Suite aux Intenses Cogitations qu'a suscité chez moi le mail de réponse de mon ancien directeur et à la dispute avec le seul de mes amis qui soit à la fois capable de m'aider et disposé à le faire, j'ai dû me rentrer dans le crâne un cours accéléré de diplomatie universitaire ( qui, de mon point de vue, s'apparente plutôt à du cirage de bottes, mais passons ).
Je savais que je n'en avais pas beaucoup ; il s'avère que j'en ai encore moins que ce que je craignais.
En bref, il m'aura fallu emprunter et lire en quatrième vitesse un bouquin que j'aurais pu laisser à la bibliothèque plutôt que de me casser le dos à le ramener chez moi, et rédiger un mail auquel j'aurais pu mettre "Pipeau" comme intitulé : ça aurait été plus honnête ( mais pas très diplomatique ). Evidemment, pendant que je suis aux prises avec ces conneries, mon master n'avance pas et la thèse de huit cents pages que je dois lire me regarde, depuis mon bureau, avec un air de reproche.
Mon propre mail de réponse ayant été envoyé cet après-midi et dans l'espoir que toutes ces tractations et autres passages de pommade arrivent enfin à leur terme, j'ai décidé de m'accorder un petit moment de décompression burlesque, parce qu'après tout, "je le vaux bien" ( qui devrait plutôt s'écrire "je le veau bien" dans la pub en question, mais, là encore, passons ). Et puis, surtout, mes neurones en ont besoin.
Petit exercice de style, donc, sur le thème du fameux mail à envoyer, histoire de se détendre un peu et de dédramatiser tout ça ( en clair : rions tant que nous le pouvons encore, avant d'apprendre que ma carrière universitaire est morte avant même d'avoir commencé et que tout cela devienne tragique ) :
Version "cash", directe, honnête, franche et sans détour ( rayer la mention inutile ) et donc impossible à dire :
"Cher Monsieur, votre attitude pendant ma soutenance m'a si profondément déçue que j'en ai perdu toute envie de travailler avec vous ; j'aurais pu tout avaler, sauf ça. Vous êtes très sympatique par ailleurs et je ne vous remets absolument pas en cause scientifiquement et universitairement parlant ( nota pour les non-initiés : ce n'est pas exactement la même chose ), mais je dois avouer que, même un an de réflexion après, cela me coupe encore sérieusement les jambes.
Or, une thèse, c'est long et je ne me vois pas continuer comme si de rien n'était dans ces conditions. J'ai donc décidé d'aller voir ailleurs si j'y suis, ce qui ne m'empêche pas de ne surtout pas vouloir vous vexer, et ce quand bien même vous ne seriez pas susceptible me pourrir ma carrière. J'ai beaucoup aimé votre séminaire, je vous considère comme un grand chercheur, mais là, vraiment, ce n'est plus possible.
Si vous pouviez donc laisser partir le moucheron que je suis sans faire trop de boucan ( après tout, vous ne vous êtes pas beaucoup investi dans mon travail ) et sans m'en tenir rigueur à l'avenir, je vous en serai infiniment reconnaissante."
Donc, ça, c'est la version impossible à envoyer. J'y suis absolument sincère et vous remarquerez que je mets quand même des pincettes, parce que j'aurais pu écrire la
Version trash télégraphique :
"Yo. Suis écoeurée. Me casse. Ciao."
Ça, c'est un peu ce que j'avais envie de répondre au sortir de ma soutenance. Mais bon, depuis, j'ai vieilli, je me suis "agrégée" et, surtout, j'ai décidé d'essayer de travailler à la fac, donc voilà. J'ai quand même évité la
Version totalement pipeau, mensongère et hypocrite au possible :
"Mon très cher Monsieur, c'est avec une Peine Immense que je vous annonce que je ne travaillerai pas cette année avec vous. Mon année de master 1 a été idyllique de bout en bout, un vrai Champ de Roses, odorant et parfumé ( Nota : toujours penser à glisser des quasi-synonymes, ça fait tellement grec... ). J'ai travaillé dans des conditions que je n'aurais jamais osé espérer, vous avez toujours été si présent et attentif à corriger les erreurs que mon évident manque d'expérience me faisait commettre.
Et puis, la Sorbonne est un endroit tellement agréable pour étudier ! Les gens sont sympas, l'administration est toujours accueillante au possible, on ne vous fait pas faire une carte de bibliothèque qui ne sera valable que pour deux mois parce que les compteurs sont remis à zéro en septembre...!
Et ma soutenance s'est tellement bien passée ! Dans le respect des uns et des autres, sans règlements de comptes en interne sous-jacents sur le dos d'une étudiante qui n'a donc pas eu de mal à comprendre pourquoi tant de violence pour ensuite une note aussi haute... Non, tout s'est passé dans l'échange et il était tout à fait possible de poser humblement des questions pour comprendre les très nombreuses erreurs qu'on a faites sans craindre d'aggraver son cas...
C'est donc vraiment avec le couteau sous la gorge que je me vois contrainte de partir... A vrai dire, on m'a forcée, je suis otage de dangereux guerilleros qui me retiennent dans la Terrible Jungle d'Après le Périph'... Help ! Au secours ! SOS !"
Ça, c'est plus ou moins la version que mon pote de lundi voulait que j'envoie. Celle-là et celle qui la précède ne sont bien sûr pas totalement honnêtes, puisqu'elles ne disent mot sur ma propre participation à l'affaire, mais elles ont le mérite de défouler.
Ceci dit, avec un minimum d'imagination, on peut en trouver beaucoup d'autres, nettement plus intéressantes à écrire.
Version conte de fée :
"Il était une fois, dans la grande ville de Paris, une jeune femme qui avait très très envie de faire de la recherche en littérature latine. Elle s'était pour cela inscrite au Royaume de Sorbonne, lorsque soudain..."
Version "ethnologique" :
"Au cours de ses pérégrinations universitaires, le professeur Lina von ***** s'était tout d'abord attachée à une peuple très particulier, les Sorb Hon Ahrds, qui l'intéressaient beaucoup, jusqu'à ce qu'elle entende parler d'une autre tribu, les Par Y Disses, qui lui offraient à priori un cadre plus accueillant pour ses recherches. Elle décida donc de passer la frontière du périphérique parisien et observa que..."
Version "une lumière dans la nuit" :
"J'étais en train de réfléchir à mon année de master 2, lorsque, soudain, un disque lumineux volant apparut dans le ciel. Celui-ci se stabilisa à quelques mètres de ma fenêtre, puis envoya à travers elle un rayon blanc qui me frappa de plein fouet. Je me sentis alors irrésistiblement attirée, comme en apesanteur, jusqu'à ce que..."
Version "alléluïa" :
"J'étais en train de relire le Livre et de méditer la Sainte Parole de Notre Seigneur, car je ne me souvenais plus exactement par coeur des versets 24 à 112 du premier Livre des Rois, lorsque je fus soudain enveloppée d'une douce lumière... En extase, j'entendis alors une voix ferme, mais pleine de bonté me dire..."
Je vous laisse continuer si vous n'avez rien de mieux à faire ; de mon côté, ça finirait par me prendre trop de temps et j'entends couiner ma thèse de huit cents pages.
Je savais que je n'en avais pas beaucoup ; il s'avère que j'en ai encore moins que ce que je craignais.
En bref, il m'aura fallu emprunter et lire en quatrième vitesse un bouquin que j'aurais pu laisser à la bibliothèque plutôt que de me casser le dos à le ramener chez moi, et rédiger un mail auquel j'aurais pu mettre "Pipeau" comme intitulé : ça aurait été plus honnête ( mais pas très diplomatique ). Evidemment, pendant que je suis aux prises avec ces conneries, mon master n'avance pas et la thèse de huit cents pages que je dois lire me regarde, depuis mon bureau, avec un air de reproche.
Mon propre mail de réponse ayant été envoyé cet après-midi et dans l'espoir que toutes ces tractations et autres passages de pommade arrivent enfin à leur terme, j'ai décidé de m'accorder un petit moment de décompression burlesque, parce qu'après tout, "je le vaux bien" ( qui devrait plutôt s'écrire "je le veau bien" dans la pub en question, mais, là encore, passons ). Et puis, surtout, mes neurones en ont besoin.
Petit exercice de style, donc, sur le thème du fameux mail à envoyer, histoire de se détendre un peu et de dédramatiser tout ça ( en clair : rions tant que nous le pouvons encore, avant d'apprendre que ma carrière universitaire est morte avant même d'avoir commencé et que tout cela devienne tragique ) :
Version "cash", directe, honnête, franche et sans détour ( rayer la mention inutile ) et donc impossible à dire :
"Cher Monsieur, votre attitude pendant ma soutenance m'a si profondément déçue que j'en ai perdu toute envie de travailler avec vous ; j'aurais pu tout avaler, sauf ça. Vous êtes très sympatique par ailleurs et je ne vous remets absolument pas en cause scientifiquement et universitairement parlant ( nota pour les non-initiés : ce n'est pas exactement la même chose ), mais je dois avouer que, même un an de réflexion après, cela me coupe encore sérieusement les jambes.
Or, une thèse, c'est long et je ne me vois pas continuer comme si de rien n'était dans ces conditions. J'ai donc décidé d'aller voir ailleurs si j'y suis, ce qui ne m'empêche pas de ne surtout pas vouloir vous vexer, et ce quand bien même vous ne seriez pas susceptible me pourrir ma carrière. J'ai beaucoup aimé votre séminaire, je vous considère comme un grand chercheur, mais là, vraiment, ce n'est plus possible.
Si vous pouviez donc laisser partir le moucheron que je suis sans faire trop de boucan ( après tout, vous ne vous êtes pas beaucoup investi dans mon travail ) et sans m'en tenir rigueur à l'avenir, je vous en serai infiniment reconnaissante."
Donc, ça, c'est la version impossible à envoyer. J'y suis absolument sincère et vous remarquerez que je mets quand même des pincettes, parce que j'aurais pu écrire la
Version trash télégraphique :
"Yo. Suis écoeurée. Me casse. Ciao."
Ça, c'est un peu ce que j'avais envie de répondre au sortir de ma soutenance. Mais bon, depuis, j'ai vieilli, je me suis "agrégée" et, surtout, j'ai décidé d'essayer de travailler à la fac, donc voilà. J'ai quand même évité la
Version totalement pipeau, mensongère et hypocrite au possible :
"Mon très cher Monsieur, c'est avec une Peine Immense que je vous annonce que je ne travaillerai pas cette année avec vous. Mon année de master 1 a été idyllique de bout en bout, un vrai Champ de Roses, odorant et parfumé ( Nota : toujours penser à glisser des quasi-synonymes, ça fait tellement grec... ). J'ai travaillé dans des conditions que je n'aurais jamais osé espérer, vous avez toujours été si présent et attentif à corriger les erreurs que mon évident manque d'expérience me faisait commettre.
Et puis, la Sorbonne est un endroit tellement agréable pour étudier ! Les gens sont sympas, l'administration est toujours accueillante au possible, on ne vous fait pas faire une carte de bibliothèque qui ne sera valable que pour deux mois parce que les compteurs sont remis à zéro en septembre...!
Et ma soutenance s'est tellement bien passée ! Dans le respect des uns et des autres, sans règlements de comptes en interne sous-jacents sur le dos d'une étudiante qui n'a donc pas eu de mal à comprendre pourquoi tant de violence pour ensuite une note aussi haute... Non, tout s'est passé dans l'échange et il était tout à fait possible de poser humblement des questions pour comprendre les très nombreuses erreurs qu'on a faites sans craindre d'aggraver son cas...
C'est donc vraiment avec le couteau sous la gorge que je me vois contrainte de partir... A vrai dire, on m'a forcée, je suis otage de dangereux guerilleros qui me retiennent dans la Terrible Jungle d'Après le Périph'... Help ! Au secours ! SOS !"
Ça, c'est plus ou moins la version que mon pote de lundi voulait que j'envoie. Celle-là et celle qui la précède ne sont bien sûr pas totalement honnêtes, puisqu'elles ne disent mot sur ma propre participation à l'affaire, mais elles ont le mérite de défouler.
Ceci dit, avec un minimum d'imagination, on peut en trouver beaucoup d'autres, nettement plus intéressantes à écrire.
Version conte de fée :
"Il était une fois, dans la grande ville de Paris, une jeune femme qui avait très très envie de faire de la recherche en littérature latine. Elle s'était pour cela inscrite au Royaume de Sorbonne, lorsque soudain..."
Version "ethnologique" :
"Au cours de ses pérégrinations universitaires, le professeur Lina von ***** s'était tout d'abord attachée à une peuple très particulier, les Sorb Hon Ahrds, qui l'intéressaient beaucoup, jusqu'à ce qu'elle entende parler d'une autre tribu, les Par Y Disses, qui lui offraient à priori un cadre plus accueillant pour ses recherches. Elle décida donc de passer la frontière du périphérique parisien et observa que..."
Version "une lumière dans la nuit" :
"J'étais en train de réfléchir à mon année de master 2, lorsque, soudain, un disque lumineux volant apparut dans le ciel. Celui-ci se stabilisa à quelques mètres de ma fenêtre, puis envoya à travers elle un rayon blanc qui me frappa de plein fouet. Je me sentis alors irrésistiblement attirée, comme en apesanteur, jusqu'à ce que..."
Version "alléluïa" :
"J'étais en train de relire le Livre et de méditer la Sainte Parole de Notre Seigneur, car je ne me souvenais plus exactement par coeur des versets 24 à 112 du premier Livre des Rois, lorsque je fus soudain enveloppée d'une douce lumière... En extase, j'entendis alors une voix ferme, mais pleine de bonté me dire..."
Je vous laisse continuer si vous n'avez rien de mieux à faire ; de mon côté, ça finirait par me prendre trop de temps et j'entends couiner ma thèse de huit cents pages.
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