samedi 10 octobre 2009

A la Recherche de la Biblio perdue 3 : Angoisse à la BNF...

C'est donc le moment de parler de ma toute première visite à la Bibliothèque nationale de France. Je ne travaille ni sur les manuscrits ( philologie ), ni sur les monnaies ( numismatie ), je ne connais donc pas le Bâtiment Historique du site Richelieu. Par contre, j'ai appris à connaître le site de Tolbiac, celui qui a été construit sur l'initiative de François Mitterrand ( d'où la station de métro "Bibliothèque François Mitterrand" ), en bord de Seine.


( Bibliothèque Nationale, Paris, France. Photo de Riggwelter, août 2006 ; source : Wikitravel )


Vous vous en doutez bien, on n'entre pas à la BNF comme dans un moulin, en particulier dans les salles de lecture, réservées aux chercheurs, du "rez de jardin". Pour cela, il vous faut une lettre d'introduction de votre directeur, assurant que vous êtes quelqu'un de très sérieux et que, si vous demandez à pénêtrer dans le Saint des Saints, on peut vous faire confiance.

Une fois muni de votre fameux Billet, il vous faut surtout pouvoir justifier qu'il n'y a qu'à la BNF que vous pouvez avoir accès au document dont vous avez besoin. Et, méfiez-vous, ils vérifient : lorsque vous arrivez, on vous prend entre quat' z'yeux dans un bureau, où l'on vous pose des tas de questions sur votre parcours et où, surtout, on file sur les bases de données informatisées des autres bibliothèques pour vérifier que, ah, oui, effectivement, il n'y a que chez eux qu'il est, ce truc. Après quoi, on vous fiche et vous avez le droit de payer et d'aller faire votre carte.

Vous êtes alors fin prêt à vous enfoncer dans les Entrailles du Monstre. On vous demandera tout d'abord de laisser toutes vos affaires au vestiaire et de mettre ce dont vous aurez besoin ( stylos, livres, ordinateur portable... ) dans une mallette en plastique absolument transparente, qui permet de vérifier que vous ne vous barrez pas en douce avec quoi que ce soit dans vos poches ( et, comme vous allez le voir, ils sont très très sérieux sur ce point ). Il ne vous reste plus qu'à réserver une place dans une des salles de lecture ( sans quoi vous ne pourrez avoir accès à aucun livre ; la réservation d'une place est un préalable absolument obligatoire à celle d'un livre, sinon, je vous renvoie encore à plus bas... ) et vous voilà parti.

C'est là que la Descente commence. Ami néophyte, un conseil, à ce niveau : surtout, surtout, passe ta carte devant chaque lecteur que tu rencontreras, y compris quand il n'y a pas de portillon pour t'arrêter dans ton passage, ou tu auras, comme moi, de très désagréables ennuis...

L'accès aux salles de lecture est moche, il faut le dire : c'est du béton post-moderne, plus blockhaus que design, et les escaliers automatiques sont archi longs et n'en finissent pas ; je ne sais d'ailleurs pas comment font les personnes sujettes au vertige. L'arrivée se fait dans un endroit feutré grâce aux tapis qui couvrent le sol, avec des murs tout aussi béton et de lourdes portes battantes anti-incendie qui font très bobo quand elles vous reviennent en pleine figure parce que la personne avant vous n'a pas fait attention avant de la lâcher ( ma pommette droite s'en souvient encore... ).

Personnellement, je ne souffre pas de vertige et je ne suis pas claustrophobe, mais, depuis le micmac de ma première visite, cette partie-là du Voyage m'angoisse toujours énormément. Rien que d'y repenser et de me dire que je vais très certainement être amenée à repasser par là un jour ou l'autre, j'en ai froid dans le dos... Pourtant, ça en vaut le coup : les salles de lectures sont de véritables oasis paradisiaques et la cour intérieure avec ses arbres et ses fougères n'y est pas pour rien.


(Dominique Perrault- Bibliothèque Nationale de France, 1996 ; photo de roryrory ; source : FlickR)


Mon problème, c'est que, la première fois où j'ai voulu y aller, j'ai, semble-t-il, cumulé toutes les poisses.

Déjà, je n'étais pas très rassurée. Je vais sur un des ordinateurs, réserve les documents que j'ai besoin de consulter, m'installe à ma place et bosse sagement en attendant qu'ils arrivent à la banque de prêt. Une demi-heure plus tard, je passe à ladite banque de prêt, récupère mes trucs ( "C'est la première fois que vous venez, hein ?!" me demande le gars ; noooon, comment c'est-y qu't'as deviné...? ), m'installe et commence à lire en prenant des notes ( toujours lire en prenant des notes ; même si, comme moi, vous avez une assez bonne mémoire, lorsque vous serez en train de rédiger ou de faire des comparaisons entre tel ou tel papier et que vous vous direz "tiens, c'était quoi, déjà, ce qu'il disait précisément ?", sans notes, vous aurez l'air con et vous perdrez un temps qui vous sera encore plus rare et donc précieux à ce moment-là de l'année, pour retourner en bibliothèque chercher le passage où vous aurez lu ce qui vous trotte par la tête ).

Je bosse, je bosse, je bosse, donc, et, sans que je m'en rende compte tout de suite, la pitite lumière verte à ma place devient subitement rouge. Lorsque je m'en aperçois, il est trop tard, je ne pige pas exactement ce qui est en train de se passer, mais vous vous doutez bien que la Lina dans son environnement pas très naturel que je suis ressent alors un certain sentiment d'alarme, qu'on pourrait très élégamment gloser par : "Je sens que quelque chose est en train de partir en couille, mais je n'arrive pas à savoir exactement quoi". Je décide pourtant de faire l'autruche et continue de bosser, en zieutant tout de même périodiquement d'un air inquiet la pitite lumière, rouge maintenant, des fois qu'elle repasse au vert, on ne sait jamais.

Une bonne demi-heure plus tard, un autre document que j'avais réservé devant être arrivé à la banque de prêt, je me lève pour aller le chercher. Et c'est là que les ennuis commencent.

La fille : "Mais... vous n'avez pas de place réservée...! Comment vous avez fait pour réserver un document ?"
Moi : "Ben, je ne sais pas, il doit y avoir un problème, parce que j'ai réservé une place. Regardez, je suis installée là-bas."
La fille, se déboîtant le cou pour vérifier que mes affaires y sont bien : "Bon, je ne comprends pas, l'ordinateur vous a déconnectée... Et puis, du coup, quelqu'un d'autre l'a réservée pour dans une heure. Ecoutez, je vais vous en donner une autre manuellement et puis on verra bien, mais je ne comprends pas du tout ce qui s'est passé."

Le sentiment d'alarme de la Lina des rayons augmente exponentiellement, mais, sans rien dire, elle récupère son bouquin, déplace ses affaires et se remet à bosser.

Le temps passe, en particulier celui de la pause déjeûner. La Lina des conditions extrêmes a décidé de ne pas demander une autorisation de sortie provisoire pour aller faire sa fête à un sandwich décongelé acheté n'importe où dans le quartier et de finir ce qu'elle a à faire avant de festoyer chez elle. Lorsqu'elle retourne donc à la banque de prêt pour rendre ce qu'elle a emprunté, il est 14h; le personnel a changé et l'autre fille qui réceptionne la pile d'ouvrages est toute ébaubie...

Elle : "Bah ça alors ! Comment vous avez fait pour avoir ces documents ?! Vous n'avez pas de place !"

Je lui explique très poliment que si, mais qu'il y a eu un problème informatique et qu'une de ses collègues m'en a donné une autre, etc., etc.

Elle : "Oui, mais là, l'ordinateur, il ne reconnaît pas du tout vos livres ! Il les marque sortis et il ne veut pas les marquer rentrés !"

Elle appelle sa supérieure, qui me ressert le coup du "Mais vous n'avez pas de place ! Mais c'est impossible !" et patati et patata. En deux minutes, tout le personnel de la banque de prêt de la salle W est sur le pied de guerre ; les têtes chercheuses commencent à se lever des tables avec un air interrogatif : mais qu'est-ce qui vient troubler le silence béni de ces Lieux ? C'est là que mon estomac décide de me rappeler violemment que mon petit-dèj' est loin, en ayant la bonne idée de protester énergiquement : "Grôôôôôôôôôoôôôôôôô..." Tout le monde se fige un moment en fixant la Lina des bois, qui devient rouge comme une fraise... "Bon, finit par lancer la responsable, j'ai plus ou moins réussi à faire rentrer les choses dans l'ordre. Allez-y et si vous avez un problème au checking point, dites-leur de nous appeler."


(ACAP Checking-point, photo par Jaroendy!! ; source : FlickR)


Cette fois-ci, le sentiment d'insécurité de la Lina en Milieu sauvage atteint des sommets. Elle sort de la salle, réussit à se perdre un très long moment avant de retrouver l'entrée de la cage d'escalier blockhaus. Elle s'avance, toute tremblante et en hypoglycémie complète, vers l'escalator et sa guitoune dotée d'un lecteur de carte. Biiiiiiiiip. "Sortie refusée : documents non rendus." Rebelote désespérée, dans l'espoir que, si j'y crois très fort, ça va peut-être marcher : biiiiiiip ; "Sortie refusée ; documents non rendus." L'agent de sécurité s'approche : "Mademoiselle ?" La Lina traquée et affamée se précipite vers la gentille dame au guichet juste à côté : "S'il vous plaît... Je sors de la salle W... J'ai rendu mes livres, mais il y a eu un problème informatique et ils m'ont dit de vous dire de leur téléphoner si je ne pouvais pas passer... ( Mallette transparente exhibée bien haut ) Vous voyez, je n'ai plus rien du tout..." Regard incrédule de la madame ; regard ferme du vigile. Coup de téléphone. Tentative informatisée de comprendre comment on a pu En Arriver Là. Et Bibi qui crie très fort dans sa tête : "Mais bordel, allez-y, fouillez-moi !!!! Je suis même d'accord pour me mettre à poil s'il le faut, mais laissez-moi sortir !!!! Il faut que je mange, tonnerre de Brest !!!!" Je me suis finalement contentée d'un regard de Bambie larmoyant. La madame finit par soupirer : "Bon, allez-y, j'ai tout remis à zéro. Bernard, faites-la passer sur le côté." Merci, merci, merci, ma brave dame !!!! Vous occuperez à jamais une place de choix dans mes prières estudiantines !!!!

Quand je suis enfin rentrée chez moi, il était 16h, j'étais tremblante, je commençais à avoir des sueurs profuses et je me suis jetée sur un reste de courgettes froides aux lardons et à la sauce tomate, qui m'ont paru ab-so-lu-ment divines. Même pas pris le temps de les passer au micro-onde.

Vous comprenez pourquoi je ne risque pas d'aller à la BNF pour le plaisir, maintenant ?

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'ai trouvé cet article très très amusant, moi-même devant me rendre à la BNF d'ici quelques mois pour y trouver des perles rares je me sens désormais prévenue !
    Merci encore pour votre site très instructif !
    Sandra

    RépondreSupprimer
  2. Salut,
    c'est superinteressant, j'ai vecu la même chose! Juste, une fois entré, ils ne font plus gaffe. Comme je ne vis pas à Paris, j'ai profité et copier 30 livres! Espérons que le vieux grecs ne me demandent pas les droits d'auteur!
    Marco

    RépondreSupprimer