tous ces moyens déployés.

    Où est la valeur ajoutée des diplômes de l'ENS? Je me demande si un étudiant de fac, qu'on laisse se débrouiller durant tout son cursus, qui doit se battre pour le logement avec sa misérable APL de 150€/mois, qu'on abandonne pour son insertion professionnelle ne vaut pas plus qu'un normalien chéri et dorloté pendant tout son cursus.

    Je ne t'en veux pas d'avoir fait l'ENS, mais mesure bien ta chance et ne t'en fais pas pour ton boulot, tu es déjà fonctionnaire.

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  5. Le principe de départ de l'ENS, c'est précisément la méritocratie républicaine : la République paie les études de ses meilleurs élèves, en contrepartie d'un engagement décennal (et des impôts et cotisations sociales qu'on paie pendant ces quatre ans, bien sûr).

    Là où le bât blesse, c'est dans le défaut d'information des élèves des classes moyennes et populaires, qui, la plupart du temps, ne savent pas que cette option existe, alors qu'ils auraient des chances d'intégrer. L'école républicaine a donc, à mon avis, à se remettre en question en ce qui concerne sa contribution aux reproductions sociales et son manque d'ambition vis-à-vis de ces élèves-là (ce qui, de mon point de vue, est beaucoup scandaleux que le fait que les normaliens soient payés pendant quatre ans).

    La question n'est donc pas de savoir si les normaliens sont, dans tous les cas, absolument meilleurs que ceux qui n'ont fait que la fac : l'intégration signifie qu'ils l'ont été à un moment donné, et rien n'empêchait ceux qui sont à la fac de tenter la prépa et le concours. D'ailleurs, dans certaines filières, au niveau master, une bonne partie de l'effectif est constituée d'anciens préparationnaires.

    J'ai déjà expliqué ici pourquoi, dans une discipline en particulier, un normalien n'est pas nécessairement meilleur qu'un autres : je ne m'étendrai donc pas dessus. Je rappellerai cependant que nous passons majoritairement l'agrégation, nouveau moment où nous nous retrouvons en compétition avec les meilleurs de notre discipline, et que nous nous y révélons en général meilleurs que les autres.

    Après, est-ce qu'un étudiant de la fac est nécessairement plus motivé qu'un normalien ? Qu'est-ce qui compte le plus ? continuer malgré les difficultés liées au choix de la fac ou décider de travailler comme une brute pendant deux, trois, voire quatre ans, pour pouvoir faire ce qu'on aime dans de meilleures conditions ? Il faut être aussi sacrément motivé pour faire prépa et il ne me paraît pas pertinent de mettre les deux en compétition : ça fait un peu "eh bien, mon papa, il a une plus grosse voiture que la tienne !"

    Là où je te rejoins, c'est sur la question des bourses et, si tu te balades un peu sur ce blog, tu te rendras compte que, lorsque j'ai eu des problèmes pour avoir une bourse de thèse (car j'ai eu des problèmes pour avoir une bourse de thèse ; tu vois, tout ne nous tombe pas tout cuit dans le bec, loin de là) et que j'ai fait, en désespoir de cause, une demande à la fac, je trouvais tout à fait juste et normal de laisser les bourses de la fac aux étudiants de la fac, précisément parce qu'ils n'avaient pas profité de la chance qu'est l'intégration à Normale.

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  6. Maintenant, si j'ai un conseil à te donner, c'est de laisser tomber les clichés sur l'ENS : ils sont juste des signes de colère et d'amertume et nuisent à ton argumentation. Normale est loin de fonctionner comme les écoles de commerces, par exemple, qui, elles, effectivement, "dégottent" souvent des boulots à leurs élèves en fin de cursus ; être fonctionnaire-stagiaire (et non fonctionnaire, ce qui est très différent) ne te garantit en aucun cas un travail fourni par l'Etat à la sortie si tu ne te bouges pas et si tu n'es pas bon ; enfin, le nombre de 1500 profs à Ulm est tout simplement absurde : cela ferait presque un enseignant par élèves, ce qui est fort loin d'être le cas !

    On peut tout à fait remettre en question le système "parallèle" des Grandes Ecoles : je suis moi-même une des premières à m'interroger à ce sujet, surtout quand je vois le niveau de mes étudiants à la fac, qui n'a rien à envier à celui d'hypokhâgneux. J'en suis plus ou moins arrivée à envisager Normale comme un moyen de financer ses études au mérite, mais, effectivement, la question de la définition de ce mérite et de l'égalité des chances se pose de manière aiguë (de mon point de vue, le système universitaire français devrait comprendre beaucoup plus de bourses au mérite).

    Personnellement, je considère que j'en ai suffisamment chié pendant trois ans pour n'avoir volé ni mon salaire pendant les quatre années qui ont suivi, ni la bourse d'étude que j'ai finalement réussi à avoir pour ma thèse.

    Tu n'as donc pas à ne pas m'en vouloir ou non d'avoir fait l'ENS : je n'ai commis aucune faute, ni à ton égard, ni à celui de qui ou quoi que ce soit. Je ne ressens par conséquent aucun besoin d'absolution.

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  7. Le chiffre de 1500 profs, je l'ai eu sur wikipédia. Le site de l'ENS (http://www.ens.fr/spip.php?rubrique57) indique 800 EC, soit toujours plus que dans ma fac de 17000 étudiants. J'aurais bien aimé disposé d'un tel ration profs/élèves.

    La méritocratie peut se faire lorsqu'il y a égalité des chances, or une école dont le recrutement est confidentiel et qui paye ses étudiants est clairement avantagée. J'ai découvert l'existence de l'ENS en fac...
    Si les normaliens réussissent aussi bien l'agrégation, c'est peut-être parce qu'ils sont salariés (achat des bibliographies par ex), alors que les étudiants de l'Université doivent consacrer presque une année à la préparation du concours, en perdant les petits avantages du statut d'étudiant.

    Le système français sélectionne 20% des étudiants, s'en occupe très bien, et laisse tomber les 80% autres.

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  8. Wiki, je ne suis pas contre, mais il faut toujours recouper, surtout sur des histoires de chiffres comme cela...

    Effectivement, il y a le problème de connaître l'existence de l'ENS : personnellement, je suis tombée dessus par hasard, en 4°, en faisant des recherches, dans mon collège de cambrousse, pour le mortellement ennuyeux "cours d'orientation".

    Pour ce qui est de l'agrégation, je ne pense pas que ce soit une question d'acheter les bouquins de bibliographie (personnellement, j'en ai acheté très peu et ai beaucoup utilisé la bibliothèque), mais une question d'exigence de niveau et de son maintien.

    Ce n'est pas vrai dans toutes les disciplines, mais, en lettres classiques, par exemple, le niveau d'exigence est nettement plus bas à la fac, ce qui pose problème en situation de concours (et pose problème aussi aux normaliens qui ont pris l'habitude de ne pas devoir faire grand chose pour avoir de bonnes notes et sont ensuite obligés de récupérer leur ancien niveau).

    Par ailleurs, les exigences au concours de l'ENS, en matière de rédaction, de dissertation et de commentaire, sont plus ou moins les mêmes que celles de l'agrégation : être passé par les classes préparatoires constitue donc un plus certain, alors si, en plus, vous avez réussi à intégrer suffisamment ces principes pour intégrer...

    L'université, elle, fonctionne un peu différemment au niveau des premières années de formation, ce qui, dans ce cas précis, n'est sans doute pas une très bonne idée...

    Je trouve que tes interventions sont très intéressantes, car elles soulèvent une question tout à fait pertinente : celle de la légitimité à exister de l'ENS. Je vais faire un post (ou plusieurs) à ce sujet, donc repasse par ici de temps en temps dans les jours qui viennent, qu'on puisse en discuter. :)

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